A quoi sert la Cour des comptes ?
La cour des comptes est une noble et vénérable institution.
Il faut le dire en préambule de cette question.
Elle est chargée de contrôler la régularité :
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des comptes publics de l’Etat,
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des établissements publics nationaux,
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des entreprises publiques,
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de la sécurité sociale,
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ainsi que des organismes privés bénéficiant d’une aide de l’Etat,
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et des organismes faisant appel à la générosité du public (fondations, associations, …)
Depuis 2006, la Cour des comptes a également pour fonction de certifier les comptes de l’Etat, un peu comme le fait un commissaire aux comptes dans certaines entreprises privées. Il est à noter d’ailleurs que la certification a, pour sa première année en 2006, été assortie de 13 réserves substantielles. Elle n’a ainsi pas été en mesure de certifier sans réserve que les comptes de l'État soit « régulier, sincère et donne une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'État au 31 décembre 2006 ».
La mission de la Cour des comptes est donc large et étendue. Elle vise directement la manière dont sont utilisés les fonds publics, comment sont gérés les différents organismes cités et indirectement les politiques menées, les choix politiques réalisés puisque ces derniers ont une influence sur les comptes publics.
Cette institution est une relique car elle a été pensée et organisée en 1256 sous le règne de Saint Louis. Elle s’installe en 1303 au Palais de la Cité jusqu’à la Révolution et se nomme alors Chambre des comptes de Paris. C’est finalement Napoléon Bonaparte, toujours lui, qui crée la Cour des comptes dans sa forme plus ou moins actuelle en 1807, un corps unique et centralisé de contrôle des comptes publics. Elle siège au Palais Cambon depuis 1912.
La Cour des comptes est actuellement composée de 6 chambres, chaque chambre ayant son domaine de compétences. Il s’agit d’une organisation basée sur le système juridique, chaque membre ayant la qualité de magistrat. Mais il s’agit de magistrats dont la particularité est d’être inamovible et de relever du cadre de la fonction publique et pas de celui de la magistrature. Le recrutement s’effectue exclusivement parmi les élèves les mieux classés de l’ENA. Il s’agit donc d’un système fermé qui s’apparente quelque peu à une secte dans son fonctionnement et dans ses codes. Par ailleurs, la Cour emploie des experts en certification, des rapporteurs extérieurs, des vérificateurs et du personnel administratif.
La Cour des comptes, comme indiqué précédemment, a pour fonction première le contrôle des comptes publics.
La mission première de la Cour des comptes est donc de réaliser des audits financiers, administratifs et comptables afin de détecter des anomalies dans les comptes publics afin qu’elles soient corrigées ou rectifiées.
Ainsi, selon l'article 1er de la loi du 22 juin 1967, aujourd'hui codifié au Codes juridictions financières : « La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics ».
Cependant, ce jugement des comptes des comptables publics n'a nullement pour objet de régler un litige mais de sanctionner, de manière automatique, les erreurs des comptables publics dans l'établissement de leur compte.
Un « arrêt » de la Cour des comptes n'a donc aucune portée contentieuse, mais a seulement pour objet une fonction disciplinaire de sanction des erreurs commises. Une telle fonction disciplinaire n'est alors pas différente de celle du supérieur hiérarchique d'un agent dans la fonction publique qui procéderait à la sanction des erreurs commises par son subordonné.
Les comptables publics sont en effet personnellement responsables des opérations qui leur incombent. Si la juridiction financière constate un manquant en deniers (soit parce qu'une recette n'a pas été recouvrée alors qu'elle aurait dû l'être, soit parce qu'une dépense a été payée alors qu'elle n'aurait pas dû l'être, soit encore parce qu'il manque des deniers dans la caisse du comptable), elle déclare le comptable en débet : celui-ci doit alors rembourser sur ses deniers personnels la somme manquante.
Par comptables publics, on entend les comptables principaux c’est à dire les directeurs départementaux (ou régionaux) des finances publiques, installés dans chaque département.
La Cour des comptes est surtout connue pour le contrôle des entreprises publiques qu’elle exerce. Cependant ses contrôles ne donnent pas lieu à des jugements mais à des rapports particuliers ou avis. En plus de la simple légalité ou régularité des opérations financières, elle examine aussi l'efficacité des activités de l'administration ou de l'organisme contrôlé, dans un souci de bon emploi des fonds publics.
En somme et c’est là le principal problème, les rapports que peut émettre la Cour des comptes, suite à l’examen d’une entreprise publique ou quant à la gestion d’une administration, n’ont aucune force légale et ne constituent que des recommandations ou des avis extérieurs. Les rapports qu’elle émet finissent rapidement dans un tiroir et sont vite oubliés sauf si la presse s’en empare mais, même dans ces conditions, leur impact est très très limité. Autrement dit, tout le monde oublie vite les rapports qu’elle émet et ceux-ci sont vite enterrés ou bien la publication d’un autre rapport fait oublier le précédent. En somme, beaucoup d’énergie et d’efforts déployés et dépensés pour un résultat inexistant.
C’est d’ailleurs la problématique d’ensemble de l’Etat français : beaucoup d’efforts déployés, beaucoup d’argent dépensés pour peu de résultat. Que l’on songe à l’Assemblée Nationale ou finalement après des débats, des requêtes, des parlementations, des motions de censure, des prises de position, des questionnements, …. les textes décidés par le gouvernement sont finalement votés par la majorité des députés toute acquise et acquiescante. Beaucoup de bruit pour rien. On retrouve la même chose au Sénat et dans d’autres grandes institutions.
L’Etat français est le champion de l’inefficacité et de la création de vide. Je ne dis pas que les textes ne doivent pas être examinés et discutés mais justement le système actuel empêche un examen critique des textes légaux. Notre système tourne à vide. Il est comme une grande pièce de théâtre avec des acteurs qui font de grands gestes mais cela reste du théâtre et du vent. Et la Cour des comptes, dans sa fonction d’émission d’avis, est le symptôme de ce système qui tourne à vide. Comme une machine qui fonctionnerait sans avoir de fonction et de but. Un machin inutile.
Finalement, il faudrait tout remettre à plat, repenser tout notre système étatique et institutionnel. Non pas tout abattre car le système n’est pas mauvais en soi mais des décennies de dérives l’ont épuisé.
Avoir un vrai parlement qui puisse s’opposer à un gouvernement - président tout puissant. Avoir des institutions dont les avis comptent et qui ne soient pas juste là pour le décor.
Avoir un Etat et des collectivités qui s’interrogent et qui interrogent les citoyens, qui tiennent réellement compte de leurs avis.
Il faut simplifier l’organisation de l’Etat dont le rôle et les contours sont devenus flous et les niveaux (région, ville, département, communauté de communes, …) parfois en opposition ou se surajoutant l’un à l’autre. Il faut repenser le rôle de chaque strate. Il faut réorganiser l’Etat.
Il faut donc revoir notre Constitution et inventer une Constitution qui remette chaque citoyen au centre du débat politique. En somme, mettre chaque citoyen au centre des institutions et non pas en-dessous ou au-dehors. Comment sinon impliquer les citoyens dans les enjeux actuels notamment sur le plan écologique.
Ou alors tout virer et avoir juste un Président mais là nous ne serions plus dans une démocratie.
Et nous tendons malheureusement vers cet état.
Pour la petite histoire, on notera que le maire de Wattrelos, Dominique Baert, épinglé par la Chambre régionale des comptes en 2018 pour la gestion financière calamiteuse de sa ville et l’endettement de celle-ci (dette de 1300 euros par habitant avec un désendettement dans 41 ans) vient juste d’être nommé, sur proposition du Premier Ministre, "conseiller maître en service extraordinaire à la Cour des comptes" (c’est moi qui souligne). Sinon Dominique Baert a enseigné les finances publiques à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Lille et a été Directeur adjoint à la Banque de France. Ceci n’est pas une plaisanterie. Il prendra ses nouvelles fonctions à la Cour des comptes le 1er janvier 2020. Dominique Baert fut l'un des premiers soutiens d'Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. Voilà c’est cela l’Etat exemplaire de notre cher Président Macron. Ah oui Dominique Baert a été fait Officier de la légion d’honneur en novembre 2018 par notre cher Président Macron. Il y a une photo lors de la remise. On les voit se tenir les bras comme deux bons camarades. Comme c’est émouvant !!
« Le principal danger pour la démocratie est la persistance de manquements à la probité parmi des responsables politiques, dont le comportement est indigne de la charge de représentant du peuple ». C’est notre cher Président qui l’a dit. Notre démocratie est donc en danger. Nous sommes donc en danger.
Pour finir, je reprends et soutiens les paroles de Geneviève Legay, militante d’Attac, gravement blessée à Nice, pendant une manifestation, lors d’une charge policière :
"Macron n'est pas un exemple de sagesse mais de mépris et de violence".
"Nous ne sommes plus dans un Etat de droit. La réponse d'Emmanuel Macron est autoritaire".
Voilà une vraie personne qui mériterait d’être Présidente de notre pays.
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