Alice et sa « Bucklet list »

Alice n'aura sans doute jamais 16 ans. Cette jeune britannique découvre il y a quatre ans qu'elle est atteinte de la maladie d'Hodgkin. Pendant quatre ans elle subit donc les traitements les plus sévères avec tous les effets secondaires des chimiothérapies qui ne dévastent pas que les cellules cancéreuses, et pas toutes puisque la bataille est perdue, car elles sont foncièrement nocives s'y ajoutant une aplasie totale avec autogreffe. Le combat fut donc total et lourd.

Tout le monde connaît plus ou moins proche de soi, sinon parfois très très proche, une personne atteinte d'un cancer. Si la science et la médecine font des progrès il reste des ilots de résistance aux soins avec au bout une fin de vie plus ou moins terrible et une mort bien trop précoce.

Certes la mort est le bout du chemin pour tous. La mort des plus jeunes est toujours une tragédie. A cette triste injustice s'ajoute, dans le cas d'Alice, cette jeune britannique de 15 ans, le fait d'avoir découvert récemment qu'elle était condamnée à brève échéance. Durant quatre ans de sa vie elle a lutté et j'imagine est passée par tous les degrés d'espoir et de désespoir selon les résultats des scanners. Elle a pu parfois se croire guérie. Il y a elle, qui en permanence a eu au dessus de sa tête cette épée de Damoclès qui veut couper le fil de sa vie, car ce crabe aux pinces cruelles est aussi, au-delà de la chair qu'il boursouffle et meurtrit, un lent poison dans l'esprit qu'il gangrène de fausses espérances. Alice n'a pu voir sa vie qu'au travers de sa possible vie écourtée. Il y a elle donc, aujourd'hui condamnée avec une terrible certitude, mais il y a sa famille, ses amis. Eux tous vivent avec cette même certitude et un sentiment profond d'injustice et de tristesse. Ils ne peuvent avoir de joie sans qu'en tâche de fond tourne l'idée de la mort prochaine.

La mère d'Alice, la sachant en fin de vie, lui disant que la vie était ce que l'on en fait, lui a suggéré de faire un site avec ce qu'elle a appelé sa Bucklet List (en d'autres mots la liste avant de casser sa pipe) qui contiendrait ce qu'elle aimerait faire avant de mourir. C'est ce qu'il y a de plus poignant dans cette histoire à en avoir les larmes aux yeux et sentir que son cœur se serre à s'arrêter. C'es un mélange troublant d'amour, d'espoir impossible et de constat qu'Alice est une jeune fille comme une autre qui a des rêves tout en étant tant différente car elle sera bientôt plus là. Elle voudrait ainsi passer une nuit dans un magasin de chocolat, rencontrer les Take That (un groupe), nager au milieu de requin, faire concourir sa chienne Mabel, prendre des photos avec ses amies, aller au Kenya (ce qu'elle ne pourra jamais faire à cause de son état), dompter des dauphins, avoir un iPad violet…

Elle aura réalisé certains comme de rencontrer les Take That, ce qui fut selon ses mots, le plus beau jour de sa vie, groupe qui devrait écrire une chanson pour elle.

Mais elle n'a pas pensé qu'à elle. Son premier souhait est de mobiliser pour le don de moelle. Cela a eu tant d'impact que le Premier Ministre Cameron s'est engagé à agir. Sa sœur le week end dernier a couru pour rapporter de l'argent à une association de dons d'organe. Ils pensaient recueillir 10 000 £ ils en ont recueilli 30.

Le blog d'Alice a eu une notoriété fulgurante. il y a quelques jours quand je voulais écrire cet article je voulais être d'un grand enthousiasme me disant que nous ne pouvions pas désespérer de l'humanité. Malheureusement cette notoriété a été à double tranchant au point que la mère a dû faire une terrible mise au point le 15 juin dernier : With regard to all the not so lovely 'anon' comments been left, particularly the one asking if the bitch had died yet - you are only 'anon' on this blog, you are not invincible and you ARE traceable. We will find and prosecute every single one of you. I haven't stood by Alice for four years to be affected by a bunch of (can't say what I'd like to on here). And to 'Ed Harding' and 'Scott' ... if you continue to advertise your seedy businesses in Alice's guest book, I swear to God I will reveal your personal details and get Alice to do the same on her Twitter. Don't underestimate me ... I'm a mother

Il faut qu'à leur douleur s'ajoutent de cruels imbéciles et des profiteurs de basse morale et sans aucun cœur.

Du reste Alice n'a pu être pleinement heureuse de son week-end car des imposteurs se font passer pour elle et sa mère : This should be a happy post ... but

This should be a happy post because I had the best day of my life on Sunday, but it isn't because we're all upset that so many people are pretending to be either me or mum on facebook. 

Parfois il y a des ironies cruelles. Lorsqu'on entend le prénom d'Alice, par automatisme on pense à Lewis Carroll, dont la légende dit qu'il n'aimait pas les enfants, et son fameux Alice au pays des merveilles, où le terme merveille se rapproche plus du sens médiéval, magique, que du sens de Walt Disney. Ce conte avec son lapin chronophage toujours en retard et sa montre à gousset qui fait un tragique écho au peu de temps qui reste à Alice à vivre.

Avec ce blog j'avais espéré, et je l'espère encore un peu, qu'Alice au moment de s'éteindre emporterait avec elle tout l'amour de ses parents, de sa sœur et le sentiment que l'humanité, mot avec ses deux sens, quand sa noirceur se démontre chaque jour, a en elle un peu d'humanité et, si Dieu existe ou existait, qu'Il en soit loué pour cela, de la compassion et de la générosité.

Toute la tristesse est dans ces mots d'Alice elle-même : Hi, I'm 15 years old and live with my parents and sister in Ulverston. I've been fighting cancer for almost 4 years and now I know that the cancer is gaining on me and it doesn't look like I'm going to win this one.

Son blog

Vignette, photo de son blog