A quand une marche des salopes à Kaboul ?
Pour mémoire les « marches des salopes », ou slutwalk, font suite aux propos d’un policier canadien qui, devant une classe d’étudiants, a déclaré que les femmes ne devraient pas s’habiller comme des traînées pour éviter les agressions sexuelles. Ces propos ont suscité une réaction violente des milieux féministes. On sait qu’au Canada, le lobby féministe est particulièrement puissant, au point que certains parlent du pays comme du « Féministan ».

Suite à ces propos des manifestations ont été organisées par des groupes féministes dans différentes villes d’Amérique du Nord, d’Europe, et même en Inde. Ces marches n’attirent pas une grande foule mais elles obtiennent un bon succès médiatique. Le choix du mot « salopes » par les organisatrices y est pour beaucoup, ainsi que les habillements provoc. Le mot du policier, « traînées », est moins provocateur. C’est pourtant celui qui sera utilisé pour la première fois en Belgique dans deux semaines.
Le but de ces marches est de dénoncer ce qui est considéré comme une criminalisation des victimes d’agressions sexuelles. Il serait sous-entendu qu’elle provoquent l’agression par leur habillement. Les manifestations revendiquent le droit de s’habiller comme on a envie au nom du droit à disposer de son corps. « L’habillement n’est pas consentement ». Jolie formule. Et idée en soi intéressante. Mais très incomplète et orientée un peu trop contre les hommes.
Quelques réflexions sur ce sujet.
1. D’accord avec le fait qu’une agression ne peut être justifiée et que l’habillement n’est pas consentement. D’accord aussi que l’on ne doit pas inverser les rôles entre l’agresseur-e et la victime. La libre disposition de soi est un acquis de la société libérale.
2. Manifester pour des droits ne doit pas faire oublier qu’il y a des devoirs. Parmi ceux-ci, il y a des règles de vie en société. Ces règles ont heureusement beaucoup évolué depuis un siècle. L’habillement est destiné à la fois à protéger le corps des intempéries et à soustraire certaines parties au regard des autres. La liberté vestimentaire est limitée simplement par ces deux contraintes. On ne vit pas nu en ville, ni même en maillot de bain, pour éviter de focaliser l’attention sur l’aspect sexualisé de la corporalité - car la différence attire. On cache aussi les parties sexuelles pour les protéger et pour ne pas être de manière habituelle en état de solliciter ou d’être sollicité-e.
3. Que notre société atteigne un grand degré de liberté, j’y suis favorable. Mais je dois admettre aussi qu’il y a des codes, des codes profondément ancrés dans les humains. Dans ces codes, montrer son corps fait partie des possibles invitations à une rencontre. Il faut en tenir compte. Les vedettes du showbiz ont bien compris l’importance de la nudité et de la provocation de type sexuelle dans leur rencontre avec leur public. la nudité attire et fait vendre. C’est un dérivé de la prostitution. Madonna et d’autres en ont fait un fond de commerce, des rockers également. Si on enlève l’aspect sexuel de leurs clips ou prestations scéniques j’imagine volontiers que le succès ne sera pas aussi important. Les habits autrefois portés dans des cadres intimes et pour des strip-tease sont aujourd’hui monnaie courante sur scène, en boîte, dans les clips et parfois dans la rue. Les danses lascives et les postures sexuellement explicites ou provocantes font partie de l’image des stars pour ados. Cela concerne plus les vedettes femmes, mais beaucoup d’hommes sont aussi dans ce move.
4. La majorité des hommes et des femmes peut faire la différence entre la représentation, voire l’exhibitionnisme d’une société, et l’invitation au sexe. Mais dans une population de centaines de millions d’habitant, comme en Europe, il y a un faible pourcentage d’individus qui ne font pas la différence. Se sentant provoqués et sollicités, que cette sollicitation soit le résultat d’une montée d’hormones ou qu’elle soit culturelle, des hommes ou des femmes peuvent agresser ou harceler, l’agression physique étant majoritairement masculine. Comme dit la chanson : « Chauffe un marron, tu le fais péter ».
5. Je n’ai aucune intention de culpabiliser les femmes qui s’habillent légèrement. Au contraire car j’apprécie beaucoup la légèreté vestimentaire. Elle est signe de douceur de vivre, d'un monde ouvert, en plus d’être agréable à voir. Elle peut comporter une connotation érotique, bien sûr. Une femme en short court et moulant avec un débardeur ne fait pas le même effet que si elle était en t-shirt large et jean déformé. C’est ainsi. Si cela n’était pas, si les attitudes et habillements n’avaient pas, à un moment ou à un autre, une certaine connotation érotique ou n’étaient pas des signes d’appel, l’espèce humaine ne serait plus la même. Ces signes d’appel ne sont pas forcément portés consciemment. La banalisation des tenues plutôt érotiques par la mode fait que nombre de femmes s’habillent en lançant des signaux. Ce serait pour se plaire à soi-même ? Ou se plaire dans le regard des autres ? Pourquoi pas. Cela ne me dérange pas. Le problème est que ces signaux sont captés par des hommes qui eux, pourraient les prendre au premier degré. Une femme en minijupe attire en général plus de regards qu’une autre en robe longue. Regardez autour de vous : ça marche comme ça, qu’on le veuille ou non. Il n’est donc pas inapproprié, et ce n’est pas une brimade contre les femmes, d’en tenir compte. D’ailleurs les femmes le savent. Il y a des endroits où elles n’iraient jamais en minijupe.
6. L’érotisation de la société est un fait, ni bien ni mal. Sauf au-delà de certaines limites. Les filles de 10 ans habillées et maquillées comme des femme fatales en dehors d’une fête entre copines, c’est une exposition à mon avis excessive. Une femme allant au travail avec une blouse transparente créera des tensions normales. Il faut savoir que si certains hommes se croient tout permis (une très faible minorité), ils se sentent aussi sollicités. Le test est simple à faire. Prenez un groupe d’hommes qui voient passer une fille canon en minijupe et tout : observez le changement de leur respiration, les tensions de leurs joues, le changement de ton de voix dû au serrement des muscles du larynx, l’accélération de la pulsation cardiaque. Ils sont en stress. C’est ainsi. Alors que l’on tienne compte des droits à s’habiller comme on l’entend, ok. Mais que l’on tienne compte aussi de la sexualité masculine. Réciprocité (mot inconnu en lingua féminista). C’est aussi simple que cela. Ça s'appelle le respect.
Encore une fois, il n’y a pas de justification à une agression. Simplement certains ne gèrent pas ce stress dans lequel ils se trouvent.
En conclusion, je pense d’abord que ces manifestations pour le droit à s’habiller comme on l’entend sont réductrices de la problématique. Au-delà du droit à une large liberté vestimentaire il y a le devoir de respecter celui qui nous regarde. Et il est normal de dire à une femme que si elle ne veut pas être sollicitée, elle prend une apparence qui risque moins de solliciter. Il n’y a pas de culpabilisation. C’est d’ailleurs pareil pour un homme. Le monde marche ainsi. N'importe quelle mère, féministe ou non, de gauche comme de droite, devrait apprendre à sa fille - et à son fils - les comportements qui les préservent d'être importunés ou d'importuner.
Je pense aussi que c’est un prétexte à stigmatiser les hommes et la sexualité masculine, qui devrait être de plus en plus bridée. Délibérée ou non, cette notion de brider la sexualité masculine est une constante dans un certain discours actuel, où l'homme est présenté comme un violeur. Que l’agression soit un crime, évidemment. Mais l’image dénudée peut être perçue comme une sollicitation, voire du harcèlement. Enfin, je constate une fois de plus que les sexualités masculine et féminine ne sont pas symétriques. Et que l’on doit admettre non pas que les femmes seraient coupables de s’habiller légèrement, mais que l’agression d’une image érotique précède parfois l’agression en actes. Ce qui encore une fois, dans mon esprit, n'excuse pas le crime. C'est plutôt un constat.
Pour terminer, je dirai que faire une marche des salopes en petite tenue et stigmatiser la sexualité masculine en Europe ou dans des grandes villes occidentalisées, c’est sans risque. Quand un groupe féministe organisera une slutwalk à Kaboul, dans des tenues telles qu’on les voit en occident, images montrant d'ailleurs le corps des femmes comme objet érotique - étonnant quand on connaît le puritanisme féministe à propos de la prostitution, là je tirerai mon chapeau. Pourquoi l’image de l’Inde (image 4) ne montre-t-elle pas de seins nus ? Parce que l’on respecterait les indiens hindous et musulmans, ai-je lu sur un forum. Les hommes occidentaux n’auraient pas droit au même respect ?
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