A Vesoul, mieux que le C.D.D. : la rupture du C.D.I. avant l’expiration de la période d’essai !
C’est la stratégie mise en œuvre par un employeur franc-comtois dénué de tout scrupule malgré sa notoriété. Ni vu, ni connu, chacune des parties pouvant, en principe, au cours de l’essai, mettre fin au contrat de travail sans justification, ni respect des règles relatives au licenciement ou à la démission. Une aubaine pour notre employeur qui cumule les ruptures de ce type et évite entre autres avantages, par cette pratique, le règlement des indemnités de précarité dues au terme d’un C.D.D. Seul problème : recruter en nombre suffisant pour que, mises bout à bout, les périodes d’essai couvrent une plage de temps suffisante à une partie au moins de l’activité de l’entreprise, le temps d’une mission ou d’un contrat ponctuel par exemple.
La tactique semble rodée. Le recrutement s’effectue hors région, soit que le vivier local soit pauvre dans le type d’emploi recherché, soit qu’il ait été épuisé. En ces périodes de raréfaction du travail, trouver un candidat correspondant à ce critère de mobilité ne pose aucun problème. Les entretiens d’embauche se déroulent dans le meilleur climat. La confiance est établie et le postulant, généralement jeune et seul, prend ses dispositions pour intégrer son nouveau poste le plus souvent éloigné de son lieu de vie. Ainsi appâté, il quitte enthousiaste sa région, ses amis, sa famille, enchanté de l’avenir prometteur qui l’attend. C’est ainsi que j’ai rejoint cette entreprise au-dessus de tout soupçon.
A peine arrivée dans l’entreprise j’apprends de la bouche même de mon employeur que ma collègue, en prolongation légale d’un mois de sa période d’essai, est sur la sellette. Les jours qui suivent confirment le départ de cette collègue quelques jours avant le terme de sa période d’essai. J’entends aussi de la bouche d’une autre collègue que l’ambiance au travail est déplorable, qu’elle travaille bien au-delà des 35 heures et que ses déplacements professionnels sont effectués sur son temps personnel.
Mon intégration dans le poste se complique : conditions du contrat sensiblement revues à la baisse par rapport à celles énoncées au cours des entretiens de recrutement, charge de travail irréalisable dans le temps imparti, malaise perceptible quoique difficile à définir, management discutable, pression… L’enthousiasme fond comme neige au soleil et fait place à l’angoisse. Et si le contrat de confiance était un contrat dans lequel j’ai été dupée ?
Très rapidement le constat d’un « turn over » important s’impose. Les langues se délient et plusieurs collègues expriment leur désarroi ou leur inquiétude ; d’autres sont sur le point du départ ou viennent de partir et pas vraiment parce qu’elles le souhaitent ni parce qu’elles ont trouvé un autre travail plus rémunérateur dans la capitale ! C’est dans ce contexte et de façon inattendue que moins d’un mois après mon arrivée dans l’entreprise mon employeur met fin à ma période d’essai. Le matin même, une nouvelle recrue a intégré l’activité qui était la mienne.
Depuis une question me hante : quel intérêt un employeur peut-il trouver dans ce genre de pratiques ? Plusieurs raisons pointent le bout de leur nez. En période de surcroît d’activité lié à un marché ponctuel l’employeur ne peut s’exposer à employer un salarié en C.D.I. qu’il devrait licencier avec indemnités de licenciement à la clef une fois la charge ponctuelle terminée et au risque d’être appelé devant le Conseil des Prud’hommes pour avoir appelé C.D.I. ce qui n’était qu’un C.D.D. La solution adaptée est le recrutement d’un salarié en C.D.D. qui , rappelons-le, suppose le règlement d’indemnités de précarité. C’est aussi un contrat contraignant en ce sens qu’il est difficile de s’en désengager tant du côté employeur que du côté salarié, une fois la période d’essai terminée (maximum 1 mois). Et qui ferait le grand saut de tout quitter pour un travail en C.D.D. ? Notre employeur semble bien avoir trouvé sa variable d’ajustement au moindre coût par le biais de la rupture du contrat de travail en C.D.I.en invoquant la rupture libre de la période d’essai et en multipliant ces contrats.
Inhumain, injuste et cruel ? Facteur de précarisation, de désintégration ? Cachez ces gros mots que l’on ne saurait voir ! L’appât du gain et le culte de l’image sont étrangers à ces arguments : pas vu, pas pris ! Et tant pis pour ceux qui y ont cru ! L’heure n’est ni à la moralité, ni à l’encouragement de ceux qui persévèrent mais bien à l’exploitation d’une population de travailleurs qui après avoir fait la preuve de leur mobilité se trouvent de surcroît d’autant plus à la merci d’un employeur indélicat.
Alors, candidats à l’emploi, redoublez de vigilance et ce d’autant plus que vous vous apprêtez à migrer vers une terre promise où le lait et le miel semblent à portée de mains. La morale de cette histoire ? C’est qu’il n’y a pas de morale au pays de la cupidité.
32 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON