Américains, dormez tranquilles : la NRA vous protège, vous et vos enfants !
"Le profit de l'un est le dommage de l'autre"
-Michel de Montaigne
La guerre du Vietnam fut une grande défaite pour les USA : tout d'abord du point de vue militaire, avec la chute de Saïgon le 30 Avril 1975, et le retrait précipité des troupes restantes suite à l'offensite du Têt victorieuse. Plus de 58 000 boys ne retournèrent jamais au pays, si ce n'est entre 4 planches, mais n'oublions pas dans le lot les centaines de milliers de vétérans victimes de syndrome de stress post-traumatique, à cause de ce conflit moderne, qui durant plus de vingt ans. Conflit qui fut aussi un désastre idéologique, car il écorna sérieusement l'image du Pays de la Liberté. On pourrait relier ce désastre à l'intransigeance des dirigeants américains, démocrates -donc supposément plus "à gauche"- en tête, avec l'emblématique John F. Kennedy, qui démarra cette boucherie sans aucun état d'âme.
Et cette intransigeance indéologique n'a jamais été vraiment extirpée de la psyché des dirigeants américains, car tout comme la guerre du viet nam, et de tant d'autres avant et après elle, elle se retrouve encore aujourd'hui, dans les rues, les écoles, les petites villes comme les grosses banlieues de ce pays aux multiples visages.
Ce pays, en 247 ans d'existence, n'a pratiquement jamais cessé d'être en guerre, que ce soit à l'extérieur, officiellement, ou à l'intérieur de ses frontières, à bas bruit.
Il s'agit bien pour cette dernière d'une guerre sociale, que l'on retrouve à tous les échelons de la société : guerre de classe, avec des inégalités qui ne cessent de se creuser, certains médias le qualifiant même de "ruissellement à l'envers", mais aussi une guerre de tous contre tous, avec la possibilité pour un grand nombre de personnes, selon l'état où elles résident, d'acheter, de détenir voire de porter une arme sur soi dans un certain nombre de zones.
Sans rentrer dans le détail de la législation encadrant les armes aux USA -un véritable millefeuille administratif, recouvrant plusieurs dizaines de lois fédérales s'appliquant à chaque état, mais aussi des réalités très variées selon les états-, il est indispensable de retenir quelques chiffres-clés, qui expliquent que la situation ne bouge pas dans ce pays, et qu'on en arrive encore à ce qu'un gamin à peine majeur puisse acheter un fusil d'assaut et perpétrer très facilement un carnage dans une école. je dis "encore" bien sûr, car la litanie est sans fin depuis des dizaines d'années, et rien ou presque, n'a changé depuis tout ce temps dans ce pays.
Les chiffres
Car oui, la tuerie d'Uvalde, petite ville tranquille du Texas, n'est que la dernière d'une triste série qu'il serait bien trop long d'énumérer en totalité ici. Tout le monde connait plus ou moins la fameuse tuerie de Columbine, qui avait été médiatisée grâce au film de Michael Moore. A l'époque, en 1999, douze gamins, ainsi qu'un professeur, avaient été froidement exécutés par deux élèves qui s'étaient ensuite suicidés. Il y eut un nombre conséquent de blessés et de traumatisés également.
Les deux ados meurtriers avaient consciencieusement piégé le lycée, ainsi que leur véhicule, avec des bombes artisanales, et étaient armés comme des porte-avions : fusils d'assaut, fusil à pompe, pistolets de gros calibre, gilets tactiques...ils avaient planifié leur coup, faisant des plans, tournant même une vidéo, et tenant un journal détaillé plusieurs semaines à l'avance, détaillant ce qu'ils comptaient faire, et comment ils comptaient échapper aux forces de l'ordre en se suicidant.
Uvalde semble appartenir peu ou prou au même schéma, malgré le fait qu'il n'y ait eu qu'un tueur : celui-ci était solitaire, manifestement introverti, souvent moqué et mis à l'écart par ses camarades, et il adorait les armes...quelque temps avant son forfait il avait posté plusieurs messages inquiétants sur les réseaux sociaux, mais honnêment, quelle différence ? Un ado mal dans sa peau parmi des milliers d'autres...mais un ado avec deux fusils d'assaut AR15 achetés le jour de ses 18 ans, l'âge légal au Texas pour pouvoir se les procurer.
Et cette tuerie, comme toutes les autres auparavant, n'est somme toute que la manifestation d'une pathologie bien plus étendue : si on regarde les chiffres au niveau national, ils donnent tout simplement le tournis.
Ainsi selon le site Gun Violence Archive, qui recense depuis plusieurs années les incidents impliquant des armes aux USA, et rapporté par le quotidien Ouest France, 17 194 personnes ont été tuées par balle aux États-Unis depuis le 1er janvier 2022. En 144 jours, cela représente 119 décès quotidiens.
À populations égales, cela correspondrait en France à près de 24 morts par arme à feu et par jour, soit 1 par heure rien qu'en france (!).
Citons encore : "En 2016, le New York Times faisait un terrible calcul : même avec chaque mois un attentat comme ceux 13 Novembre 2015, le ratio français de morts par armes à feu resterait inférieur au ratio américain…"
C'est dire si ce traumatisme est collectif, continu et à bas bruit, avec des "pics" comme la fusillade de cette semaine, qui le remet sur le devant de la scène. Mais il est constant, et il imprègne la psyché collective de ce peuple.
En 10 ans, ce sont ainsi plus de 404 000 américains qui sont morts directement à cause des armes à feu, et de cette législation très permissive. Une hécatombe que les politiciens américains, minute de silence après minute de silence, commémoration après discours larmoyant, semblent juste incapables d'arrêter.
A moins que le manque de volonté politique ne soit que le sommet de l'iceberg ?
Car comment se fait-il qu'année après année, tuerie de masse après tuerie de masse, et malgré des sondages confirmant qu'une écrasante majorité d'américains sont favorables à des mesures de contrôle plus poussées avant l'achat d'une arme, rien ne bouge au pays de l'Oncle Sam ? Le "HR8 gun law universal background check" est ce projet de loi qui semble désiré par plus de 90% des américains, et qui consisterait, tout simplement, non pas à interdire ce droit constitutionnel d'acheter et de posséder une arme, comme l'avancent à chaque nouvelle tuerie, avec constance et férocité, les lobbyistes de la NRA et leurs partisans républicains, mais bien simplement d'instituer un contrôle des antécédents judiciaires et psychiatriques de l'acheteur.
Et quand bien même, cela suffirait-il ? Il y a ici une sacrée hypocrisie de la part des démocrates et autres partisans du "gun control" : dans un pays où plus de 300 millions d'armes circulent -soit plus de 120 pour 100 habitants-, quelle différence cela ferait-il que l'on instaure un contrôle pour les nouveaux acheteurs ? A eux seuls, les habitants des Etats-unis possèdent plus de la moitié des armes détenues par des civils dans le monde... le problème est donc que le marché noir, qui existe déjà, se développerait de manière incontrôlée en cas de restrictions supplémentaires.
Car les armes font partie de l'ADN Américain.
Les armes aux USA, un droit constitutionnel...
Les "Pères Fondateurs" ont ainsi inclus le deuxième amendement dans la Constitution Américaine à la fin du 18ème siècle : en raison de l’oppression subie par le peuple américain, infligée par l'armée Anglaise professionnelle lors de la guerre civile, ils ont estimé qu’ils seraient mieux protégés en ayant une « milice » interne, armée, qui pourrait désormais se défendre elle-même.
Le deuxième amendement de la Constitution américaine est ainsi rédigé : « le droit de chacun de posséder et de porter une arme ne doit pas être enfreint, pour ce qu’une milice bien organisée est nécessaire à la sécurité d’un Etat libre ».
Cet amendement est le coeur du problème : il a donné lieu à maintes controverses juridiques, mais à chaque fois la Cour Suprême, plus haute instance légale, a tranché. Elle a également précisé, suite à plusieurs affaires célèbres : qu’« un particulier peut posséder une arme à feu,mais ce droit n’est valable que pour se défendre ».
Et le terme "défense" est bien ce qui compte ici : dans certains états, ce droit de "se défendre" (traduit par "stand your ground", ou "défendez-vous", "défendez votre sol") n'est pas interprété de la même manière que dans d'autres. Pour certains, cela concernera uniquement la légitime défense ("en cas d'attaque avérée, je peux riposter") et pour d'autres la défense préventive, comprendre : "si tu entres sur ma propriété, je te flingue, point".
C'est notamment le cas au Texas.
Chaque état décidera donc s'il est nécessaire d'avoir un permis pour porter une arme, voire même de zones autorisées au port-les zones "concealed carry"- et d'autres totalement exclues au port.
Au delà du port d'arme, finalement assez encadré selon les états -certains, comme l'Illinois et la Floride, étant encore plus restrictifs sur les permis-, il faut ainsi bien distinguer le droit d'achat, de celui de la détention (comprendre "au domicile et pas dehors"). Cette distinction est fondamentale : acheter, porter, détenir, utiliser, très souvent ceux qui ne s'y connaissent pas mélangent tout, alors que ce qui nous intéresse, dans le cas des USA, c'est bien la possibilité, dans la majorité des états, d'acheter assez facilement une arme à feu, dès que l'on a 18 ans. Avec même là, des contournements possibles : en Floride on ne peut acheter une arme qu'à 21 ans, mais rien n'empêche d'en posséder une à partir de 18 ans -la carabine héritée de grand-père par exemple...
On mesure ainsi l'enjeu non pas d'une simple loi qui encadrerait l'achat de nouvelles armes, mais bien le contrôle global de l'énorme quantité d'armes déjà en circulation...Pour prendre une image qui parlerait à tous, ce serait un peu comme vouloir canaliser une rivière en crue qui fait dix mètres de haut, avec un simple petit panneau de signalisation. Et là, rien ne se passe, ou presque.
...mais aussi un lobbying phénoménal..
La National Rifle Association (NRA) est ce qu'on pourrait appeler le premier lobby des USA : avec plus de 6 millions de membres, et parmi eux de très nombreux élus Républicains au Congrès, au Sénat, ou plus localement, et un budget annuel de plus de 300 millions de dollars, elle dispose d'une force de frappe sans équivalent. Dès la fin des années 60, cette association, dont l'objet officiel est "la défense du 2ème amendement de la Constitution" (donc le droit de posséder et de porter des armes) s'est lancée dans un lobbying politique intense, tant au niveau fédéral, qu'au niveau local. Le fait que les Sheriff et autres forces de l'ordre au niveau local, soient non pas nommés comme les commissaires ou les préfets en France, mais élus auprès du procureur, fait toute la différence.
Fondée en 1871, et au départ simple association de vétérans de la guerre de Sécession, elle n'a cessé d'être proche des Républicains, donc très à droite de l'échiquier politique, avec de multiples liens auprès l'industrie de l'armement. Et, faute d'équivalent chez les partisans du contrôle des armes (qui sont plutôt, vous l'aurez deviné vous-mêmes, du côté des Démocrates), il se trouve qu'à chaque fait divers, à chaque tuerie de masse, quand l'émotion saisit le pays, elle est donc la seule à intervenir, et à défendre bec et ongles le 2ème amendement.
Elle assimile systématiquement tout projet de loi voulant réguler la vente d'armes à une attaque contre le 2ème amendement, donc contre la Constitution.
La NRA est aussi implantée dans... les lycées, via son association satellite "Friends of NRA", et organise des tombolas, des évènements..avec bien sûr comme lots des armes à feu. Il s'agit d'un lobbying tous azimuts, en faisant la promotion du tir auprès des plus jeunes, histoire de s'assurer que le flots d'acheteurs sera toujours constant, et en les éduquant très tôt aux armes à feu (ce qui en soit pourrait ne pas être forcément une mauvaise chose, si c'était fait dans un but préventif, sécuritaire), et à leur possession, voire à la fameuse "défense du 2ème amendement" -et c'est plutôt là que le bât blesse, car la ficelle est manifestement très grosse.
La NRA organise aussi de très nombreuses levées de fonds pour les candidats aux élections, qu'elles soient nationales ou locales.
On se souvient tous des très nombreux articles pointant son soutien financier important à Donald Trump, avec un don de 30 millions de dollars à sa campagne, et une carte de membre honoraire qui fait qu'il vient les soutenir à chacun de leurs congrès. Lorqu'il était encore en fonctions, il avait plusieurs fois renvoyé l'ascenceur, y compris au lendemain de la tuerie de Parkland, renouvellant son soutien "sans faille" à l'organisation, se déplaçant au Congrès annuel, sans même accorder une visite aux familles des victimes qui enterraient les leurs...
...et surtout un business extrêmement juteux
Il faut dire que la NRA a des arguments de poids : outre son soutien financier et électoral envers des politiques qui le lui rendent bien, elle représente avant tout les intérêts des fabricants, et des vendeurs d'armes.
Et de ce côté là, pas de problèmes : avec près de 60% du marché mondial des armes, les USA sont loin, loin devant tout le monde. L'augmentation des ventes est constante, aussi bien à l'international que du côté domestique. On estime à 250 milliards de dollars la manne financière annuelle du marché américain.
Les chiffres ont juste triplé en 20 ans : en 2000, le pays comptait 2 222 entreprises de fabrication d’armes en activité ; en 2020, on en dénombre 16 963, selon une étude du gouvernement. Toutes émargent bien sûr à l'association, la finançant via des cotisations et des dons, histoire que les intérêts bien compris des uns le soient aussi des autres. Le marché domestique de la vente d'armes aux USA est énorme, et semble aujourd'hui hors de contrôle. En brassant une telle quantité d'argent, il est évident que la corruption permet aux uns et aux autres de s'acheter des voix au Congrès, au Sénat, et un peu partout même.
Cette vidéo devenue virale, du célèbre entraineur de basket NBA Steve Kerr, résume presque tout : 50 élus suffisent à bloquer la loi de contrôle HR8 évoquée plus haut, loi qui permettrait de limiter un peu la casse en instituant un contrôle préalable des antécédents avant tout achat. Une loi fédérale donc.
50 élus contre 90% des américains...
Que valent la vie d'enfants, de citoyens innocents, face à ces montagnes de fric ?
Manifestement pas grand chose.
L'exemple Français
Et si, pour une fois, on se prenait en exemple ?
Alors oui, nous avons, nous aussi ici en France, notre lobby pro port d'armes, et il est assez peu développé, mais gagne en activité et en attractivité. Les inscriptions en club de tir sportif ont bondi au lendemain des attentats de novembre 2015, forçant d'ailleurs les autorités à renforcer les contrôles dans ces structures déjà très encadrées par la loi.
Et puis des youtubers célèbres, d'extrême droite et pro armes comme Code-Rno ou Papacito avaient défrayé la chronique il y a quelques temps en se mettant en scène dans une vidéo intitulée "le gauchisme est-il pare-balles ?". On les y voyait dessouder au fusil à pompe et au couteau un mannequin grimé en électeur de la FI , avant de conseiller à tous les auditeurs de se procurer un fusil "grâce à un permis de chasse, qui peut être obtenu assez facilement". Ce qui est vrai.
Nous avons un peu notre NRA à nous,en France, et il s'agit des chasseurs : le 1.1 million de chasseurs que compte notre pays est soutenu par une fédération assez puissante, qui a des relais jusqu'au plus hauts sommets de l'état. On se souvient des sorties tonitruantes de son président, Willy Schraen, suite à de multiples accidents de chasse où des promeneurs avaient trouvé la mort. Récemment encore, ce personnage à l'humour douteux conseillait aux promeneurs, "pour éviter les accidents, de se promener chez eux".
La provoc évidente ne doit pas occulter le fait que cette organisation a le soutien de nombreux politiques, au premier chef desquels notre extraordinaire Jupiter, qui avait divisé par deux le prix de la carte de chasse, et réautorisé la chasse d'espèces d'oiseaux protégées, contre l'avis du Conseil d'Etat, tout grand "défenseur du vivant et champion de la planète" qu'il se prétendait être.
On se souvient aussi des multiples dérogations lors des récents confinements et autres couvre-feux : pendant que la majorité des français devait aller trimer, et devaient rentrer chez eux avant 18h sous peine d'amende, les amateurs de viande et de nature plombée avaient obtenu une dérogation pour gambader et défourailler librement, au motif que "les sangliers allaient détruire les récoltes" s'ils n'étaient pas régulés. Ce qui s'est avéré être un grossier mensonge, Willy Schraen ayant avancé des chiffres de dégâts sur récolte annuels, pour avoir une dérogation sur deux mois...et le gouvernement avait gobé l'intox sans broncher.
Ca n'était pas la première ni la dernière : les associations de victimes de chasseurs ont toujours le plus grand mal à faire bouger une législation toujours très favorable au million d'électeurs potentiels que constituent les chasseurs. Malgré la douzaine de morts, parfois très jeunes, sur les 140 accidents répertoriés annuellement.
Les chasseurs savent très bien jouer avec leur poids électoral, ce qui n'est pas forcément le cas des Fédérations de Tir sportif, très encadrées et pas lobbyistes pour deux sous, je peux en témoigner, étant moi-même tireur sportif à mes heures.
La législation française sur le tir sportif est très encadrée, à mille lieues de celle des USA : pour s'inscrire en club de tir le casier judiciaire ainsi que les antécédents sont consultés, un Fichier National des personnes Interdites d’Acquisition et de Détention d’Armes (le FINIADA) est constitué, mis à jour et étroitement surveillé par les préfectures, qui recensent chaque possesseur officiel. Une simple reconnaissance de culpabilité, ou une infraction, peuvent valoir votre inscription à ce fichier pour plusieurs années, ce qui vous enlève toute possibilité d'acheter et de détenir une arme légalement en France.
Le port est strictement encadré, et interdit : vous avez le droit de trimballer votre joujou uniquement du domicile au stand, et vice-versa. Toute entorse est sévèrement réprimée.
Il existe une classification très stricte, en 4 catégories, des armes : si vous êtes simple liciencié en club de tir, ou titulaire d'un permis de chasse, vous avez droit à la Catégorie C, comprenant quand même des carabines et autres armes d'épaule (avec un nombre limité de coups au niveau du chargeur et du magasin, ainsi qu'en termes de possession de munitions). La catégorie B comprend les armes de poing et autres fusils d'assaut, avec une plus grosse puissance de tir, mais là aussi en version différente de celle des militaires. Le fameux AR15 du tueur de l'école d'Uvalde n'a rien à voir avec celui que vous pouvez acheeter ici : version semi automatique uniquement, nombre de coups réduits, etc. La catégorie B est très restrictive, encore plus que la C, c'est même un parcours du combattant pour tout tireur, ce qui fait que la majorité s'en tient à la catégorie C. Il s'agit d'un droit de possession soumis à contrôle et autorisation de détention de la préfecture : vous devez disposer d'une armoire de stockage blindée, et si vous n'êtes plus inscrit en club, l'arme doit être vendue ou cédée. Les policiers n'hésitent pas à vérifier de temps en temps en passant au domicile des possesseurs... L'autorisation de détention est limitée dans le temps et en nombre, on ne peut pas avoir, comme aux States, des armoires remplies de dizaines de fusils d'assaut....
Tout ceci pour dire qu'avec ce système, très restrictif mais pas imparable, il existe encore des failles. Elles sont du côté de la possession légale, vous vous en doutez : pour les 5 millions d'armes légalement en circulation en France, on estime qu'il y en a 15 millions qui se baladent au marché noir.
Bientôt chez nous
C'est là la grosse faille du système : avec un peu de recherches, on peut trouver un Glock 17 ou une Kalachnikov sur le Dark Web relativement facilement, ou encore auprès de trafiquants directement (plus risqué, sauf "si vous connaissez du monde" comme on dit par chez nous).
Un Glock 17 avec 100 munitions se négocie 700 euros sur le Dark Web. Pour une Kalach' tout équipée, en provenance directe des stocks de Tchécoslovaquie, comptez 1200 à 1500 euros.
Et ça n'est pas la guerre en Ukraine, et les livraisons d'armes massives de l'UE et des USA au travers des frontières des pays Baltes, tout obnubilés qu'ils sont par "l'agression de Poutine", qui vont arranger les choses...Certains estimant même, à juste titre, qu'une bonne partie de ces armes se retrouveront fatalement détournées, et sur le marché noir d'ici peu de temps. D'autres affirment que c'est déjà le cas, car avec une armée et une administration ukrainiennes gangrénées par la corruption et les détournements, et ce bien avant le début du conflit, ces livraisons massives d'armes et d'équipements de tous calibres sont une véritable aubaine pour beaucoup d'individus peu recommandables, en manque de revenus suite au conflit...
Combien de temps avant que ces armes ne se retrouvent à alimenter un marché noir européen déjà bien fourni ?
On se rend donc compte, à la lumière de tous ces éléments, que le véritable débat ne se situe pas sur le terrain de la législation, que ce soit en France, en Europe ou même aux USA, mais surtout sur la volonté politique de changer concrètement les choses pour les citoyens.
Un autre projet de société
Les armes peuvent être une passion, et qu'on soit d'un bord politique ou de l'autre ne change rien : je peux en témoigner.
Mais qui dit passion dit aussi responsabilité : il ne faut pas, au prétexte de sa liberté, vouloir faire tout et n'importe quoi. Ceux qui militent aujourd'hui pour le port d'armes en France, à l'identique des USA,(comme les youtubers d'extrême droite que j'ai cités plus haut) sont des individus qui glorifient la violence et la force physique, car ils ne vivent que par et pour elle. Il s'agit ici d'étaler sa puissance, contre un danger plus ou moins phantasmé... je peux en témoigner, je l'ai d'ailleurs déjà fait ici et ailleurs, les armes tuent, et les armes clandestines, comme la Kalachnikov, circulent parmi les caids, en banlieue comme ailleurs. Dans ma ville, Marseille, elles font en moyenne une vingtaine de morts par an.
Mais le problème n'est pas que là.
Et en cas d'attentats comme ceux que nous avons connus en 2015, rétablir le port d'armes, comme certains le préconisent, ne ferait qu'aggraver les choses : déjà quand on voit comment sont formés les policiers français, on ne peut qu'être très inquiet, comme un récent rapport de la Cour des Comptes l'avait démontré... seulement trois séances de tir annuelles obligatoires pour plus de la moitié des flics soumis à autorisation de port, alors que la majorité des tireurs sportifs en font deux fois plus en un seul mois, voire autant en une semaine...et après on s'étonne qu'il y ait des incidents ? Voulons nous voir des cow boys mal entrainés à chaque coin de rue, ou plutôt des professionnels formés et maitrisant leur matériel ? C'est un vrai enjeu de société.
Mais il y a aussi plus à faire : proposer autre chose à ceux susceptibles de basculer, comme cet écolier à Uvalde, ou ces deux gosses à Columbine, ou n'importe qui d'autre dans nos cités, ici, en France.
Il faut, pour éviter que la délinquance non pas n'augmente, mais plutôt ne change de nature, et se transforme de plus en plus en banditisme armé, non pas uniquement une législation qui existe déjà, mais un vrai projet de société.
Eradiquer le trafic d'armes ne suffira pas : il faut que ceux qui s'en procurent pour diverses raisons, n'aient plus aucune raison de le faire.
Et on mesure ici la tâche à accomplir : comme aux USA, les beaux discours creux, les minutes de silence et les grandes effusions ne servent à rien.
Quand des gamins de 18 ans à peine prennent les armes, aux USA ou en France, pour faire un carnage, c'est qu'il y a un problème. Un gros problème : un problème de société.
Ces gosses estiment ne plus rien avoir à perdre, et, quitte à partir, partent en régurgitant tout ce que cette société pourrie leur a donné durant leur courte vie : violence, horizon bouché, nihilisme, egotrip centré autour de la puissance que donne le droit de vie et de mort à qui pointe un flingue sur son prochain...
Entendrons-nous ce message ? Ou continuerons-nous de faire les autruches ?
Nous, citoyens, devons absolument nous emparer de ce sujet avant qu'il ne soit trop tard, car nos politiques corrompus et achetés ne bougeront pas.
Il faut exiger un autre projet de société, et il se peut bien que cette tâche soit la mère de toutes.
En avons-nous seulement envie ?
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