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Alexeï Navalny, pour toujours souriant

 

A l'heure où la veuve d'Alexeï Navalny, Ioulia NavalnaÏa, est accusée par la Russie de "participation à un groupe extrémiste" et qu'un mandat d'arrêt a été émis contre elle par son pays, ce texte est un hommage à son mari, Alexeï Navalny, en tant qu'opposant à un régime autoritaire, en ces temps troubles où chacun doit s'interroger sur ce qu'est la démocratie, pourquoi elle est importante et comment nous pouvons la protéger.

Il s'agit d'un texte factuel, donc basé uniquement sur des faits, qui n'a pour but que de rappeler de manière succincte les combats menés par Alexeï Navalny, notamment en ce qui concerne la corruption en Russie.

Ces combats sont à l'heure d'aujourd'hui toujours d'actualité.

Le soutien inconditionnel à Poutine par de nombreuses personnes en France me paraît plus que surprenant s'agissant du dirigeant d'un pays ayant attaqué militairement un pays ami et voisin, qui ne le menaçait nullement, et pour lequel une zone stratégique la Crimée avait déjà été récupérée. Le fait pour l'Ukraine de vouloir intégrer l'OTAN, qui est une organisation militaire n'ayant plus d'ennemi désigné, ne pouvait en soi s'assimiler à une agression envers la Russie. Il convient de rappeler que dans les années 90, la Russie a manqué intégrer l'OTAN à sa demande.

 

Nous sommes le 15 février 2024, Alexeï Navalny se trouve dans le box des accusés dans un tribunal, derrière des grilles. Il est amaigri, semble fatigué mais il sourit et rit avec un air ironique en voyant le juge. Il se moque gentiment de lui en lui disant que de toute façon son compte bancaire est vide et que les décisions prises ce jour là par le juge ne pourront pas y changer grand-chose, qu’il est prêt à donner au juge son numéro de compte bancaire afin que celui-ci lui transfère son énorme salaire. La caméra se tourne et on voit d’abord un gardien sourire puis ensuite le juge qui sourit également mais de manière crispée à cette remarque, la vidéo de 29 secondes s’arrête. C’est la dernière fois que l’on a pu voir Alexeï Navalny vivant et apparemment en bonne forme.

 

L’humour était pour Navalny une forme de résistance. Car rire de son adversaire, c’est souvent le montrer tel qu’il est réellement, avec tout le ridicule que cela comporte. Les tyrans ont souvent peur de ceux qui manient l’humour car, en quelques répliques, l’humour fait apparaître la vérité cachée derrière le masque du pouvoir. Et cette vérité se situe souvent loin des apparences du masque.

 

De formation d’avocat, Navalny adhère en 2000, à l’âge de 24 ans, au parti démocrate Iabloko. Sept ans plus tard, en 2007, il se rapproche des milieux nationalistes dont il s’éloigne en 2011. Il est surtout connu en Russie pour sa lutte contre la corruption via des blogs didactiques et très clair (blog https:// navalny.com et le site Rospil devenu la Fondation anti-corruption https://fbk.info) ainsi que par des documentaires diffusés sur les réseaux sociaux. Navalny, surnommé ‘le blogueur’ par Poutine, qui ne l'appelait jamais par son nom, qualifie en 2011, au vu de ses enquêtes, le parti ‘Russie Unie’ de Vladimir Poutine de ‘parti des escrocs et des voleurs’.

 

Il perd en 2013 des élections pour la mairie de Moscou mais obtient néanmoins 27% des voix. Sa campagne était axée sur la dénonciation des migrants qu’il décrit comme des délinquants. On peut rappeler qu’en 2007, Navalny avait comparé les Tchétchènes à des cafards et suggérait de les molester. Le personnage en lui-même est donc loin d’être aussi attrayant que certains veulent le faire paraître. C’est l’aspect du personnage que les pro-Poutine mettent souvent en avant afin de dévaloriser Navalny. Il avait cependant rejeté ses propos nationalistes et xénophobes en 2014. 

 

Il est ensuite accusé par le pouvoir de détournement de fonds ce qui stoppe sa carrière politique. Ces accusations ont clairement eu pour effet de stopper son élan électoral et son influence grandissante en tant qu'homme politique. Il est empoisonné en 2020 avec un agent neurotoxique de type Novitchok, marque de fabrique du FSB (produit développé en Union Soviétique dans les années 70 et 80), et ne doit sa survie à l’époque qu’à un atterrissage rapide de l’avion où il se trouve et qu’à son hospitalisation dans un hôpital de Berlin pendant 1 mois. Arrêté à son retour en Russie le 17 janvier 2021, il est, après plusieurs procès, condamné en juillet 2023 à 19 ans de prison pour plusieurs chefs d’accusation dont ‘extrémisme’. En décembre 2023, il est transféré dans la colonie pénitentiaire n° IK3 dans l’arctique russe, surnommé le ‘Loup polaire’, une sorte de goulag stalinien. On y annonce sa mort le 16 février 2024 à l’âge de 47 ans, le lendemain de sa dernière apparition vidéo donc. 

 

Là ou Navalny faisait le plus de mal au régime existant, c’est quand il démontrait, à travers ses vidéos et ses documentaires sur la corruption, les diverses malversations et pot de vin de l’administration russe à ses plus haut niveaux. Navalny avait ainsi réalisé un documentaire sur le palais délirant du cap Idokopas, documentaire intitulé ‘Un palais pour Poutine : Histoire du plus gros pot-de-vin du monde.’ (Youtube cf site Un palais pour Poutine (navalny.com)), palais estimé à lui seul à une valeur de plus d’un milliard d’euros. Cette propriété est officiellement détenue par Arkadi Rotenberg, très proche du Président Vladimir Poutine. On pourra également se reporter à l’enquête menée par l’OCCRP (Organized crime and corruption project), consortium de journalistes d’investigation ayant enquêté sur un groupe de 86 sociétés et fondations appartenant à des proches de Poutine, et détenant des actifs (biens immobiliers, jets privés, yachts, actifs financiers, …) pour un montant de 4,5 milliards d’euros.

 

Alexeï Navalny a donc eu un courage extraordinaire de retourner en Russie car il savait qu’il allait de toute évidence être arrêté et condamné à des peines longues et injustes. Il savait aussi qu’il avait peu de chance de s’en sortir vivant. Poutine n’hésite pas en ce moment même à envoyer des milliers de jeunes hommes se faire tuer dans une guerre inutile. La Russie a-t-elle besoin de l’Ukraine ? Elle avait déjà récupéré la Crimée sans tirer un coup de feu. On voit bien à travers les événements actuels que Poutine pousse ses pions toujours un peu plus loin tant qu'il n'y a pas de résistance. C’est ce qu’avait bien compris Navalny et c’est pour cette raison qu’il voulait le stopper, faire apparaître la réalité du personnage cachée derrière une figure de bienfaiteur des russes.

 

Pourquoi ne pas tracer partout sur les murs, à Moscou et dans la Russie entière, en cyrillique, les lettres AN, afin que Poutine, où qu’il tourne la tête, les voit, voit que Navalny est toujours présent et vivant dans l’esprit des russes malgré sa disparition. Navalny est mort parce qu’il faisait peur à Poutine. Alors que Poutine a sous sa botte l’armée, la police, la justice, le FSB, il avait malgré tout peur d’un homme qui se trouvait en prison et qui ne pouvait pas se défendre. 

 

A partir du moment où une tentative d’assassinat a été perpétué contre lui, Navalny a compris qu’il n’avait aucune chance et qu’il était condamné à court terme. Il avait alors le choix entre se terrer et se cacher pour essayer de survivre mais ses chances étaient quasi-inexistantes. Ou bien finir sa vie en rentrant dans son pays et se jeter ainsi consciemment entre les griffes du lion. Il fallait pour cela un grand courage. Car il savait bien que cette situation n’allait pas longtemps être tolérée.

 

Il n’existe à ce jour aucune preuve directe de l’implication de Poutine dans la mort de Navalny. 

 

On rappellera cependant les diverses morts brutales d’opposants de Poutine ces dernières années tels que : 

- Boris Nemtsov, abattu le 27/02/2015 à Moscou, non loin du Kremlin, 

- Boris Berezovsky, retrouvé mort le 27/02/2013, à Londres

- Sergeï Magnitski, avocat fiscaliste, mort en prison en 2009

- Alexandre Litvinenko, mort le 23/11/2006, empoisonné au polonium

- Anna Politkovskaïa, mort le 7/10/2006, tuée de 5 balles dans son immeuble moscovite

Sans compter les nombreux oligarques morts dans des circonstances étranges ces deux dernières années.

 

L’ombre de Navalny sera toujours au-dessus de Poutine, à le regarder s’enfoncer de jour en jour dans une forme d'hubris sans limite, et souriant de cela.


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6 réactions à cet article    


  • Robert GIL Robert GIL 13 juillet 17:28

    En 1998, il est diplômé en droit de l’université russe de l’Amitié des Peuples et en 2001 de l’université des finances du gouvernement russe. En 2009, il étudie à l’université Yale aux USA après avoir été recommandé par le joueur d’échecs Garry Kasparov, et par la rédactrice en chef du New Times Evguenia Albats. Il rejoint le « World Fellows » de Yale, séminaire de 15 semaines sur les affaires mondiales destiné aux aspirants « futurs leaders étrangers », Navalny est diplômé de ce programme qui éduque les futurs leaders des « révolutionnaires de couleur ». À partir de 1998, Navalny exerce en tant qu’avocat pour une société de promotion immobilière appartenant à l’oligarque Shalva Chigirinsky. En 2013, il est privé du statut d’avocat suite à sa condamnation dans l’affaire Kirovles. Il a aussi œuvré pour des entreprises privées qui profitaient de la « thérapie de choc » des années 1990, aspirant à transformer la Russie en une sorte de « Wild West capitaliste ». Il était également partisan du Parti libéral Yabloko, dont il a été expulsé (en 2007) pour ses penchants racistes autour d’un éphémère mouvement « Narod » (peuple), dédié à la défense du « nationalisme démocratique », ce qui voulait surtout dire la défense des droits des Russes « de souche ». C’était un ultra libéral, avec un penchant prononcé pour un nationalisme ethnique-russe, ici on dirait « raciste ».

    A l’échelon national, Le taux de popularité de Navalny n’a jamais dépassé les 2%, donc le présenter comme le principal opposant à Poutine est une blague, un peu comme si en France l’on disait que Poutou est le principal opposant à Macron. Ses partisanes et partisans sont ... voir la suite


    • leypanou 13 juillet 19:10

      @Robert GIL
      le présenter comme le principal opposant à Poutine est une blague, un peu comme si en France l’on disait que Poutou est le principal opposant à Macron  : ça n’empêche les journalistes perroquets de le répéter à chaque fois que l’occasion se présente.


    • charlyposte charlyposte 14 juillet 10:40

      @leypanou
      LOL.....bien vu. smiley


    • Seth 14 juillet 14:12

      @Robert GIL

      Toute une « gauche » bobo, bien dans ses meubles bien dans sa vie, s’est beaucoup indignée après son « assassinat », ne sachant pas bien sûr ce qu’il était vraiment, quelle était sa biographie ni son positionnement politique.

      C’était les mêmes ex-hippy peace and love qui avaient soutenu Maidan à cors et à cris. Si l’on parlait à ces gens de « néo-nazis », on se faisait copieusement insulter.

      Et tout ce petit monde n’a pas changé d’iota en dépit des évidences...


    • xana 14 juillet 10:22

      Navalny ? Qui c’est ça Navalny ?

      Le seul Russe « à peu près présentable » qui soit pro-Occident ?

      Pas de chance, il est mort. Trouvez-vous en un autre, Mr « Razoumikhine »...


      • Seth 14 juillet 14:19

        @xana

        Perso j’aime bien la Navalnaia qui joue à la veuve éplorée et en colère après avoir retrouvé bonheur aussi sec. smiley

        Navalnaia la môman lui avait demandé dès le début d’arrêter son cinéma. La haine bru/belle mère sans doute, allez savoir...

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