Accidentologie : une Alpine de la GN impliquée dans une collision mortelle
Le conducteur d’une moto âgé de 30 ans et sa passagère de 17 ans sont décédés samedi 21 décembre 2024 vers 22 h 30 sur l’autoroute A 709. Le motocycliste était poursuivi par une Renault Alpine de la GN pour un excès de vitesse, 139 km/h au lieu des 90 km/h, après le péage de Saint-Jean-de-Vedas (Hérault). Une collision directe entre l'Alpine et la moto semble être exclue. « Pour l’instant, ce qu’on sait, c’est qu’il y a eu trois véhicules qui ont été vraiment très touchés, donc le véhicule des gendarmes, un véhicule Renault Espace qui circulait devant les gendarmes, et puis la moto. (...) Il y a une hypothèse selon laquelle le véhicule des gendarmes aurait percuté le Renault Espace, qui aurait lui-même percuté la moto ». Des témoins rapportent que le véhicule rapide aurait violemment percuté la bordure de l’autoroute avant de s’immobiliser sur les voies de circulation de l’Autoroute A709/A9.
Selon l’avocat de la famille de la jeune fille décédée : « Il s’agit maintenant de découvrir les circonstances exactes qui ont encadré cet accident “et de voir le degré d’implication du gendarme qui conduisait l’Alpine. Est-ce qu’il a commis un acte volontaire complètement inconsidéré ? Est-ce qu’il a perdu le contrôle du véhicule ? Est-ce qu’il a pris en considération toutes les circonstances de la circulation routière à ce moment-là dans le cadre de la poursuite de la moto ? (...) Je trouve ça complètement disproportionné d’engager une course-poursuite pour ça. Je ne pense pas qu’il y ait eu une interprétation, une analyse de la situation qui était véritablement fondée de la part du gendarme ». Si le conducteur de la moto dépassait la vitesse des 90 km/h autorisés de 49 km/h, encore faut-il l'identifier, car le cinémomètre laser ne prend pas de photographie et l'immatriculation relevée désigne le propriétaire et non son conducteur, d’où la poursuite.
« L’Inspection générale de la gendarmerie nationale est saisie et l’Institut de recherche criminologique de la gendarmerie nationale aussi est sur place pour des investigations (...) Les suites judiciaires dépendront des différents actes d’enquête en cours : auditions du conducteur, des témoins, constatations matérielles, prélèvements, examen de vidéos surveillances. (...) La loi elle est assez large sur l’homicide involontaire, elle vise à un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, maladresse, inattention, négligence, imprudence » Laurent Fekkar, procureur adjoint de Montpellier. Le motard n'était pas titulaire du permis de conduire et le véhicule n’était pas assuré...
Conduire est certes une technique mais c'est aussi une attitude, un état d'esprit une activité physiologique, sociale et pour policiers, gendarmes, douaniers un symbole d'autorité. On compte une centaine de gendarmes en Equipe Rapide d’Intervention, et chaque année près de 500 candidats se présentent aux épreuves de sélection et une douzaine seulement est retenue pour suivre le stage de formation sur le circuit de Ceram- Mortefontaine (60) à une cinquantaine de kilomètres de la capitale. La piste de 5,2 km dédié aux constructeurs est accessible à tous en raison de son profil sécurisé et vitesse limitée à 200 km/h.
Parcours du candidat : examen médical - sélection psychotechnique - tests de sélection, 1 jour ; formation de pilote de Véhicules Rapides d’Intervention 4 jours ; évaluation 1 jour. Depuis 2015 l'équipier n'est plus obligatoirement pilote de VRI, il doit être cependant capable de prendre le volant en cas de défaillance du pilote. Les nouveaux pilotes de Véhicule Rapide d'Intervention rejoignent un Escadron Départemental de Sécurité Routière ; première femme pilote acceuillie en 2019. Les pilotes de VRI se doivent de subir un bilan médical tous les deux ans et une évaluation de compétences tous les six ans. Certains pilotes en préparation préfèrent des circuits plus techniques qui offrent chicane - épingle - pif paf et terrains variés. Les policiers sont formés à la conduite rapide sur le circuit de Fay-de-Bretagne (Loire-Atlantique).
La mission principale d'un gendarme en Equipe Rapide d'Intervention : « est de patrouiller au volant d’un Véhicule Rapide d’Intervention pour assurer la sécurité des usagers, détecter les infractions graves à la sécurité routière, traquer la délinquance sur les grands axes routiers et contribuer activement à la lutte contre les trafics divers, de lutter contre la délinquance sur les aires de repos, ou encore de réaliser des escortes. (...) Participation à l’interpellation des criminels avant leur arrestation par les unités spécialisées comme le GIGN. (...) Partage d’expérience lors d’actions de prévention et de sensibilisation du public sur la sécurité routière. (...) S’il constate des infractions, des conduites à risque, ou de grands excès de vitesse, il intervient à bord de son véhicule rapide afin d’intercepter le contrevenant. Il roule jusqu’à sa hauteur et lui fait signe de s’arrêter sur le bas-côté ou de prendre la sortie suivante. Si un conducteur refuse de s’arrêter, le gendarme peut engager une course-poursuite. Le gendarme « doit aussi savoir mesurer les risques et arrêter une course-poursuite lorsqu’elle met en danger la vie des autres usagers de la route ».
Être titulaire du permis de conduire et lire une plaque d'immatriculation pour apprécier la vision du candidat ne saurait suffire à piloter un véhicule à grande vitesse (tout est relatif), même un véhicule tout court. A grande vitesse, pour que le véhicule reste stable et équilibré sans risquer de quitter la chaussée ou dévier de sa trajectoire, il faut éviter les transferts de « charge ». La masse du véhicule et son centre de gravité sont deux facteurs de la tenue de route. Le risque de survenue d'un accident est d'autant plus important ou dommageable qu'il n'a pas été envisagé et encore moins anticipé. La plupart du temps, l'application de manœuvres correctrices permet de conserver ou suffit à reprendre le contrôle du véhicule. Des notions de physique indispensables pour appréhender et apporter les contre-mesures sont partie intégrante de toute formation à la conduite « extrême ». Un véhicule ne saurait échapper aux lois de Newton : Les corps se déplacent en ligne droite à vitesse constante, ou demeurent immobiles, à moins qu'une force ne s'exerce qui modifie leurs vitesses ou leur direction. Les forces entraînent des accélérations en proportion inverse de la masse d'un corps. La réaction d'une force entraîne une réaction égale et opposée. Ce n'est qu'après leur compréhension et leur assimilation que l'on peut « commettre, avec prudence, des imprudences »...
Le cahier des charges de l’appel d’offres lancé en 2019 pour remplacer les Méganes III RS et les Seat Leon Cupra précisait : atteindre les 250 km/h - passer de 0 à 100 km/h en 6 secondes - supporter une utilisation intensive pendant 4 heures - laisser tourner le moteur à l’arrêt pendant 1h30. L'Alpine A110 passe de 0 à 100 km/h en 4,5 secondes, de 0 à 200 km/h en 15'' et atteint des pointes à 250 km/h (sur circuit). Les Alpines couleur bleu Abysse acquises par la Gendarmerie et mises en service en 2022 ont été modifiées par le carrossier Durisotti : circuits électriques pour gyrophares à LED (un à l'extérieur, deux à l'avant et deux à l'arrière) - sirène - mégaphone - panneau d'affichage arrière - tablette tactile - mode furtif (éclairages extérieurs et intérieurs coupés) - feux de pénétration en bas du pare-brise - plan de sol pour l'antenne - vitres renforcées d'un film résistant à un pavé lancé - freinage renforcé - (frein à main hydraulique ?) -porte-fusil - extincteur.
:-(( Retour vers les problèmes de robinets qui fuient et de trains qui se croisent. Les calculs relatifs aux écarts entre deux véhicules qui roulent avec des vitesses différentes (rattrapage, croisement, à contre-sens). Une moto est flashée à 100 km/h (27,77 m/sec) sur une route limitée à 70 km/h (excès de vitesse passible de la perte de 3 points). L'Alpine part avec 15 secondes de retard sur la moto et roule à 120 km/h. Au bout de combien de kilomètres l'Alpine rejoindra la moto ? En 15 secondes la moto a déjà parcouru 27,77 m/sec X 15'' = 416, 55 mètres. L'Alpine roule à 120 km/h (33,33 m/sec) tandis que la moto continue de rouler à 100 km/h. La différence de vitesse entre l'Alpine et la moto vaut 33,33 m/sec - 27,77 m/s soit 5,56 m/s. L'Alpine rattrapera le contrevenant après 33,33 x 15'' = 495,5 mètres en 75 secondes ; distance d'avance de la moto divisée par l'écart de vitesse 416 m / 5,56 m/s = 75 sec. Quelle est la vitesse moyenne et la distance parcourue en ligne droite ? 27,7 m/s (100 km/h) x 4,4 sec = 121,88 m/sec -> 121,88 / 2 = 60,94 m/sec x 4,4 = 268 mètres ;-)).
Certains amateurs de sports mécaniques ne jurent que par le couple moteur, c'est à dire la force de rotation appliquée sur les roues par les pistons et le vilebrequin. Le moteur de l'Alpine 110 délivre un couple maximum de 320 Nm (Newton mètre) de 2000 à 4800 tours/minute avec une transmission assurée par une « boîte de vitesses à double embrayage à 7 rapports avec palettes au volant ». La valeur de 320 Nm indiquée par Renault correspond à 4800 tr/min (la puissance en CV est égale au Couple (Nm) x Régime (tr/min) / 7000). La puissance d'un véhicule est caractérisée par l'énergie du moteur et le rapport poids / puissance. Plus le rapport est faible, plus le véhicule dispose de réserve, mais avec cette puissance survient un risque de décrochage des roues motrices (propulsion arrière pour l'Alpine, donc sur-vireuse). Si le rapport est inférieur à 8, le conducteur doit être familiarisé avec la conduite sportive. Le rapport de l'Alpine est de 4,2 et 2 pour la Lanborghini Countache ! C'est surprenant que la Sécurité routière n'est pas encore réclamée la création d'une catégorie supplémentaire pour la conduite des véhicules sportifs. Les systèmes de sécurité parfois source d'aggravation des conséquences d'accidents (Etude de Portland) sont rarement évoqués.
Le gendarme peut « jalonner », c'est à dire filer un véhicule contraint d'emprunter un itinéraire connu, une sortie payante ou non (sauf à en forcer une barrière d'accès cadenassée desservie par un chemin carrossable) pendant que ses collègues organisent un contrôle avec herses, etc. Tout est affaire d'opportunité, de topographie, du caractère d'urgence, de l'infraction et de la mission. C'est la cinquième Alpine A110 impliquée dans un accident depuis sa mise en service en 2022. Le 8 avril 2024 l'Alpine a percuté une Audi S3 au niveau d'une barrière de péage dans la Loire - 5 novembre 2023 heurt sur un mur de protection en béton de l'autoroute près de Grasse (06) - 30 octobre 2023 l'Alpine a percuté le rail de sécurité près de Besançon sur l'A36. Accidents largement commentés sur les réseaux sociaux qui évoquent : prise de risque, erreur de pilotage, perte de contrôle, effet tunnel, distraction, perte de concentration, préparation mentale délaissée lors de la formation, objet mal arrimé, voiture inadaptée en situation limite ; en existe-t-il une qui soit adaptée ? https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/conduite-extreme-reduire-la-249697.
La conduite rapide sur réseaux routiers et urbains est plus exigeante que le pilotage sur un circuit fermé aux virages inclinés. Le stage « moniteur technique de pilotage et de conduite spécialisée » du GIGN dure lui 3 semaines et celui des motocyclistes 10 semaines ! On peut s'étonner d'une durée de 4 jours et que la formation n'incorpore pas un simulateur de conduite sportive (voire dopée à l'IA) qui permet de ressentir physiquement les effets : suspension, freinage, accélérations, décélérations, virages, perte d'adhérence et les transferts de masse ou de glisse.
Un gendarme de 35 ans comparaissait le 12 septembre 2024 devant le tribunal correctionnel de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour mise en danger d’autrui lors d’une course-poursuite à la suite d’un refus d’obtempérer survenu le 2 mai 2021 à hauteur de Plénée-Jugon (Côtes-d’Armor). « Le gendarme n’aurait pas prévenu le centre opérationnel afin de décider d’une éventuelle course-poursuite (...) aurait collé à plusieurs reprises le deux-roues poursuivi et l’aurait serré à droite en se mettant à la sa hauteur, et ordonné à sa collègue passagère d’ouvrir la porte en roulant pour faire chuter le conducteur du cyclomoteur, ce qu'elle a refusé. L’interpellation s’est achevée avec l’arme à la main ». La procureure avait dénoncé un comportement « jusqu’au-boutiste au mépris de toutes les règles de sécurité pour tout le monde », le parquet de requérir cinq mois de prison avec sursis et la suspension du permis de conduire pour le gendarme. Le jeudi 17 octobre le tribunal a relaxé le gendarme faute « d'élément légal pour qualifier l'infraction ». Le militaire a toujours contesté les faits et soutenu qu'en poursuivant un cyclomotoriste à la conduite dangereuse et particulièrement excessive il n'a fait qu'appliquer la loi et préserver les autres usagers. Une correction, une précision, une remarque ?
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