Afrique du Nord, arabo-musulmane ?
Comment vous dites ? « Arabo-musulmane », comme tous, en ce bas-monde la qualifient. L’Africain du Nord – j’en suis un - sait-il seulement d’où il vient et quelle est sa véritable identité ? L’Identité du Nord Africain ? Celle des citoyens de ces peuples chargés d’Histoire résidant depuis toujours sur une terre en grande partie désertique mais aussi ruisselante de richesses dans quelques unes de ses oasis ?
Quel est donc le lien identitaire de ces territoires, objets de tant de convoitises et donc de bouleversements depuis la nuit des temps, repoussés par le Sahara voilà des millénaires jusqu’aux rivages du sud de la Méditerranée, entre Lybie et Mauritanie qui, elle, a préféré tremper ses côtes dans l’Atlantique ?
D’aucuns vous répondrons du tac au tac « musulmans ! » Mais ont-ils seulement réfléchi ceux-là ? Croire en une religion n’a jamais été, de nos jours, l’identité d’un peuple ou d’un rassemblement de gens proches les uns des autres par leurs coutumes ou leurs traditions et habitudes, leur façon de vivre et se nourrir dans une région ou ensemble de régions de pays différents. Et puis le nord africain juif ou chrétien comme athée existe toujours. Et je sais ce que j’écris. J’ai été tour à tour chrétien par la volonté de mes parents, musulman par celle de mes épousailles et tout en respectant l’église, la mosquée et la synagogue, je demeure, depuis l’adolescence, définitivement rébarbatif aux rituels de n’importe laquelle des religions.
Ils sont « arabes » diront d’autres tout aussi précipitamment. Combien de fois l’ai-je entendu en France et notamment à mon encontre, assorti du qualificatif « sale » à cause de ma « gueule de métèque ». Ils n’ont pas tout à fait tort si on s’arrête sur le seul fait que les nord-africains parlent tous ou presque (sauf les berbères des Aurès) un arabe dialectal aux variantes diverses entre les territoires. Que nenni pourtant car on ne parle par exemple qu’anglais, espagnol ou même français (si peu hélas) dans des contrées éloignées ou proches les unes des autres sur cette planète sans pour autant avoir la même façon de vivre. Pratiquer une langue pourrait indiquer un ersatz de culture mais pas une identité.
Allez donc demander à un grand voyageur si le Nord Africain, le Maghrébin, peut être identifié par exemple à un Syrien, Irakien, Jordanien, Egyptien ou même Saoudien où la langue arabe serait née (à moins qu’elle ne vienne de beaucoup plus loin, de Saba d’où le Yémen, ou pour l’alphabet, de Tyr d’où le phénicien) ? Il vous répondra aussitôt « Oh que non ! ». Et surtout pas saoudien.
Alors ? Alors, l’identité du Nord Africain est justement et avant tout la Méditerranée.
Il est MEDITERRANEEN ! Et le restera toujours.
Il est aussi bien à son aise, chez lui en quelque sorte, à Tripoli, Tunis, Alger ou Rabat qu’à Naples, Chypre, Palerme, Marseille, Istanbul, Le Pirée, Perpignan, Séville ou Alicante.
Certes il parle l’arabe – et de façon différente selon les pays – tout en employant bon nombre de mots français ou italiens. Certes, aussi, il est en grande majorité musulman après avoir été païen, juif (Maïmonide le médecin philosophe de Cordoue et contemporain d’Averroes le musulman cordouan comme lui) puis chrétien (comme l’atteste Saint Augustin le berbère, père de l’Eglise), mais il a toujours été méditerranéen.
Il faut croire que le nord africain lui-même l’ignore. Un récent sondage effectué en Tunisie (son nom vient de Tounès dérivé arabe puisé dans un dialecte berbère) nation de la région ayant connu le plus grand nombre d’invasions de toutes sortes, a donné des résultats mitigés. Les tunisiens, comme selon toute vraisemblance les autres peuples de la région, s’identifient comme… arabes, marocains, berbères, andalous.
Ils sont un peu de tout cela mais leurs racines, leur véritable « souche mère » est sans conteste berbère, issue des Caspiens de la Préhistoire. Une cellule centrale sur laquelle se sont fixés aux cours des millénaires et au gré des invasions, pêle-mêle, des chromosomes siciliens ou ibériques (5000 ans avant JC) puis des grecs venus de Phocéa, des phéniciens originaires de Tyr devenus carthaginois, des romains d’où le nom d’Ifryqua pour la Tunisie et l’Algérie d’aujourd’hui, des crétois, des nubiens, des vandales futurs allemands, normands en partie anglais, des francs, des croisés de toutes races, des maltais, des maures à la peau noire originaires d’Afrique subsaharienne via la Mauritanie d’où en grande partie les touaregs, des arabes de Damas et Bagdad (et point d’Arabie), puis des andalous, des ottomans donc des turcs, tous abreuvés de l’eau de la Méditerranée ou attirés par elle.
Dès lors il serait dommageable de croire que, face à l’Europe, sur la rive sud de Mare Nostrum et surtout dans sa partie ouest, couve depuis toujours une menace pour les nations qu’on a pris pour habitude de nommer « occidentales ». Si l’on excepte la présence sur les terres d’Afrique du Nord d’individus en nombre réduit, religieux extrémistes maniant la violence, jeunes chômeurs souvent incultes ou voyous embrigadés par des meneurs radicaux, les peuples, en tant que méditerranéens convaincus parmi lesquels brille le « matriarcat », sont néanmoins plus proches des valeurs de l’Occident que de celles de l’Orient.
A l’instar de leurs vis-à-vis, et bien qu’ayant vécu pendant très longtemps ou vivant encore pour l’un d’entre eux, sous des régimes plus ou moins autoritaires, ils ont toujours considéré que la religion dominante, et tolérante, qu’ils pratiquent avec une très grande liberté et qui reste tant décriée ici et là, sinon combattue, est affaire individuelle et ne sera jamais affaire d’Etat.
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