.. à qui veut la lire
lettre ouverte, à qui... je ne sais pas ; d'habitude on ouvre sa lettre à quelqu'un pour la faire lire à tous, là j'écris une lettre à tous, à n'importe qui et peut-être n'y aura-t-il pas quelqu'un qui la lira. Ce n'est pas grave, j'en ressens plus le besoin que l'envie et je sais bien évidemment que ça ne sert à rien.
Je pense en premier à ceux dont je me sens proche mais qui ne se sentent pas forcément proches de moi. Le fait qu'on ne soit pas comprise, compris, quand on n'appartient pas à une idéologie, quand on se mêle de tout parce que tout est la vie, prouve que les gens n'écoutent pas. Les gens n'écoutent pas..
Moi j'écoute tout le monde, c'est sans doute pour cela que je n'arrive pas à m'enfermer. Aussi, j'ouvre cette lettre à mes frères de cœur gauchistes qui aboient aux fachos dès qu'on n'est pas d'accord avec eux ; je voudrais dire entre parenthèse que cela me chagrine de les voir se comporter exactement de la manière qu'ils reprochent aux autres. Je n'ai jamais vu ni entendu dire que l'on pouvait obtenir quoique ce soit, écoute, échanges, curiosité,etc, de quelqu'un que l'on insulte, sur lequel on crie. Peut-être un père terrorisant, ou bien un dictateur aidé d'une fidèle armée obtient-il la soumission. Ça, c'est le petit côté de la lorgnette, l'autre côté que j'aimerais me voir éclairer - puisque nous sommes en période de paix, toute relative certes mais de paix tout de même-, c'est pourquoi cette gauche zappe les plaintes ou revendications de toute une partie de la population. Le conflit arrive après qu'on a tout essayé, diplomatie, discussion, explication de son propre point de vue, et de part et d'autre bien sûr. Donc écoute mutuelle. Il ne se passe rien d'intéressant hors une écoute mutuelle.
J'entends les plaintes et récriminations de ceux qui vivent aux côtés des musulmans, parqués, mis en ghettos, Français certes, mais pas aussi Français que les autres, par la manière dont on les traite, que ce soit les pouvoirs publics qui après les avoir fait venir les ont laissés tomber, ont laissé faire, s'y sont pris comme des manches lorsqu'ils avisaient d'avoir des velléités de leur apporter quelque chose, ou par les Français issus d'autres immigrations, ou les vieux de la vieille depuis François premier ! Ces quartiers où règnent chômage, misère et exclusion, donc délinquance, drogue et violence, en y incluant la petite dernière qui ne se contente plus d'arnaques, de larcins, de vols ou de viols, mais passe à la vitesse supérieure, bien aidée par nos amis qui les et nous financent.
Les deux faces d'un problème font bien partie du même problème ; si on veut régler un problème il faut faire face aux deux faces. On ne peut pas décemment dire : les uns sont victimes, les autres sont des salauds ; la violence est initiée par les plus humiliés mais ce ne sont pas les responsables qui en écopent mais bien ceux qui à peine mieux lotis se prennent dans la gueule les effets, tout ce qu'il y a de plus normaux et logiques dans une telle situation de gens qui n'ont aucun autre moyen de s'exprimer, effets délétères d'un monde en dérive dont ni les uns ou les autres protagonistes ne sont responsables, en amont ( la responsabilité personnelle étant un autre sujet).
Je vois, excusez-moi, un petit relent de racisme quand même, sous la bienveillance inconditionnelle de certains prétendus penseurs ; car enfin, dans la même galère, pourquoi certains galériens devraient-ils supporter les autres et pas les autres les uns ?
Si, quand on est extérieur au quotidien de ceux-ci, on ne regarde pas la scène en son entier, que voit-on ? Tout le monde est borgne, ou quoi ?
Quand il s'agit d'hospitalité, c'est l'arrivant qui s'adapte et se plie au rythme de son hôte, c'est vieux comme le monde ça, mais il ne s'agit pas d'invités, d'hospitalité ni de quoi que ce soit relevant d'un savoir vivre. Il s'agit de manipulations abjectes de populations. Rien à voir.
Alors on voit fleurir des politiques qui veulent plaire, ou qui soutiennent un camp contre un autre. C'est plus que con, c'est éminemment dangereux et bien évidemment stérile. Nous avons beau nous révolter, nous sommes bien obligés de faire avec les effets du passé, les effets des politiques débiles depuis des décennies, s'y mettre tous, les spectateurs et les acteurs des deux pôles, à la condition, bien sûr, de vouloir remédier au problème et pas se complaire et se suffire dans les oppositions dont chacun sait bien qu'elles nous enfoncent. Je vais être plus claire pour être comprise : le problème concernent les Maghrébins d'origine ( français aujourd'hui), les Français d'origine ou pas, les spectateurs , penseurs, analystes, qui mettent leur grain de sel.
On va dire que les « ta gueule islamogauchiste » « sous-merde » en réponse « vilain petit collabo », ça donne effectivement envie de continuer la lecture, pour s'y grandir. Les auteurs ne se liront pas ici, et je ne les nommerai pas. Je n'ai pas les oreilles chastes, et pour des choses plus futiles, je ne crache pas sur l'écoute d'un vocabulaire coloré sur un ton excédé, mais l'heure est grave, il ne s'agit rien moins que de résoudre des équations à x inconnues, en deux temps trois mouvements, avant qu'elles ne nous pètent à la gueule.
Alors, j'en déduis plusieurs choses. D'une part nous avons comme acquis collectif, historique, qu'il y a deux camps, le camp du bien, du partage, du respect, celui du communisme- comme utopie et non comme réalisation- , celui du socialisme, le vrai, celui de l'anarchisme, l'idéal ; et le camp du mal, celui de l'exploitation, de l'esclavage, du racisme, du rejet de l'autre, du mépris, de la différence comme alibi du pouvoir. Si le camp du bien avait toujours été bien, et si le camp du mal s'entêtait dans le mal, nous saurions encore où nous en sommes ; seulement, il s'agit toujours d'humains et on sait que l'humain, c'est pas vraiment bien, et c'est rarement totalement mal. Mais c'est resté plus simple car il faut un peu de simplicité pour pouvoir avancer. Seulement cette simplicité est devenue binaire, l'ego est devenu premier et la mémoire dernière.
Ma mémoire me raconte que naguère, les immigrés et surtout leurs enfants, avaient l'occasion de s'intégrer dans notre société ; l'école leur était ouverte comme à tous – c'est vrai que les filles y étaient meilleures mais c'était vrai pour les autres aussi-, il n'y avait pas de « délit de faciès » dans le commun des jours ( puisque je ne parle pas des époques de fin de colonisation) et si la vie leur était plus difficile, ils la prenaient pour un défi à gagner. Souvent ils le gagnaient. Et puis et puis et puis, le capitalisme a mué et la société avec lui, donnant compétition rivalité à tous les étages, fermant de plus en plus de portes à de plus en plus de gens jusqu'à créer une tension de compétition, mais pas pour rire. La compétition on l'accepte quand on a des chances de gagner, sinon, on se rebelle mais on ne sait pas contre qui, les coupables sont diffus, les responsables sont insaisissables, et les gagnants toujours les mêmes. Nous avons tous vécu cette dégringolade, nous avons pu ou pas pu nous accrocher à des branches, nous hisser sur une berge ou nous inviter sur une barque. Tous. Ceux qui n'ont plus rien à perdre risquent tout – nous en sommes au sommet- et ceux qui ont encore un petit quelque chose en ont la vie gâchée, et de quel côté qu'ils se trouvent ( je vais préciser pour être plus claire : les Maghrébins d'origine, intégrés, et les Français qui vivent peu ou prou les mêmes conditions, les autres dans leurs beaux quartiers ou leurs campagnes, on ne va pas en dire !!!). C'est saisissant.
Les Maghrébins tranquilles se font booster par des petits connards et en viennent à douter ; leurs femmes qui il n'y a pas si longtemps portaient mini jupes en fumant, en viennent à revendiquer le voile et l'arrogance du faible qui se rebiffe envenime l'ambiance ; quel faible n'a pas envie de se rebiffer ? À moins d'être résigné soumis. Mais contre qui ? Contre celui que l'on rencontre, c'est-à-dire pas le bon.
Quand j'assiste aux combats de coqs, que je vois des plumes voler de partout mais aucun vainqueur, le spectacle m'emmerde ; si ce n'était qu'un spectacle il y a belle lurette que j'aurais quitté les tribunes. Et je ne descends pas dans l'arène car je ne saurais pas contre qui me battre et j'en prendrais de tous côtés.
Si je rencontrais un gonz endjellabé suivi de sa meuf emburkanée qui me fonce dessus et m'impose de m'écarter, selon mon humeur, je resterais à ma place et lui demanderais gentiment de ne pas prendre tout l'espace, ou bien, me mettant dans mon tort, je soutiendrais son regard et cracherais.
Si, dans une salle d'attente, j'assistais à la scène où les mêmes imposeraient à l'accueil d'arrêter la musique de fond, selon mon humeur, je lui dirais que nous sommes dix et qu'à nous ça plaît, ou bien je me mettrais dans mon tort en lui disant d'attendre dehors si dedans lui déplaît.
Mais si j'étais témoin d'une scène où un connard s'en prendrait à un jeune dégingandé un peu provoc' sous prétexte qu'il est bronzé, selon mon humeur ou selon par qui je suis accompagnée, je lui suggérerais de passer son chemin tranquillement, ou je le claquerais. Je suppose que dans tous les cas ça ne servirait à rien, ou j'en prendrais une ou je créerais un pugilat. Ce qui me touche, c'est l'attitude, pas la couleur de la peau. Mais je ne m'écrase pas, à moins que l'attaque soit violente et que je sois sidérée. Après tous ces débats sur le maillot couvert, je me demandais ce que ça me ferait d'être sur une plage et de voir plein de femmes emmaillotées ainsi ; j'ai du mal à me l'imaginer puisque je ne vais jamais à la plage, mais je crois que ça dépendrait de la manière dont il est porté. Toute provocation me hérisse, qu'elle soit LGTB, à poil ou empaquetée ; il n'y a que l'authentique qui me soit agréable, même si étranger ; les artifices sont des cuirasses, mieux vaut ne pas les encenser ; je crois que je me casserais.
Le pouvoir, le mépris, la violence, n'ont couleur ni nationalité, aussi ne pourrais-je les défendre.
Je pense qu'un « islamogauchiste », quand il sera traité comme une merde et s'en prendra une, concevra le problème autrement.
Je pense que le « facho », quand il recevra une bise ou une accolade, tout sourire éclatant, concevra les choses tout autrement. Car « ils » sont comme les autres, peut-être un peu plus accueillants, généreux, bienveillants, mais aussi peut-être un peu plus provocants, venimeux, inquiétants.
Ceci n'est pas un appel au calme, allez les enfants je vais vous préparer un goûter , embrassez-vous. Non, c'est plutôt un appel à la guerre, mais pas à n'importe laquelle ! La guerre que l'on peut faire aux politiques et au système qui nous rend tous aigris, confits de certitudes, enfermés.
Ceci étant le lot des « nantis » !! Quant aux autres exclus, par définition ils ne s'expriment pas et sont tout enclins à se préoccuper de leur survie.
Je voulais préciser que j'adresse cette lettre aussi aux gens de droite, confits de certitudes, et j'ai la naïveté, la candeur de croire qu'il suffirait juste de quelques instants de solitude, de silence pour qu'eux aussi embrassent la complexité d'un problème qui demandera à tous de bien vouloir le résoudre. Car nous n'avons pas le choix. Et je suis bien convaincue que ni d'un côté ni des autres, malgré la haine qui bourgeonne, personne ne désire les conflits, les violences ni les guerres.
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