A en manger sa cravate (épisode 2)
Se préparer à la guerre, ça s’organise à l’avance. Trois années minimum. La liste des achats de matériel de la Géorgie depuis 2004, juste après l’avènement au pouvoir de Mikhail Saakashvili, après une réélection... disons contrastée, est nettement plus longue que la liste de courses de la ménagère moyenne. Elle démontre clairement une volonté avant tout offensive et non défensive, c’est très clair, ainsi que celle de vouloir en découdre sur terre et non dans les airs. En 2003, la Géorgie a acheté tout d’abord six lanceurs de roquettes de 122 mm à 8 roues RM-70 MLRS, aux Tchèques de chez Konstrukta, des engins dévastateurs abondamment filmés durant l’assaut d’août 2008, qui s’ajoutent aux lance-roquettes israéliens déjà décrits dans l’épisode précédent. Les engins venaient juste d’être modifiés pour lancer aussi des roquettes de 227, devenant ainsi compatibles avec les autres lanceurs des troupes de l’Otan. L’un des soucis majeurs du gouvernement géorgien, en effet, dès 2003, est d’acheter du matériel "compatible Otan", même si l’entrée dans l’organisme lui est refusée le 2 avril par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, mettant en fureur son président, à se demander si l’offensive ratée décidée sur un coup de sang n’avait pas servi avant tout à accélérer le processus. L’orchestration actuelle de manifestation de rues anti-russes en est l’expression évidente : Saakashvili, sait aussi mettre en scène sa propre défaite.
En 2004, les achats se poursuivent et augmentent dans de très fortes proportions : 12 canons Howitzers autonomes de 152 à l’Ukraine, un Mil Mi-35 ouzbèke, 20 transports de troupes BTR 40 BMP-2 APCs, 14 mortiers bulgares de 120-mm, et en 2005 six hélicoptères d’attaque Mi-24B/P et 2 Mi-8MT ukrainiens, 31 chars T-72 venant d’Ukraine et de Tchéquie, 25 mortiers tchèques et bosniaques de 120 mm, 20 BTR-80, des transports blindés et armés à l’Ukraine encore. En 2006, les achats continuent à un rythme effréné : 30 canons à remorquer 122-mm D-30 et 12 énormes autonomes de 152-mm “Dana” de Tchéquie (devenus depuis MORDAN ), que l’on verra parader dans la capitale en 2008. Tout cela a bien entendu un prix : le budget géorgien pour la défense a explosé dans des proportions inimaginables, et a même multiplié par trente en six ans (? ??), passant de 20 petits millions de dollars en 2001 à 734 millions en 2007 pour atteindre 900 millions en 2008. 4 millions d’habitants, des retraites qui ne dépassent pas 10 euros, 13 % de chômeurs... et malgré tout l’achat d’un pareil arsenal ? Mais où le gouvernement géorgien va-t-il donc chercher l’argent ? Et comment se fait-il que l’homme qui est responsable de tous ces achats, le ministre de la Défense géorgien, Davit Kezerashvili, soit âgé de 29 ans seulement ? Face à l’adversaire russe expérimenté, était-ce le plus indiqué ? N’aurait-il pas un peu trop facilement laissé ouverte sa porte ? « His door was always open to the Israelis who came and offered his country arms systems made in Israel. Compared to countries in Eastern Europe, the deals in this country were conducted fast, mainly due to the defense minister’s personal involvement, » dit Ynet News. C’est au niveau de la Roumanie comme budget, à peu près, peut-on dire, certes, mais qui a cinq fois plus d’habitants ! Trente fois moins encore que la France, mais aussi le 17e budget au monde hors ex-URSS (40 milliards) et hors Israël. Et ça représente le 1/6e du PIB du pays, largement au-dessus d’Israël, réputé comme un des plus dépensiers en armement (49 milliards de shekels de dépenses militaires en 2008, soit 13,5 milliards pour 140 milliards de PIB, soit le dixième environ).
Le PIB du pays a beau être passé de 3,2 milliards en 2001 à 6,4 milliards de dollars en 2005 (il en faisait 10,5 en 1985), cela n’explique pas totalement où le gouvernement de Géorgie est allé chercher tout l’argent nécessaire à l’achat de ces coûteux équipements ! On cite 143 % d’augmentation du budget militaire en 2005 ! Dont 15,6 millions d’euros rien que pour la base de Sénaki ! Avec déjà pour Sénaki et Gori de sérieuses inquiétudes sur le choix de leur localisation « Aux yeux de nombreux observateurs internationaux, la localisation même de ces deux bases n’est pas anodine. Elle soulève, du moins, des questions et fait planer le doute. Car la base de Senaki est située à 40 kilomètres seulement de la frontière du confetti séparatiste abkhaze ; celle de Gori ne sera, elle, séparée de Tskhinvali, la capitale de la République sécessionniste d’Ossétie du Sud, que par une trentaine de kilomètres ». Dès 2005, on savait déjà quels seraient les objectifs du conflit futur : « ces bases sont autant de signaux négatifs pour les deux Républiques non reconnues d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud qui accordent déjà peu de crédit aux intentions déclarées du gouvernement géorgien. » Un document nous donne un embryon d’explication sur la provenance des matériels : la Géorgie s’est fait largement aider par les pays de l’Otan, tous fournisseurs de ces armes, et par une sérieuse aide financière américaine. « Pour aider au processus de transformation de l’armée géorgienne, les États-Unis financent, avec 64 millions de dollars, un programme d’entraînement et d’équipement (Georgian Train and Equip Program, GTEP). À ce jour, deux bataillons ont terminé avec succès un parcours d’entraînement. Les soldats ainsi qualifiés auront un contrat de trois ans et demi et recevront entre 180 et 360 dollars par mois, ce qui correspond aux salaires les plus élevés au sein de l’armée géorgienne » lit-on déjà en 2003« . Les 3/4 de ses chars proviennent de l’Otan. »Georgia has received 206 tanks, of which 175 units were supplied by NATO states, 186 armored vehicles (126 from NATO), 79 guns (67 from NATO), 25 helicopters (12 from NATO), 70 mortars, ten surface-to-air missile systems, eight Israeli-made unmanned aircraft, and other weapons. In addition, NATO countries have supplied four combat aircraft to Georgia« . L’autre point à noter étant la balance en faveur des équipements d’attaque par rapport à ceux de défense, assurée par seulement 5 canons quadritubes SU-23-4, 12 affuts de DCA ZU-23-2, 4 obusiers de 100 et 4 de 57 comme canons anti-aériens. C’est fort peu. Le but visé n’est manifestement pas de se défendre de l’encombrant voisin russe... ce qu’on ferait au départ, logiquement. »It was clear that too many unmistakable Israeli systems in the possesion of the Georgian army would be like a red cloth in the face of a raging bull as far as Russia is concerned", dit encore YnetNews.
En complément, des batteries de S-200 SA-5 Gammon ont été achetées à la hâte et en secret en 2007 à l’Ukraine, bel et bien la plus grande pourvoyeuse en armes du pays et bien aussi la plus fidèle alliée des Américains. Des engins SA-11 Buk-M1 (basse altitude) et Tor-1M moyenne et basse ont été aussi achetés tout aussi tardivement sinon en dernière minute. Comme si l’on prévoyait des représailles aériennes après une première offensive. Très sophistiqués, ces matériels de dernière minute seraient à l’origine de la chute d’un énorme TU-22RM russe de reconnaissance en Géorgie. En plus de ça, une aide américaine directe s’est ajoutée. Les États-Unis ont fourni également 10 hélicoptères UH-1H « Mohawk », 2 bateaux patrouilleurs de type « Point » (ceux des gardes-côtes américains !), et leurs pièces détachées et 230 véhicules divers, dont 15 « Humvees », notamment de communication, et 101 stations de radios... des sujets aujourd’hui fort intéressants pour les Russes, nous verrons plus loin pourquoi exactement. À noter l’omniprésence dans les achats de l’Ukraine, dont le président, marié à une Américaine, Cateryna Clare Tchumatchenko, et possédant - paraît-il - lui aussi la nationalité américaine, a joué un rôle important dans les fournitures des dernières semaines. Beaucoup soupçonnent la seconde épouse de Viktor Iouchtchenko, ancien président de la Banque nationale, d’être un agent de la CIA. L’appui de l’homme d’affaires George Soros n’étant pas négligeable dans l’affaire, toujours ravi de déstabiliser un peu plus la Russie. Comme par hasard, le 23 août, Iouchtchenko, dans son discours pour l’anniversaire des 17 ans de son pays, se servait des récents événements pour appuyer davantage son adhésion à l’Otan, demande bien enregistrée par Dick Cheney. Les ventes d’armes de son pays à son voisin n’étaient pas totalement désintéressées : et pour ça, montrer un Moscou belliqueux est une idée qui semble plutôt bien marcher. À ce jour, c’est lui le grand bénéficiaire du conflit : les Américains ont promis par la voix de Condolezza Rice d’éponger 25 millions de dollars de matériel militaire perdu et ses affaires risquent fort de devenir florissantes dans les mois à venir. Pour le New York Times, l’armée géorgienne reconstruite pourrait même être plus... importante. Et les dépenses futures également : pour mettre en place une aviation de défense correcte dans le pays, les besoins sont estimés à 9 milliards de dollars. Une fois et demie le PIB du pays... selon le journal, il faudra aussi songer à réformer... l’organisation de cette armée et se choisir d’autres chefs militaires, dont certains semblent avoir surtout présenté des prédispositions pour la fuite. « One senior Western military official said that one of the country’s senior generals had fled the battle in an ambulance, leaving soldiers and his duties behind. » Davit Kezerashvili ne devra pas se contenter de coûteux jouets cette fois... et ne surtout pas prendre exemple sur son président, qui lui aussi est atteint parfois de peur panique dès qu’il voit un avion dans le ciel.
Dans le cadre de l’opération « Providing military assistance to military needs foreign States » les États-Unis ont accordé 30,6 million dollars de prêts bancaires, et 10 millions de plus pour préparer l’intégration directe à l’Otan en harmonisant notamment les munitions comme on l’a vu. Les Français, toujours à l’affût, ont bien tenté d’avoir une toute petite part du gâteau géorgien en proposant 4 Mirages Dassault dotés de missiles air-sol, et le projet de vendre deux corvettes « Combattante-2 » lance-Exocets comme celles vendues à la Gréce, mais les événements récents viennent de tout geler semble-t-il. À signaler que lorsque les Américains envoient un bateau d’aide humanitaire en Géorgie, après les combats, l’U.S. Coast Guard Cutter Dallas (WHEC 716), ils l’intègrent à la Combined Task Force 367 et le font suivre par un destroyer lanceur de missiles, l’ USS McFaul (DDG 74). Ou mieux encore : on apprend le 5 septembre qu’une nouvelle livraison humanitaire sera faite non pas par un bête cargo, mais par l’USS Mount Whitney. Un bateau à l’allure anodine, mais bardé d’antennes et de capteurs : ce n’est autre que le meilleur navire d’écoute que possède les États-Unis ! « Chargé d’intercepter les communications, de collecter le renseignement, de coordonner les actions avec les autres unités américaines et enfin de lancer les opérations dans la région » nous apprend un site informatif. Les livraisons humanitaires d’USAID tournent à la provocation pure et simple. Ce qui n’a pas échappé aux Russes, restés vigilants, qui invoquent à juste titre la convention de Montreux de 1936 sur les détroits en rappelant à l’ordre la Turquie. Le Mount Whitney, qui a eu comme commandant l’amiral Mike Mullen, est en effet un engin de collecte d’information et de commandement « the most sophisticated command, control, communications, computer and intelligence ship ever commissioned ». Il est équipé de l’Area Air Defense Control System (AADC), qui a été qualifié par ce même Mullen d’être « the air defense capability of the future ». Inventé par l’Applied Physics Laboratory of Johns Hopkins University et installé par Science Applications International Corp. Inc. (SAIC), c’est un outil de représentation du champ de bataille en 3D, capable d’afficher plusieurs armées différentes à la fois. « The AADC module is an advanced planning and execution tool for a commander to perform duties as the area air defense commander during a joint or combined operation. A significant improvement in automation allows reduction in the size of the staff that would be required to perform this role. The 3-D representation of the battle space, coupled with the easily understood track symbols greatly increases situational awareness and understanding. Air defense plans can be tested by computer generated threats within minutes, adjusted and then tested again ». Ce qui vient d’entrer à Poti permet aux États-Unis de préparer la carte d’identité des avions russes tentant de franchir l’espace aérien géorgien. Le système est lié aux lance-missiles AEGIS, dont une douzaine ont reçu l’autre partie du AADC. C’est bien un vaisseau de guerre, d’écoutes et d’espionnage et de lui avoir fait amener l’aide humanitaire est un leurre digne des pires moments de la guerre froide. Son arrivée rapide démontre que les Américains tentent de pallier au plus pressé en essayant au plus vite de savoir l’état des lieux des radars géorgiens, comme nous le verrons dans l’épisode précédent. Pour tenter de colmater les brèches, ils réalisent en quelques jours l’interconnexion des radars géorgiens subsistant avec ceux de l’Otan, intégrant déjà dans les faits quelque chose qui avait été refusé à Saakashvili il y a quelques mois. Bernés par Poutine, les Américains, dans le Caucase, font du sur-place.
Le contenu du garde-côte prête malheureusement à sourire :« Dallas is carrying more than 76,000 pounds of supplies, including soap, shampoo, toothbrushes, baby wipes, toilet paper and other necessities. » On bombarde, et après on livre du shampooing pour s’excuser ? Sans oublier que celui qui débarque cette aide n’est autre que Douglas Menarchik, « Acting Assistant Administrator for Europe and Eurasia d’USAID », au passé de « pacifiste » bien connu. Ancien pilote de la pire machine à tuer américaine du temps du Vietnam (le C-119 Gunship), il utilise le paravent de l’aide humanitaire pour mieux cacher ses amis de la CIA. Bossant aujourd’hui dans l’humanitaire après avoir écrit Powerlift-Getting to Desert Storm, le livre de référence du déploiement militaire américain durant la première guerre du Golfe ! Un homme résolument partisan de ce fameux « nouvel ordre mondial » tant décrié : « The author uses the six-month buildup to Desert Storm as proof that the United States needs to increase the priority of logistics in strategy and improve its strategic transport capabilities, especially »surge« strategic lift. Current transport capabilities will not be positioned or structured to respond effectively to the contingencies associated with America’s growing responsibilities given the realities of the New World Order. » L’homme tout désigné pour rapatrier fissa les soldats géorgiens déployés en Irak... pour venir combattre les Russes, Humvees comprises... C’est ce qu’annonce d’ailleurs la TV du Pentagone, avec une Claire Chazal brune en uniforme... Des soldats qui fuiront l’arrivée des Russes à grandes enjambées : « No one disputes that the army succumbed to chaos and fear, which reached such proportions that the army fled all the way to the capital, abandoning the city of Gori without preparing a serious defense, and before the Russians had reached it in strength. It littered its retreat with discarded ammunition. » Laissant derrière eux un matériel conséquent et surtout fort compromettant.
Déjà, l’arsenal accumulé était impressionnant. N’importe quel observateur aurait pu se douter d’une préparation à l’offensive terrestre avec un matériel pareil. Certains l’ont fait en temps et heure en annonçant à l’avance ce conflit. Mais avant de pouvoir l’utiliser pleinement, il fallait effectuer auparavant des reconnaissances aériennes, pour obtenir la plus complète cartographie possible... les Géorgiens ne disposant pas d’avions espions, il est logique de voir entrer en scène... les drones. Et là, nous retombons sur les Israéliens, passés maîtres en la matière. Et une fois encore, dans des proportions assez étonnantes. Dans une interview donnée au Times en avril dernier, le président Saakashvili évoquait le chiffre de... quarante appareils Hermes 450 achetés par son gouvernement. Équipés d’un radar signé Elbit, à l’origine un AN/ZPQ-1 TESAR (Tactical Endurance Synthetic Aperture Radar) de chez Northrop Grumman. Sachant qu’un Hunter2 israélien vaut déjà 22 millions d’euros, un Heron 50, un Heron TP 100 millions, calculez le prix d’un seul Hermes d’Elbit Silver Arrow acheté aux Israéliens, qui les appellent « Ziq »... les Anglais l’ayant appelé Watchkeeper. Des Anglais qui en sont à 700 millions de livres pour 54 machines soit 13 millions de livres pièce (16 millions d’euros). La Géorgie aurait donc investi pour 640 millions d’euros dans les drones, soit les 2/3 de son budget total des armées ? Pourquoi un tel investissement, si son président ne ment pas ? Et pourquoi les 40 drones n’apparaissent-ils pas dans ce fameux budget des armées ? Qui paie vraiment ? Pourquoi autant d’appareils que la Grande-Bretagne ou presque pour un pays de 4 millions d’habitants ?. Nous n’aurons pas à ce jour la réponse à toutes ces questions : on trouve bien des textes sur 5 puis 8 commandes d’Hermes, mais aucun pour 40 qui semble dépasser les capacités de production même du constructeur. Tout ce que l’on sait, c’est le nombre de drones abattus : 7 rien qu’en trois mois selon les Abkhazes, 3 selon les Géorgiens : "The Abkhaz side has claimed that it shot down a total of seven Georgian drones over Abkhazia in a period between March 18 and May 12. The Georgian side has confirmed that three of its drones were shot down. Tbilisi also says that its drones were targeted by Russian military aircraft or air-defence system “BUK”- SA-11 Gadfly . Sur le cas de celui de Sukhumi, le 12 mai, aucun doute : c’est bien un Hermes qui a été abattu en pleine ville. Et bien la preuve déjà que les Géorgiens s’attendaient à des combats de rue au milieu des civils.
C’est que l’enjeu de l’Hermes est double, voire triple : les drones américains dont vous a parlé Charles Bwele ne sont compatibles qu’avec des matériels américains, mais pas l’Hermes, résolument tourné vers... l’Otan ! L’engin a en effet été essayé au US Naval Air Station de Fallon, et au Joint UAV Test and Evaluation Centre dans le Nevada, pour ces qualités de vol, pour être ensuite être essayé à l’US Network Centric Warfare (US NCW) et conjointement ensuite chez les Anglais, au UK Network Enabled Capability (UK NEC), pour vérifier sa pleine compatibilité avec les stations de pilotage à distance... de l’Otan. L’engin est, pour cela, au final, connecté à un satellite américain. L’engin de l’Hermes est donc capital pour les Américains et les Israéliens. Capital... et néanmoins un échec en Géorgie : les Ossètes en ont abattu, les Abkhazes également, mais le meilleur exemple reste celui d’un de ces Hermes géorgiens filmant sa propre mort au-dessus de la mer Noire, abattu par un missile lancé d’un Mig-29 russe... la vidéo l’atteste : l’engin s’est fait tirer comme un canard en plein vol. L’image ahurissante avait été montrée par l’armée géorgienne comme preuve de l’ingérence russe sur le territoire géorgien, alors que visiblement l’attaque avait eu lieu au-dessus de l’eau... où patrouille depuis toujours la flotte russe. Les Abkhazes s’étaient mollement défendus à l’occasion, en affirmant que c’était un L-39 (d’entraînement ?) mono dérive qui avait abattu le drone. Or, visiblement, l’avion attaquant était bien muni de 2 dérives et ressemblait comme deux gouttes d’eau à un Mig-29... quant à savoir s’il s’agissait de sa version navale, impossible à dire. Le drone lui étant trahi par son train d’atterissage : c’était bien un Hermes à 16 millions d’euros pièce, filmant lui-même sa propre fin.
L’engin a un autre intérêt encore : ce sont les mêmes qu’utilisent les Israéliens pour suveiller les départs de missiles de la bande de Gaza, et qui sont désormais capables de lancer des missiles, de type Rafael Spike-ER (extended-range) comme le Predator américain lance lui ses Hellfires. L’engin a été choisi par les Espagnols sur leur Tigres. Ce sont les mêmes toujours qu’avaient utilisé les Israéliens avant de bombarder le Liban en 2006, offensive décidée par un des conseillers israéliens reconverti en formateur de soldats géorgiens. Les Américains ont déjà testé un dérivé de l’Heron doté de 4 HellFires, le Hunter2. La Géorgie a donc servi de test en nature pour un prochain conflit européen, et l’essai de drones effectuant le même travail que les Predators américains au Pakistan. Les indépendantistes européens de tout poil sont prévenus. S’ils ne veulent pas finir comme les chefs d’Al-Qaïda, tués un par un par missile lancé de drone, ils n’ont plus qu’à se méfier. L’Otan se chargera d’eux... sous la houlette des États-Unis, responsables finaux des communications via le satellite et via les systèmes d’armes, y compris les avions.
La mainmise américaine en matériel devient à ce stade démentielle : la France, fort hésitante en ce qui concerne son choix de drones, subit en ce moment même le forcing incroyable d’un lobbying présent jusqu’au fond du Sénat. Un lobbying qui n’hésite pas à présenter le choix anglais de l’Hermes 450 Watchkeeper comme « pragmatique »... un rapport édifiant montre cette implication des vendeurs de matériels, contenant des phrases comme « Les apports cumulés du Watchkeeper et d’une plus grande implication de la France dans le programme AGS de l’Otan conféreraient à notre pays une capacité de renseignements conciliant celle du drone tactique et du drone HALE, donc nettement plus développée que celle offerte par EuroMALE. » En résumé, réintégrer l’Otan, c’est s’équiper pareil... l’indépendance des forces armées françaises n’existera plus nulle part. Le jour où les Américains décideront de changer de fréquence ou de satellite, les Français hériteront de drones... inopérants. Un de Gaulle aurait compris qu’il ne fallait pas s’engouffrer dans cette voie qui nous fait perdre totalement notre indépendance militaire. Son successeur actuel reste sourd à ces appels, ou plutôt a déjà choisi de faire plaisir aux lobbys davantage que d’avoir la garantie de la défense de l’indépendance de l’État. En ce sens, c’est de l’irresponsabilité.
Une fois les drones lancés, ils peuvent cartographier et préparer l’attaque. En juillet, le président Abkhaze annonce à Sukhumi sa capitale être tombé sur un plan d’invasion géorgien. « The plan (developed by Georgia’s Defense Ministry) has been obtained by the Abkhaz military intelligence services and clearly demonstrates that Georgia intended to occupy... the entire territory of Abkhazia ». Le plan est clair et assez sophistiqué : « Bagapsh claimed Georgia, whose leader, President Mikheil Saakashvili, hopes to join the U.S.-led NATO alliance, considered organizing two simultaneous military attacks against Abkhazia out of the Kodori Gorge and the Zugdidi region, and also to attempt amphibious landings at the same time at the Abkhazian-controlled ports of Ochamchira, Sukhumi and Gagra. He claimed Georgia had concentrated 2,000 troops in the Kodori Gorge and boosted its overall forces facing Abkhazian territory to 12,000 men since April, RIA Novosti said. »These actions are aimed to destabilize the situation in the zone of the Georgian-Abkhazian conflict and to prepare the international community for possible aggression against Abkhazia."
En avril, tout était déjà en place, donc. Avec un seul défaut au plan : tout était axé sur les actions au sol. Un mois après on était fixé : l’aviation géorgienne inexistante n’a rien pu faire face au rouleau compresseur aérien russe, laissant aujourd’hui les soldats blessés fort amers. « We couldn’t handle it. The troops were very well prepared, but the air forces of Russia destroyed everything, » dit un soldat, « Russian air superiority was crucial. The Georgians were unable to cope with their air defense system, » analyse un spécialiste. « Aviation played the main role. The soldiers told me that everything went wrong as soon as the planes moved in. »The operation was well organised but the conception of our army, the type of weapons bought by our army and the type of priorties we had was not that well thought out« dit encore un autre. Les simples soldats capturés sont plus fins stratèges que le dirigeant du pays. Le »Kennedy du Caucase" n’avait donc pas compris que l’aviation était la reine des guerres modernes ? Il s’était pris pour Napoléon et ses batailles au canon et à la baïonnette ? Cela reste incompréhensible. À moins d’avoir été jeté dans la gueule du loup par ses propres alliés, désireux de savoir comment la Russie allait réagir en cas d’attaque conventionnelle. Ou de se débarrasser d’un autre problème en souhaitant... embarrasser Israël, qui comptait bien recevoir en échange de son investissement sur le terrain un précieuse compensation. Du type l’attaque de l’Iran grâce à l’emploi de terrains d’atterrissages géorgiens... Saakashvili, dans ce cas a bien été berné sur toute la ligne en envoyant ses soldats au casse-pipe. Il s’attendait ferme à être secouru par W. Bush qui n’a pas bronché au dernier moment. Le matamore a perdu, parce qu’on voulait aussi qu’il perde. À trop écouter les sirènes des services secrets américains...
Le gouvernement géorgien et son "pompier pyromane" plutôt naïf s’est laissé embarquer dans un conflit perdu d’avance, cela tous les observateurs le pronostiquaient. Mais il a fait pire encore, en se laissant berner par la stratégie russe, très élaborée, qui ne visait pas qu’à répondre à son attaque, mais à s’emparer au plus vite d’éléments essentiels de sa défense. Nous verrons dans les deux épisodes suivant à quel point on peut parler de désastre, y compris pour des Américains imprévoyants. L’Ours russe s’est réveillé après un long sommeil forcé. Et un ours qui sort d’hibernation est rarement tendre avec ce qu’il trouve sur son chemin.
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