92 ans, retraité, et pirate informatique
Une histoire comme seule l’Amérique sait en produire : à 92 ans, Hyman Strachman, vétéran de guerre, a déjà envoyé plus de 300000 DVDs piratés aux troupes américaines loin de chez eux. En toute impunité.
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Si vous le croisiez dans la rue, vous lui prendriez sûrement la main pour l’aider à traverser, en vous attendant à l’écouter radoter à propos de ses petits-enfants. Et vous ne vous douteriez pas un instant que vous avez à côté de vous l’ennemi numéro 1 du marché du film américain, en particulier d’Hollywood, bien qu’il n’ait jamais été inquiété (et ne le sera jamais) par de quelconques poursuites judiciaires.
L’histoire commence en 2003. Hyman Strachman, vétéran de la guerre de 39-45, et ancien courtier à Wall Street, vit sa retraite paisiblement avec sa femme Harriet. Mais un jour, Harriet meurt. Et Hyman tombe dans la dépression.
En consultant un site internet de l’armée américaine, il est surpris du nombre très grand de demandes de DVDs de la part des soldats expatriés : il décide alors de combler cette demande. Il achète pour cela tout le matériel nécessaire (une tour de gravure pouvant effectuer sept copies à la fois) et commence à copier des DVDs pirates récupérés auprès d’un « dealer » rencontré chez son coiffeur. Des centaines de disques par jour, qu’il met ensuite dans des boîtes envoyées en Irak et en Afghanistan. Dans les boîtes, les films les plus récents : The Artist, Moneyball ou encore The King’s Speech.
« A chaque fois que je reçois un e-mail ou une lettre émue, je leur renvoie une autre boîte. »
Aujourd’hui, ce sont pas moins de 300000 copies illégales que le vétéran a envoyées aux troupes. Plus de 3000 boîtes. Ce qui, en comptant le prix des DVDs vierges, les coûts d’expédition, fait monter la facture de Hyman à plus de 30000$. Sans jamais demander un centime en retour.
De l’autre côté de la chaîne, les soldats sont ravis. Recevoir les colis de celui qu’ils surnomment « Big Hy » est toujours apprécié. « Cela vous reconnecte avec tout ce qui vous manque » pour Jenna Gordon, ancienne médecin de l’armée à Kandahar. Et les lettres de remerciement sont nombreuses.
Et du côté de l’industrie cinématographique, qu’en pense-t-on ? Même si les majors affirment ne pas être au courant du « travail » de Big Hy, ils se trouvent dans une position délicate : il est en effet difficile de s’en prendre à un homme de 92 ans soucieux d’apporter du réconfort aux troupes. Et déclarent donc apprécier que les œuvres qu’ils produisent « apportent de la joie [aux soldats] pendant qu’ils sont loin de chez eux ».
Hyman, lui, a conscience de faire quelque chose d’illégal, mais soucieux de son intégrité, déclare qu’il ne conserve aucune copie des disques qu’il envoie. Il n’a jamais été inquiété par les autorités.
« Peut-être parce que je suis une personne âgée. »
Ce qui l’inquiète plus, c’est le retrait progressif des troupes d’Afghanistan et d’Irak dans les années à venir. S’il se déclare heureux pour les soldats qui vont enfin pouvoir rentrer auprès de leurs proches, il va devoir se trouver un nouveau passe-temps.
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