A droite, toutes !
Le monde a évolué, tout se droitise, et je me suis rendu compte que j’étais archaïque avec mes obsolètes idées de gauche. Aussi j’ai décidé de tenter l’expérience, d’être à droite. C’est plus difficile qu’il n’y paraît. Voici le récit de cette tentative
J’ai décidé d’être à droite.
C’est vrai, tout se droitise y compris la gauche, le monde a changé, tout évolue, tout va vers le progrès, et moi je restais là stupidement avec mes idées ancrées à gauche, archaïques, obsolètes, des idées droitdelhommistes, pleines de justice sociale, de protection des individus, d’égalité des chances... J’en avais honte de moi-même.
Alors j’ai décidé de franchir le pas, d’essayer d’abord. Etre à droite une journée pour commencer et plus si affinités. Voir ce qui passait par la tête quand on était de droite, comment on appréhendait les choses.
Voilà pourquoi je me suis réveillé à droite. Je suis allé à la salle de bains voir ce qui avait changé et si mon image de droite était potable. Ca allait. Je me suis trouvé vieux, certes, mais ce n’est pas un handicap pour être à droite. Ah, il y avait la barbe. Mais je n’avais pas l’intention de la raser encore. Je réfléchis aux visages de mes nouveaux amis, Sarko, Fillon, les frères polonais Kaczynski , Berlusconi, tous des glabres... Aznar porte la moustache c’est vrai, et Rajoy ? N’aurait-il pas une barbe maigrelette ? Borlo est mal rasé. Bon ça ira pour le moment, et même pas besoin de mettre une cravate, la droite se porte décontractée.
Les idées maintenant. Evidemment je suis contre les retraites, la sécurité sociale, les congés payés, tous ces trucs qui nous coûtent cher à nous la droite. Les gens n’ont qu’à s’assurer, les enfants n’ont qu’à payer pour les parents. L’essentiel est qu’on ne leur laisse pas la DETTE en héritage... Parce que ça, alors, la DETTE, c’est terrible...
J’ai gagné la table du petit déjeuner en sifflotant un air de Sardou... (Non ne croyez pas que les autres matins je sifflotais L’Internationale !). J’ai dit à ma femme : « Tu ne remarques rien ? » Elle m’a regardé avec attention : « Si, tu as un bouton sur le front. - Mais non, dans mon allure... Non rien, pourquoi ? - Je t’expliquerai plus tard. Au fait, la margarine anti-cholestérol, à ton avis, c’est de droite ou de gauche ? » Cette fois il y avait de l’anxiété dans son regard. Je me dis que la margarine anti-cholestérol n’avait pas d’odeur, puis je mordis dans ma tartine en pensant à notre grande industrie agro-alimentaire, à ses milliers d’actionnaires, à ses patrons qui méritaient bien leurs stock options. Dès 9 heures, je téléphonerais à ma banque pour acheter des actions de Madrange, d’Unilever, de Lu, de Danone... Il suffirait que je revende mes parts sociales de la CAMIF...
Puis j’allumais la radio. France Info.
Notre ministre de l’Immigration Brice Hortefeux avait convoqué des préfets pour les rappeler à l’ordre parce qu’ils n’avaient pas rempli leurs quotas d’expulsions. Voilà une nouvelle qui m’aurait fait sourire au temps où j’étais de gauche. Je me serais dit qu’il existait encore malgré tout, une forme d’humanité, que des hommes pouvaient résister aux pressions d’un pouvoir injuste. Mais bon j’étais à droite désormais et j’espérais que le ministre allait sanctionner ces idiots de préfets incompétents. N’y en avait-il pas parmi eux qui avaient leur carte au PS ? Sabotage, sabotage...
Je découvris que même à droite tout n’était pas rose et que j’allais aussi m’y mettre en colère.
Autre nouvelle : le président Sarkozy a tancé Fillon. Ah c’est vrai que celui-ci s’était occupé de ce qui ne le regarde pas, en l’occurence les régimes spéciaux de retraites. Est-ce qu’on lui avait demandé quelque chose ? Pourquoi toujours essayer de mettre le nez dans les affaires des autres ?
Mais d’un autre côté, pauvre Fillon. Est-ce que ça m’aurait plu à moi d’être ainsi considéré quand je travaillais, traîné dans la boue devant tout le monde ? Il devait avoir de la peine. Cette pensée m’emplit d’émotion, je détournai la tête pour que mes larmes ne s’écrasent pas dans mon café au lait.
Et c’est là que je me dis que ma place n’était pas à droite. Même de droite je prendrais parti pour les humbles, les humiliés, les opprimés, ceux qu’on laisse de côté... Merci Fillon, merci, par ton dévouement, ton abnégation silencieuse, tu m’as fait prendre conscience de l’erreur que j’étais en train de commettre.
A 7 heures mon expérience était terminée, je suis reparti vers la gauche, là où est ma place. En chemin j’ai croisé Montebourg, Valls et Hamon. Ils couraient ventre à terre vers la droite.
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