Abandon de migrants dans le désert Algérien
Ah ces agences de presse... Ainsi, l’Associate Press vient seulement de découvrir que l’armée algérienne attrape les migrants venant du sud, les emprisonne, puis les « raccompagne » en camion pour les lâcher au milieu du Sahara malien... Pour cette agence de presse relayée par des TV canadienne, (voir la vidéo en fin de page) c’est tout nouveau cuvée 2018... Alors laissez moi vous conter ce que j’ai vu de mes yeux il y a presque 30 ans en juin 1991 où déjà les autorités rejetaient depuis la frontière à Bordj Mokhtar tous les migrants venus d’Afrique de l’ouest ; j’y étais, j’ai vu ces pauvres malheureux être emprisonnés dans des remorques de camion (imaginez la chaleur à l’intérieur de ces cages en acier sans fenêtre) ; puis, après quelques jours de « cuisson à feu doux » ils étaient chargés sur des camions non bâchés et laissés en plein désert.
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Paris – Ouagadougou en 504 Peugeot
En avril 1991 un ami et moi achetons une 504 Peugeot familiale (15.000 francs), et décidons de traverser le Sahara, de vendre le véhicule de l’autre coté au Burkina Faso et avec cet argent nous payer nos deux billets d’avion retour.
Je vous passe le « détail » du voyage sans encombre jusqu’à la porte du désert, à Reggane -Algérie, ancienne station des essais nucléaires français.
Durant 15 jours nous avons vadrouillé tranquille entre - Paris – Gibraltar – ferry – Tanger – Fès – frontière algérienne dans l’atlas, Tlemcen, Sidi bel abbès– Colomb Bechar - Adrar – Dans cette dernière ville nous passons une soirée avec des étudiants algérois qui nous parlent des « événements » dans la capitale (le FIS et les attentats), et le début de la guerre civile qui opposera l’armée régulière et les groupes islamistes pendant 10 ans en faisant de nombreux morts.
Nous arrivons à Reggan ; là, la pompe à essence nous lâche...Un seul mécano, des pièces livrées par avion une fois par semaine. On se dit que c’est terminé, qu’on n’a plus qu’à laisser notre bonne vieille pigeot et prendre le 1er bus remontant à Alger. Et bien le garagiste nous a offert l’hospitalité de sa maison le temps que la pièce arrive, et nous a facturé le prix que nous aurions payé en France. Je dois dire que tout le long du chemin nous avons rencontré en Algérie des gens super honnêtes, avec un sens de l’hospitalité incroyable, encore aujourd’hui je remercie le peuple algérien pour tout ce qu’il nous a offert. Choukrane la choukrane !
La voiture remise en état, nous devons nous présenter au poste de police. En ces temps là, pas de GPS, pas de téléphone portable ; comme disaient les gardes du poste « à vos risques et périls, l’Algérie n’a pas les moyens de venir vous récupérer en plein désert » ; et histoire de bien nous faire comprendre, ils nous demandent de rentrer dans une pièce dont les murs sont tapissés de photos polaroid : des cadavres de ceux qui sont morts de soif, ou après un accident dans le désert. Faut dire que même avec le cagna pendant 3 minutes on a très froid !
Il faut pour pouvoir partir former un convoi... Il y a de tout : des gros camions surchargés de passagers juchés en haut sur le toit de la remorque, des voleurs de voitures qui ont dû graisser la patte des autorités, des voitures Peugeot identiques à la notre surchargées de bagages, de mômes, bref, un caravansérail. Nous sommes les seuls touristes.
Le lendemain matin vers les 4 heures (le soleil se lève très tôt sous cette latitude), c’est le grand départ style Paris-Dakar, ca vroom-vroom à tout va. Rapidement le convoi se scinde en deux ; soit vers le sud-est et Tamanrasset, soit vers l’ouest et le Tanezrouft. Nous avons choisi le grand désert aride allant vers la Mauritanie ; et quelques heures après, nous sommes seul ! Plus un pékin à l’horizon, comme si nos col légionnaires s’étaient évaporés.
La première nuit fut épique, car on a failli se faire dévorer puis ensuite se faire défoncer par des voitures.
A la nuit on s’installe, on dine puis on s’allonge sur le sable dans nos duvets (la nuit ca caille), mais au bout de quelques minutes ca grouille sur nous. En allumant ma lampe torche je découvre que mon duvet est pris d’assaut par des scorpions (z’aiment l’air humide de la nuit les piqueurs). Panique à bord et seule solution s’installer sur le toit de la voiture pour dormir tranquille. C’est vers 1 heure du matin que nous sommes réveillé par des bruits de circuit automobile... Des voitures lancées à toute berzingue viennent nous frôler, on est quitte pour une bonne trouille et nous-nous souvenons des consignes des soldats : ne jamais dormir le long de la piste ! Ils ont raison, car, de loin sur une autre piste parallèle nous voyons des phares de voiture se déplaçant à grande vitesse. Plus tard nous apprendrons qu’en fait ce sont des voleurs de voiture qui ont reçu commandes pour de riches africains de l’ouest de BMW, de Mercedes etc. Ces messieurs voleurs ne roulent que la nuit et comme ils connaissent chaque dune ils se déplacent à des vitesses digne du grand prix de France.
Comment se repérer en ce temps là dans ce très vaste désert ? Il y avait tous les 15 kms un gros bidon d’huile bleu rempli de sable ; donc, il fallait bien observer son compteur car si au bout de ces quinze kms on ne voyait pas de bidon il fallait faire demi tour, retrouver le bidon précédent et suivre une autre marque de piste. Pour ne rien arranger, il faut rouler à au moins 80km/h à cause de la tôle ondulée, qui est en fait le vent qui a formé une croute très dure ressemblant à ce matériaux ; Si, on roule en dessous de cette vitesse le véhicule est tellement secoué qu’il se désintégrerait rapidement, et enfin, car le Sahara se mérite, nous étions à l’époque des tempêtes de sable. Je regrette qu’en ce temps là nous n’ayons eu les appareils numériques d’aujourd’hui, car le spectacle est dantesque. A l’horizon arrive à la vitesse au galop d’un cheval fou un mur de sable haut comme trois immeubles, puis soudain, nous sommes pris dans une tempête où le sable pénètre partout, d’ailleurs il était impossible de se cacher longtemps dans l’habitacle de l’auto, car, nous manquions d’air, il fallait sortir et la nous étions dans un tambour de machine à laver qui aurait craché du sable qui venait comme de la toile à émeri nous labourer le visage. Puis soudain dans l’œil, un calme plat, une superbe lumière orange, puis l’enfer s’éloignait comme il était arrivé, puis. Le Désert. Durant la traversée nous en avons bien subit un dizaine, mais cela est resté inoubliable de beauté.
Quelques temps après nous arrivons à Bidon 5, un ancien poste de la légion au temps de l’Algérie française, nous pouvons faire les pleins eau/essence et nous reposer tout en dégustant nos Bolino (la bouffe séchée style cosmonaute est ce qu’il y a de mieux à ma connaissance en ce lieu) et le thé à la menthe du gardien des lieux.
Maintenant direction Bordj Mokhtar. Je vous passe les séances de désensablement qui sont exténuantes, d’autant que vers les 11 heures du matin jusqu’à 15 heures ce n’est pas la peine de penser de se déplacer ; le thermomètre de l’habitacle s’est bloqué à 70 degrés... Donc seul solution, faire un trou sous la bagnole, puis rester là à cuire à l’étouffée comme un bon ragout de mouton.
Bordj Mokhtar, ce petit enfer
Il fait une chaleur abrutissante, ce qui me donne l’idée de demander au boucher si on peut se refugier dans sa chambre froide. Nous côtoyons des quartiers de mouton en faisant des siestes, car à peine dehors et c’est une chaleur satanique.
Quelque jours plus tard nous décidons de partir au mali à Gao. Et c’est à la frontière que nous voyons ce qui motive cet article. Les autorités militaires traitent les africains de l’ouest comme moins bien que du bétail. Il y a quelques femmes et enfants, mais cela ne change rien. Ils sont entassés derrière un guichet en plein soleil, les autorités parcours leurs papiers et 9 fois sur 10, les arrêtent et les accompagnent dans des remorques de semi-remorque garées opportunément à quelques pas. Ce qui m’étonne c’est la résignation de cette masse, car, il n’y a pas plus qu’une dizaine de soldats, alors qu’eux sont une bonne centaine et que nous sommes au milieu de nulle part...
Notre tour arrive et j’exprime mon courroux suite à ce que j’ai pu observer. Le lieutenant vient, se dresse devant moi et me dit dans les yeux « ici, ce ne sont pas les français qui font la loi » ; pourtant je continue de l’ouvrir, sans une seconde baisser les yeux devant ce trou du cul. Cela a pour résultat que nous sommes retenus pendant quelques heures à l’extérieur du bâtiment, en plein soleil. (nous avons frôlé l’insolation). Comme nous sommes à un poste d’observation préférentiel, ce que nous pouvons voir est révoltant : ces pauvres gens qui ont bravé tant de dangers, tant d’épreuves se retrouvent à être maltraités, sans rien boire ou manger. Un gros camion arrive, et charge une pleine remorquée de prisonniers ; lorsqu’ils sortent la plupart tiennent à peine debout. Le camion partira plein gaz pour les abandonner à une cinquantaine de km en plein désert ; combien mourrons ?
Nous avons été libéré, et sommes parti en nous disant que la vie était carrément injuste, car, nous deux étions nées du bon coté de la barrière. Je suis d’accord qu’il faille réguler le flot de migrants, mais se comporter humainement devrait être la base.
Cela se passait il y a 27 ans, alors imaginez aujourd’hui....
Georges Zeter/juin 2018
Vidéo de radio canada
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1109152/algerie-abandonne-migrants-sahara
Pour la petite histoire après bien des péripétie nous sommes arrivé à Ouagadougou en passant par Gao, Mobti, le pays dogon. Et ce jour là avait lieu les élections. Un nommé capitaine Traoré fit à ce qui ressemblait à un coup d’état ; il n’y avait plus aucune ligne aérienne desservant le pays, sauf l’Aeroflot soviétique... Nous allâmes donc, à Moscou en passant par tripoli, et quelques jours plus tard atterrissions à paris... Mais bon, tout cela est une autre histoire.
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