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Accueil du site > Tribune Libre > ALGÉRIE - FRANCE, une guerre diplomatique aux convictions incertaines
#66 des Tendances

ALGÉRIE - FRANCE, une guerre diplomatique aux convictions incertaines

Une abondance de critiques de toutes les sphères politiques s’enchaîne à propos de l’Algérie. Si les politiques et médias savent ce qu’ils distillent dans leurs déclarations et les avantages politiques qu’ils escomptent en tirer de cette compagne inédite, cela aurait été de bon aloi en compagne électorale ; or, ce n’est précisément pas le cas.

Nous savons qu’entre les deux pays, eu égard au passé colonial douloureux, des frictions de part et d’autre n’ont cessé de se produire, pour de multiples raisons, depuis l’indépendance de l’Algérie, et ce, bien plus qu’avec les autres pays décolonisés. D’ailleurs, on relève souvent deux griefs récurrents. D’une part, la France reproche à l’Algérie d’exploiter, pour des raisons de politique intérieure, l’histoire mémorielle de la colonisation. En outre, l’Algérie critique la France pour avoir instrumentalisé l’algérophobie à des fins de politique intérieure, en cherchant à minimiser la sympathie envers l’extrême droite, qui compte une importante communauté de Français d’Algérie, de harkis et leur descendance, ainsi que des familles touchées de près ou de loin pendant la guerre d’Algérie, telles les familles des 1,5 million de soldats qui ont participé à la guerre de l’Indépendance algérienne de 1954 à 1962.

Dans les sources de conflits principalement évoquées par la France contre l’Algérie, l’on trouve pêle-mêle l’histoire mémorielle de la colonisation, les accords d’Évian relatifs à la présence des Algériens sur le territoire Français, le problème des écrivains algériens et tout dernièrement le problématique cas des influenceurs algériens sur les réseaux sociaux.

À mon avis, de part et d’autre, cette «  ratatouille  » diplomatique cache des objectifs inavoués d’ordre économique, géostratégique et d’influence sur le Maghreb et le continent africain. La France, en perte de vitesse sur son empire colonial qu'elle perçoit toujours avec nostalgie, et une Algérie de plus en plus mature qui gagne subrepticement de l'influence dans nombre de pays qui était le précarré inviolable de la France.

Et le plus étrange, c’est que ce type de conflit, dans la majorité des cas, entre États, se règle discrètement par des ballets diplomatiques entre les belligérants.

Essayons de décortiquer les prétextes «  parapluie  » de la France, repris par l’ensemble des politiciens et médias, comme par consensus, contre l’Algérie et les répliques argumentaires de cette dernière :

  1. - La reconnaissance de l’autonomie du Sahara occidental au Maroc :

Malgré les controverses qu’entretient le Maroc à l’égard de l’Algérie, la position de cette dernière sur le dossier du Sahara occidental n’est nullement équivoque, à savoir :

  • L’Algérie se réfère aux résolutions de l’ONU qui prévoient l’autodétermination du peuple sahraoui ; en l’espèce, un droit légitimement reconnu par l'instance internationale légalement compétente.
  • L’Algérie accueille sur son territoire les réfugiés sahraouis en vertu de la protection des populations en période de guerre, préconisée par l’ONU et le Comité international des réfugiés que doivent assurer les pays voisins des belligérants.
  • La prétention présumée de l’accès à l’atlantique de l’Algérie via un Sahara occidental indépendant est un argument faux dès lors que l’Algérie dispose déjà d’un accès sur l’atlantique, par le détroit de Gibraltar, quasiment équidistant.

L’Algérie a effectivement condamné la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara espagnol par la France, d’autant que cette France avait jusqu’ici une position conforme aux résolutions de l’ONU quant à la légitimité du droit du peuple sahraoui. Cette reconnaissance qui n’a probablement pas une implication de droit international, puisque seule l’assemblée des Nations Unies peut légiférer pour l’affiliation de ce territoire au Maroc.

Cette position française, bien qu’elle soit davantage motivée par des intérêts économiques et qu’elle vise à rétablir une relation diplomatique déclinante, a été perçue par Alger comme une offense aux droits légitimes des Sahraouis. Les rivalités entre les États algérien et marocain, dont la France n’arrive pas à trouver un juste équilibre, n’ont pas été écartées.

Cette position de la France, jusque-là conforme aux résolutions de l’ONU, dont elle est membre du conseil de sécurité, suscite des interrogations sur ce subit retournement.

  1. - La liberté d’expression et l’arrestation de l’écrivain franco-algérien BOUALEM SANSAL

Côté français, on évoque une atteinte à la liberté d’expression de l’auteur, un virulent opposant au pouvoir algérien, qui a été arrêté parce qu’il critiquait le régime depuis la France, où il venait tout juste d’obtenir la citoyenneté.

Côté algérien, cela ressemble à une vraie compagne de désinformation et de dénigrement de l’Algérie et son gouvernement. C’est surtout la mobilisation politico-médiatique en faveur de l’écrivain Boualem Sansal, dont la renommée littéraire est relative, qui interpelle les Algériens. On peut la comparer à la mobilisation mondiale en faveur de l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne dans les années soixante-dix.

Cette approche conforte d’autant plus les Algériens lorsqu’ils s’aperçoivent que Boualem Sansal entretenait des relations amicales avec les membres et alliés de l’extrême droite française, notamment des instances juives et qu’il était en contact constant avec Monsieur Xavier Driancourt, ex-ambassadeur de France, non seulement en France, mais déjà du temps où il exerçait sa fonction à Alger.

Les critiques françaises se focalisent sciemment sur une arrestation au motif de ses écrits, à son retour en Algérie ; or, Boualem Sansal habite en permanence dans la périphérie d’Alger, il a toujours critiqué verbalement et par écrit le pouvoir à l’intérieur même du pays sans être inquiété pour autant.

Les raisons véritables que les Français occultent, bien qu’ils les connaissent, sont que Boualem Sansal a été arrêté pour des délits punissables par les lois algériennes, notamment l’atteinte à la souveraineté territoriale, en raison de ses déclarations dans une chaîne de l’extrême droite française. Ces lois sont, en quelque sorte, des lignes rouges à ne pas dépasser, semblables aux lois françaises relatives à la Shoah ou l’apologie du terrorisme.

c)- Les influenceurs algériens et le cas de l’un d’eux Doualemn

Le cas des influenceurs sur les réseaux sociaux, qui jouissent du droit à la liberté d’expression, même s’ils outrepassent parfois ce droit, est souvent utilisé pour servir des intérêts politiques et/ou sociaux. Toute obédience politique confondue a judicieusement profité, dans le passé comme au présent, pour contourner une loi ou en instaurer une autre, propager une opinion ou contrer une autre.

L’influenceur algérien, DBoualemn, a été expulsé de France vers l’Algérie sans que la justice française ait statué sur son cas. Les autorités algériennes considèrent cela comme une violation des procédures et exigent qu’il soit renvoyé en France pour y être jugé pour des actes proportionnels à son délit. Corollairement, l’intéressé est interdit de séjour en Algérie au titre d’une précédente condamnation par la justice algérienne.

Certes, le ministre de l’Intérieur ou le préfet disposent de cette prérogative, mais dans des cas strictement encadrés par la loi.

Médias et politiciens, hormis quelques juristes, ont crié au scandale du fait que l’influenceur algérien disposait d’un passeport biométrique valable et qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir une autorisation de l’ambassade d’Algérie pour son expulsion. Ils ont associé son cas, par ignorance ou intentionnellement, à celui d’un délinquant sous OQTF.

Ensuite, l'expulsion de cet influenceur algérien a été exercée au titre d'un texte de la nouvelle loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 qui ne correspond pas à la réalité des faits et qui stipule :

La mesure d’expulsion peut être prise lorsque la présence d’un étranger constitue une menace grave ou très grave pour l'ordre public, la sécurité publique, ou la sûreté de l'État, la décision est prise par le préfet ou, dans certains cas, par le ministre de l'Intérieur. L’expulsion est possible sans délai si l'urgence absolue est invoquée.

Or, considérer son délit de « menace grave ou très grave pour l'ordre public », au sens de cette loi, pour une habituelle menace verbale sur les réseaux sociaux ne constitue pas une véridicité dès lors que ce type de menaces sont fréquemment utilisées sans encourir de sanctions d’une telle ampleur.

À l’inverse, caractériser faussement son délit prive l’intéressé de ses droits au titre de la même loi qui rend inexpulsable les étrangers dans son cas, à savoir :

  • Résident en situation régulière en France depuis plus de 15 ans
  • Marié à une Française et père de deux enfants également de nationalité française

 

Edito : Massine TACIR

www.yakaledire.com


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12 réactions à cet article    


  • ZenZoe ZenZoe 14 janvier 10:29

    Donc, BDoualem, de nationalité algérienne uniquement, ne peut pas être expulsé de France, mais peut être expulsé d’Algérie ? On nous cacherait des trucs ?


    • Massine Tacir 14 janvier 11:02

      Doualem, comme tout autre étranger, peut être expulsé de France dans le respect des lois qui régissent son délit effectif. Les conventions internationales n’interdisent pas à un tiers état de renvoyer un de ses ressortissants pour de multiples raisons.


      • juluch juluch 14 janvier 15:31

        La seule chose qu’a été capable de faire l Algérie depuis 1962, c’est une pate à tartiner.....bon bilan post coloniale.

         smiley

        Apres faut pas être méchant....font se qu’ils peuvent avec leurs moyens.

        Sinon ils viennent en France ...

        Le comble tout de meme de revenir dans le giron colonialiste qui est si décrié en Algérie !!!

        faut bien vivre mon bon monsieur !


        • Massine Tacir 14 janvier 16:18

          @juluch

          je me souviens d’une métaphore d’un ami algérien : “tant que quelques français utilisent des vieux pc sans windows ni internet, ils ne sauront jamais ce que l’Algerie est devenue”


        • L'apostilleur L’apostilleur 14 janvier 18:45

          @Massine Tacir
          "..tant que quelques français utilisent des vieux pc sans windows ni internet, ils ne sauront jamais ce que l’Algerie est devenue
          Dites à votre coreligionnaire que ceux qui l’utilisent découvrent ce qui ne se dit pas ici....
          Miss Algérie excite les racistes anti-noirs. Le racisme au Maghreb, un concept à deux faces. - 


        • juluch juluch 15 janvier 09:55

          @Massine Tacir

          be si justement, j’ai des amis qui sont de là bas .....rien n’a changé depuis 62 me disent ils...
          Pour ça que les habitants « libres » d’Algérie viennent chez l ancien et abject colonisateur pour essayer de vivre et d’envoyer des sous au malheureux pays anciennement colonisé...mdr


        • Massine Tacir 15 janvier 19:23

          @L’apostilleur

          c’est un point de vue


        • L'apostilleur L’apostilleur 14 janvier 18:41

          @ l’auteur

          « ..À mon avis, de part et d’autre, cette «  ratatouille  » diplomatique cache des objectifs inavoués.. »

          A mon avis vous ne cherchez des échappatoires pour éviter une réalité qui s’impose, l’Algérie est devenu un exemple déplorable que le journal algérien EL WATTAN dénonçait :

          « Quand l’Algérie perd ses repères », un tableau inquiétant du pays « …violence, racisme, individualisme, incivisme, peu d’intérêt pour le travail, culte de l’argent, dévalorisation de soi … l’Algérie a tourné le dos à sa lumière salvatrice durant la longue nuit coloniale et les siècles d’invasions… » EL WATAN accuse « la mauvaise politique » éloignée « des grandes figures comme IBN KHALDOUN (XIVe s. !!) ou ABDELKADER » et regrette que « les valeurs séculaires, surtout parmi les jeunes générations sont perdues. Le sacré hypocrite est devenu la règle. » Il dénonce « la petite bourgeoisie néolibérale qui prospère à l’abri d’un capitalisme d’Etat débridé » et « …la stratégie étatique de distribution de la rente qui a eu des effets pervers en détournant les algériens du travail et de l’argent mérité ». Il conclut « Plus de cinquante ans après l’indépendance, l’Algérie paye le prix fort de la prise du pouvoir par des clans aux ambitions centrées davantage sur sa conservation que sur la construction d’un pays moderne et démocratique ».

          Ajoutez que les algériens n’ont pas été tous exemplaires et que la tendance est mauvaise.

          Sachez que ce n’est pas aux algériens de juger s’ils sont acceptables ou non en France, mais aux français. Et si chacun d’entre-nous en connaît de parfaitement respectables, leurs compatriotes non assimilés ont démontré pourquoi ils ne sont plus acceptés. 


          • Massine Tacir 15 janvier 19:30

            @L’apostilleur

            a la lecture de ce journal, j’ai le sentiment que finalement la liberté d’expression existe en Algérie


          • L'apostilleur L’apostilleur 16 janvier 13:02

            @Massine Tacir
            « ..la liberté d’expression existe en Algérie.. »
            C’est ce que pense Boualem Sansal d’après vous ?


          • titi titi 14 janvier 22:42

            @L’auteur

            La relation franco algérienne n’a absolument rien apporté à la France.

            Nous sommes à un moment charnière, une singularité : l’Algérie perd un à un tous ses leviers de nuisance. Et bientot avec le gazoduc Afrique-Atlantique elle sera complétement marginalisée.

            Il ne lui reste plus que les refus de reprendre ses OQTF.

            C’est donc le moment de se fâcher pour de vrai et de remettre les choses à plat.

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