A en manger sa cravate (épisode 4)
En réalité, pour tout vous dire, pour réaliser ces épisodes sur la crise géorgienne, pour moi, tout a commencé par une photo assez étonnante. Celle d’une Humvee couleur sable, en camouflage de désert (dans cette région ?), tirée par un char russe au sortir d’un quai du port de Poti. Quelques jours (le 13 août exactement) après l’invasion russe et la prise du port (où les Russes ont fait sauter la flotte géorgienne qui se résumait à deux vedettes rapides surtout). Cela m’a automatiquement intrigué, tout comme les cartes d’identification trouvées sur certains soldats géorgiens, car il n’y a aucune raison sérieuse à ramener à Moscou comme prise de guerre un engin aussi connu et depuis longtemps décortiqué par l’armée russe. Sauf… sauf si les Humvees saisies présentent quelque chose de particulier. Or, c’est très certainement le cas, car sinon il n’y a aucun intérêt à s’encombrer de pareilles carrosses. Mais l’intérêt qu’elles présentent, ces quatre Humvees dont au moins une des Marines, est en fait multiple. Mais avant de vous l’expliquer, il faut revenir aux multiples déboires d’une armée américaine confrontée depuis des années à un problème de taille : celui d’harmoniser entre ses différentes armées ses moyens de communications, l’Army, les Marines ou l’AirForce ayant pris un malin plaisir à développer chacun un système propre de radio, bien entendu non inter-opérable entre chacune des armées concernées. Si on y ajoute le désir actuel d’avoir recours au satellite et à l’imagerie fixe ou télévisée en provenance directe des drones, ou d’internet, on conçoit qu’il s’agit-là d’un beau casse-tête à résoudre pour les responsables américains. Le casse-tête dure depuis plus de dix ans maintenant. Sans être résolu définitivement.
Un article passionnant du magazine DSI de septembre 2007 signé Jean-Louis Promé nous donne la clé du problème. Il y décrit en détail le « Future Combat System », un concept assez nébuleux et futuriste, comme son nom l’indique, proposé et soutenu à sa création par Donald Rumsfeld, dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas été l’homme clairvoyant qu’il s’est vanté d’être pendant des années. Un projet soutenu également par Eric Shinseki, l’ex-général d’état-major mis au rencart précipitamment pour avoir affirmé dès le début de l’opération irakienne qu’il fallait des « milliers d’hommes » pour contrôler le pays. 500 000 disait-il : le chiffre qui revient depuis le début, en Irak comme en Afghanistan. L’homme avait raison, mais a eu le tort de le dire trop tôt. Shinseki qui n’a pas été écouté en son temps passe désormais pour un prophète au sein d’une partie de l’armée américaine, dont une grande partie demeure opposée aux décisions politiques. L’armée américaine traîne les pieds, et c’est heureux avec les faucons qui lui donnent des ordres. S’ajoute au problème de l’intercommunication des armes entre elles celui des troupes de l’Otan amenées à échanger des données avec les soldats américains. Bref, le casse-tête intégral, tous les échanges devant bien entendu être cryptés. Au-dessus de cette couche radio, l’armée américaine, fort ambitieuse sous Rumsfeld, avait exigé en plus le GIG (Global Information Grid) ou échanges de données via internet ou par « chat », ajoutant encore une couche de complexité supplémentaire.« Possibly the single most transforming thing in our force, will not be a weapons system, but a set of interconnections », peut-on lire à l’époque, en 2004. Un internet propre aux militaires, voilà qui les tente depuis toujours, certes, mais il y a du travail à faire avant : les différentes armées ne communiquent pas bien entre elles. Les militaires, prosaïquement, se sont donc mis en tête de mettre en place en tout premier le Joint Tactical Radio System ou JTRS, un programme de renouvellement progressif des différentes radios pour les rendre compatibles entre elles, programme lancé maintenant depuis plus de dix ans... et qui n’a toujours pas abouti à ce jour. Au point qu’en Irak des soldats, lassés de ne pas pouvoir donner des directives à d’autres unités, se sont mis à faire du chat sur les réseaux civils locaux (que nous décrivons un peu plus loin dans ce texte), sans même se soucier d’un quelconque cryptage, échangeant des plans de bataille sous AOL via leur téléphone portable satellitaire !
Raisonnablement, pour mettre à jour tous les postes de radio les stratèges, et surtout les financiers du Pentagone, avaient fini par se résoudre à recourir à des matériels du commerce, « on the shelf » (« pris sur l’étagère ») et non plus à des engins spécifiques trop chers, et décidé de le faire par étapes, appelées Cluster 1, 2, etc. jusqu’à 5 pour l’intégration totale de toutes les armes et de tous les services à l’horizon... 2015. Malheureusement, force est de constater qu’aujourd’hui on en est à peine au Cluster 1. Le blocage du développement portant sur l’écueil de la sécurisation et du cryptage. Sur puce (figée donc !) ou sur logiciel (téléchargeable), bien plus évolutif, le débat a fait rage... pendant plusieurs années, le second l’emportant désormais et, en attendant, ces armées ont englouti 4 milliards de dollars dans l’achat de matériels d’appoint... non conformes encore aux désirs du Cluster 1 empêtré lui dans son absence de norme de cryptage... l’armée continuant pour sa part ses recherches de laboratoire, en brûlant des étapes pour sortir dès juillet 2004 une définition correcte du Cluster 5... mais sans matériel véritable répondant à ses normes de cryptage du Cluster 1. Bref, un véritable foutoir, une gabegie administrative digne de l’ère soviétique. En résumé, les chercheurs ont fini par rattraper leur retard, mais, entre-temps, sur le terrain, dans les sacs à dos et les jeeps, il a bien fallu meubler. Les engins prototypes du Cluster 5 ont commencé à être livrés en mars 2007 seulement et sont toujours en cours d’évaluation à ce jour. Le Cluster 5 permet l’envoi d’images en temps réel, et est pleinement compatible avec les outils de l’Otan. Le JTRS à ce stade est l’œuvre de BAE SYSTEMS (à Wayne, dans le New Jersey), de Rockwell Collins (Cedar Rapids dans l’Iowa) et de Thales Communications (à Clarksburg dans le Maryland.).
Les radios nouvelles s’intitulent JTRS HMS pour HandHeld, ManPack and Small Format Fit, l’accent ayant été mis sur une réduction drastique de la taille des matériaux. Moins de 6 kg, nécessitant 20 watts, travaillant dans la zone des 2 à 2,5 mhz... et possédant comme tout bon matériel américain une prise d’allume-cigare de voiture pour fonctionner. Or, vous pouvez le croire ou pas, mais les Humvees en sont dotées, certaines en ont même deux (une deuxième rajoutée). Pour le simple soldat, Thales propose un appareil de 907 g seulement, pour un canal, ou 1 360 g pour deux, consommant 5 watts. Embarqués dans des coûts de développement faramineux, les États-Unis ont décidé de restreindre leur production d’appareils personnels, en donnant la priorité aux... Humvees. En attendant toujours, l’armée se contentera d’une norme intermédiaire, dite WIN-T, accédant elle déjà au GIG : « This network will provide on-the- move, high speed, high capacity backbone communications network, linking the warfighters on the battlefield with the Global Information Grid (GIG). The Warfighter Information Network - Tactical (WIN-T) network introduces a mobile, ad-hoc, self-configuring, self healing network, using satellite communications (Satcom) for beyond-line-of-sight on-the-move (OTM) communications, robust network management and high bandwidth radio systems to keep mobile forces connected, communicating and synchronized », dit l’annonce. L’engin avait été montré pour la première fois à l’exposition spécialisée AUSA, l’hiver dernier seulement. C’est très certainement cet appareil équipant les Humvees sur lequel seraient tombés les Russes. Et ce qu’ils se sont empressés de faire savoir à la presse dès les engins emmenés.... « A Russian newspaper said the vehicles contained sophisticated satellite communications gear and they had been flown to Moscow to be examined », dit la presse, plutôt intriguée. La pêche dans le port de Poti s’est donc avérée fort fructueuse pour des Russes qui n’en demandaient pas tant. Ces derniers n’étant pas les derniers pour hacker les systèmes informatiques mondiaux, on peut leur faire confiance pour décrypter rapidement les codes et les cryptages du JTRS donnant accès indirectement à la conduite des drones qui envoient leurs données via le satellite. Les Russes, qui ont pris du retard sur les drones, sont ravis de l’aubaine. Leur Yakolev Pchela, déjà opérationnel, est rarement utilisé, en raison de son rayon d’action ridicule. Le Tu-243, un missile, ne permet pas de rester sur zone. Le Tipchak est un peu léger. Leurs Zond-1, 2 et 3, copiés largement sur le Global Hawk, s’avèrent déjà bien meilleurs que leurs prédécesseurs dont le Sukhoï BAS-62. Un UCAV pompé sur le design du Boeing X-45 a aussi été présenté en maquette sur différents salons, notamment au Bourget. Une copie de Predator est elle aussi sur les rails, c’est le Dan’ et le Dan’M. Pour aller plus vite, les Russes ont acquis des licences, notamment Yakolev en 2002 avec celle de l’Aerostar. « One of the stages in this program was the purchase of Aerostar UAV technology and components from the Israeli Aeronautics Defense Systems Company in 2003. In the near future, Irkut plans to begin flight-testing its UAV, which is based on Israeli experience and technology. Deliveries may begin in 2005. The Russian Ministry of Disaster Relief is expected to become one of the clients. It would use unmanned vehicles to locate and fight forest fires along with Be-200 amphibious aircraft ». Or, si vous remarquez, l’Aerostar est un modèle... israélien. C’est aussi le choix des Marines américains, qui l’emploient en Irak via une compagnie... privée, les Marines, curieusement, par leurs statuts, n’ayant pas le droit de faire voler des drones... la prise d’une Humvee « verte » des Marines équipée d’une liaison vers un Aerostar peut donc s’avérer diablement intéressante dans le domaine. La police américaine ayant elle aussi testé l’appareil. Les Russes ont mis en marche la photocopieuse, et quand ils le font, ça donne un Blackjack Tu-160, par exemple, qui relègue le B-1 au rang de petit frère. Au total, 17 modèles, pas moins, sont en cours de réalisation ou de tests. L’arrivée des données américaines va faciliter la réalisation de leur électronique, et leur éviter surtout leur détournement par gamme d’ondes.
Les radios à bord des Humvees étant pour l’instant toujours des prototypes, donc, car aucun poste de la norme Cluster 5 n’ayant atteint le stade de la production. Et un coût phénoménal au final. Il va sans dire que l’organisation de manœuvres conjointes avec d’autres pays a été l’occasion unique de vérifier la compatibilité de ces différents types de radio en cours de développement... installées à bord de véhicules d’armes différentes. Vous comprenez maintenant pourquoi les Russes se sont précipités pour récupérer un modèle de type irakien, provenant de l’Army, et un modèle à camouflage gris-vert en provenance des Marines. Ce ne sont pas les Humvees qui les intéressaient. Mais bien leur équipement radio et leur liens avec les drones américains. L’analyse de leurs prototypes est là encore une manne inattendue pour Moscou... encore un matériel contenant des secrets importants de saisi (les normes de cryptage du Cluster 5, certes téléchargeables et non figées sur puce) ! Les véhicules couleur sable, amenés lors du pont aérien militaire mis en place pour ramener en express 2 000 soldats géorgiens attendaient sur le quai du port de Poti d’être ramenés aux États-Unis directement et non en Irak. Les Américains ne sont pas prêts de les revoir, ces fameuses Humvees : ou, alors, les Russes les rendront comme les Américains avaient rendu en 1976 le premier Mig25 piloté par Belenko échappé au Japon. Intact, mais dont chacun des plus petits boulons avait été dévissé et revissé, et chaque pièce étudiée à part.
Ce sont les radios ou les communications satellitaires en Ku-Band pour les envois d’images sur les terminaux entrevus dans un bon nombre de Humvees qui intéressaient les Russes. Ce procédé n’est lui pas nouveau : la bande Ku (11,7 à 12.7 GHz pour les fréquences descendantes et 14 à 14.5 GHz pour les montantes) fut utilisée pour la première fois par la télévision NBC, en 1983. Adaptée à l’armée, ça devient le ViaSat IP Satcom Flyaway Terminal, apparu en 2004, qui a été utilisé pour la première fois intensivement lors de l’ouragan Katrina, pour coordonner les secours auprès de services totalement différents. C’est Qualcomm qui avait proposé à la hâte cette solution, à partir de produits existants sur le marché, antenne satellite, routeur Cisco, etc. L’appareil avait sélectionné selon les recommandations du MITRE, incontournable lobby dans l’armée américaine. Pour Qualcomm, le chemin des commandes était simple à trouver en la personne de Tom Loeffler, qui représente la firme depuis 1999, un Texan d’origine et vieil ami (colistier) de McCain. L’actuel candidat était plutôt bien placé : « McCain is a senior member of the Senate Commerce Committee, which oversees the telecom industry and the Federal Communications Commission(FCC) ». L’engin ne marche pas partout dans le monde, en Afrique équatoriale, en particulier que n’arrosent pas les satellites commerciaux IMMARSAT (celui utilisé par Reyes en Colombie !), faute de clients. Les premiers engins à être équipés du système furent des Bradley appelés C2V. L’appareil avait alors pour 1 million de dollars d’électronique à bord selon le Lt. Gen. Steven Boutelle, chargé de la com de l’Army. L’appareil fut ensuite installé dans les Strykers... puis dans les Humvees, qui peuvent accueillir jusqu’à trois écrans de contrôle. Un contrat de 3,6 millions de dollars a permis aux ingénieurs du Army Communications and Electronics Command d’en transformer quelques-unes en quatre mois en station de réception ou d’émission.
Dans un même ordre d’idées, l’ouverture des services de téléphonie satellitaire Thuraya, à Abou Dabi, aux Émirats arabes unis, démontre encore davantage les liens tissés entre les offres civiles et militaires et l’imbrication des services entre différents pays. Le maître d’œuvre des trois satellites arabes est Boeing. Au sol, le capteur modem IP satellitaire, compatible avec les VPN les plus courants, est utilisable par les militaires sans aucune modification, seul un codage des données est effectué. C’est un système similaire via Immarsat qu’utilisent les Farc en Colombie, comme nous avons déjà pu vous le décrire pour la capture et la mort de Reyes. Rappelons aussi qu’aujourd’hui, grâce au satellite, on peut détecter par triangulation un porteur de téléphone à 10 mètres près (aux États-Unis, 50 m ailleurs) : la connaissance des réseaux satellitaires est donc bien aussi un avantage militaire certain. Chaque possesseur peut devenir une cible pour une bombe guidée.« Any satellite telephone is an emitter, » said Loren Thompson, a defense analyst with the Lexington Institute in Arlington, Virginia. « By detecting the emissions, it should be possible for U.S. intelligence to localize desirable targets. » Et pour détecter les cibles, on a recours aussi à des Humvees : « Wayne Madsen, a former National Security Agency analyst now with the Electronic Privacy Information Center, said U.S. spy agencies listen to phone signals using satellites, aircraft, ground stations and even specially equipped Humvees ». Celles confisquées possédaient-elles cet équipement ? On ne le sait.
Le procédé d’internet via le satellite est simple à utiliser comme le montre la vidéo publicitaire. Sur le site de la firme, figure une impressionnante liste de bases militaires américaine déjà desservies. Les appareils portatifs présentés sont désormais de la taille d’un portable classique. Les satellites NSS-6 de SES (Hollande), travaillant en Ku-band, et Intelsat 901 (lancé en 2000) sont également utilisés depuis 2000, le satellite NSS-7 lancé lui aussi par Ariane en avril 2002 reprenant lui aussi la Ku-Band déjà décrite. La firme TS2, qui utilise les réseaux Thuraya et Iridium, sauvé de la faillite grâce au Pentagone, a déjà anticipé sur son site le déplacement des troupes américaines de l’Irak vers l’Afghanistan via sa technologie TS2 aux normes JCC-I/A, via Eutelsat, et son satellite Eurobird 9, un organisme français... qu’utilise aussi Orange. Retenue par les Marines le 7 septembre dernier seulement, la firme d’origine polonaise est déjà prête à offrir ses services dans le pays « We were among the first telecommunications operators in the satellite technology in the territory of Iraq and Afghanistan and as such we have enjoyed a successful cooperation with the US Army for several years now. The Afghan project could be another big government order in the company’s history » dit le PDG de « TS2 Technologie Satelitarne », Marcin Frackiewicz. « Our military network in Iraq has already over 10 thousand regular users for everyday broadband connections » - ajoute Frackiewicz." Le même Frackiewicz qui aura raflé donc une bonne partie des contrats téléphoniques en Irak et Afghanistan, sans qu’on sache exactement pourquoi lui et sa société polonaise et non une autre société. On sait la Pologne impliquée dans la fourniture de véhicules et d’armes à l’Irak dans des conditions plus que douteuses, le choix d’un opérateur aussi obscur semble tout autant empreint de suspicions. Le Pentagone paye la bagatelle de 36 millions de dollars par an à Iridium Satellite LLC, et ses 66 satellites, pour équiper 20 000 utilisateurs gouvernementaux américains en téléphone satellite.
Bien entendu, la Géorgie est desservie elle aussi par TS2, via Telecom Georgia. Et Thuraya présent via le Abu Dhabi Group, appelé en Géorgie « Warid Telecom Georgia Ltd », grâce à des employés pakistanais installeurs de Wimax dont on s’est aperçu de l’existence seulement à la fin du conflit, quand ils ont souhaité rentrer chez eux... Warid dessert aussi le Pakistan en téléphonie mobile. Le comble de l’histoire, c’est que les trois satellites Thuraya on été lancés à partir d’une plate-forme marine du Pacifique, grâce à une fusée... ukrainienne, la Zenit-3SL, remplaçante de la fusée Proton soviétique. À l’origine un des quatre boosters à carburant liquide de l’énorme fusée soviétique Energia. L’engin avait défrayé la chronique lors de sa mémorable explosion du 30 janvier 2007.
Et il a encore bien d’autres raisons de vouloir faire de ces véhicules archi-connus des prises de guerre. La plus étonnante nous ramène encore une fois indirectement à Israël. Même si on ne voulait pas le faire exprès, on retombe sur un fournisseur très particulier. Les Humvees sont aussi désormais protégées des bombes déclenchées à distance ou IED par un système radio de brouillage appelé de « Warlock Green electronic countermeasure system ». Basé sur un précédent système appelé Shortstop Electronic Protection System de chez EDO CCS qui date de 1998, et utilisé au départ en Bosnie. Les Français ayant fait un appel d’offres à quatre sociétés pour équiper leurs VAB (Elisra firme israélienne associée à Thales et sous-division d’... Elbit, ESDT, Arinc et Cofre Export). Produit toujours par EDO, dans ces deux usines de New York et Simi, le Warlock se branche lui aussi sur l’allume-cigare de la Humvee (« designed to connect off the cigarette lighter and/or 12V DC power supply. »). Edo est une firme très controversée aux États-Unis. En 2006, l’un des dirigeants d’EDO n’était autre que Dennis C. Blair. En l’occurrence, un amiral américain en exercice membre du bureau de la direction de la CIA pour les questions militaires. Très lié à un ThinkThank, l’ Institute for Defense Analyses (IDA) qui avait à cette époque remis au Pentagone des rapports dithyrambiques sur le F-22 Raptor... auquel participait EDO. Et auquel ne croyait pas Rumsfeld lui-même : Blair était bien un des membres d’un lobby militaire surpuissant tentant d’entrer dans ce qui était un conflit d’intérêt évident. Blair, coincé, avait fini par quitter EDO... et rester au sein d’IDA, montrant clairement son attirance pour l’argent et non pour le Pentagone. Même chose pour le F-35, où là c’est le directeur du projet, le lieutenant-général Leslie Kenne, qui après avoir obtenu des contrats juteux pour la firme EDO l’a rejoint à la suite de sa démission de l’Air Force en 2003. Mais le mieux de l’ingérence d’EDO dans la vie militaire américaine, c’est le rôle qu’a joué Paul Kern, son directeur, lors de l’affaire d’Abu Ghraib et les liens entre EDO et les mercenaires de Titan Corporation responsables des tortures. Enfin EDO est très lié à Israël, pour avoir construit un rack universel pour les bombes des F-16 israéliens, qui ont été largement utilisés lors des bombardements du Liban de 2006. Des associations anglaises avaient montré ces liens longtemps cachés et dénigrés par la firme. Car EDO ne s’arrête pas là : c’est aussi celui qui propose d’équiper les drones de son rack lance-missile. Si on veut faire d’un drone Hermes 450 un tueur, il faudra passer par EDO. « EDO MBM are developing bomb release units that can be used with unmanned arial combat vehicles (UCAV) or armed drones. These drones have been used by the Israeli military as extrajudicial assassination weapons in Lebanon and the occupied territories » . Ça lui est facile à adapter : c’est déjà EDO qui fabrique les lanceurs Hellfires montés sur les Apache israéliens : « EDO MBM provide equipment that launches Hellfire missiles that could be used by Israeli military helicopters ». Pendant ce temps, les Israéliens aussi sont en train de mettre à jour leurs propres communications, défectueuses pendant la crise du Liban. C’est bien entendu Elbit qui s’y colle, avec un système radio évolué et un GPS, mais aussi un tablet PC sous Linux ou Windows CE.
Radios, transmissions prototypes et radars, codes de cryptage, modes de liaisons vers les drones saisis, déclenchement ou neutralisation des IED : la moisson russe a été bonne sinon exceptionnelle sur les terres géorgiennes. Tout le monde s’était demandé pourquoi Poutine (le vrai dirigeant du pays) avait laissé tirer sur ses troupes au mandat de casques bleus (eh oui, ils étaient déployés sur place au nom de plusieurs pays et non au nom de la seule Russie pour garantir la paix, encore une chose qui semble avoir été oubliée !), au tout début de l’offensive. Tactiquement, c’était imparable. En attirant les maigres troupes géorgiennes à certains endroits, et en acceptant des pertes humaines en sacrifice, les chars russes pouvaient foncer à d’autres chercher ce qu’ils souhaitaient ramener en priorité. Attirer Saakashvili vers le tunnel de Roki, telle était la manœuvre, afin d’aller puiser ailleurs le matériel pour les conflits futurs. Le "Kennedy du Caucase" a appris à ses dépens ce qu’il lui arriverait, à vouloir s’en prendre à un vieux renard du KGB. De Kennedy, le voilà devenu Nixon d’après le Watergate. A en manger sa cravate comme Nixon avait sombré dans l’alcool. Pour l’achever, son ancien ministre de la Défense, Irakli Okrouachvili, aujourd’hui réfugié en France, lâche le morceau le 14 septembre dernier, en avouant que les préparatifs à la guerre remontaient bien à 2005 déjà, avec l’espoir en cas de conflit d’une aide américaine qui n’est jamais venue. Saakashvili l’avait rêvé, mais c’est Poutine qui l’a fait.
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