Ami fonctionnaire
Ami fonctionnaire, tu fais ton travail avec conscience, respect des règles et de tes collègues, sens de l’intérêt et sans trop compter tes heures…
Oui ami fonctionnaire, tu as bien voulu
- assurer encore une ou deux heures de service de plus parce que ton enquête sur ce cambriolage n’était pas bouclée,
- revoir cet étudiant étranger brillant que tu as en formation de master au-delà de tes heures de cours, parce qu’il a encore des problèmes avec le français, et qu’il n’avait compris toutes tes mots de ton exposé sur les réacteurs à neutrons rapides,
- accepter ton 72ème dossier de surendettement à traiter alors qu’il avait été décidé que les agents ne devaient pas en gérer plus de 60,
- passer ton samedi et on dimanche sur cette demande de crédits pour ton labo, si importante pour les quatre ans à venir, et sur laquelle tu as déjà passé tes deux derniers week-ends,
- assurer avec les gendarmes ce contrôle surprise des règles du code du travail dans cette entreprise où l’on avait menacé tes collègues récemment par arme à feu,
- te relever à 3 heures du matin parce que tu es d’astreinte et parce que l’alerte météo annonce 15 cm de neige sur les routes de ton département, qu’il va falloir traiter,
- passer deux jours avec tes collègues à repeindre ton bureau et y remettre un revêtement de sol décent, le tout sur tes propres deniers, afin de travailler dans des conditions « normales comme ton président »,
- rester une demi-heure de plus en attendant ce parent d’élève que tu as convoqué pour lui parler du mauvais comportement de son fils en classe, et qui viendra t’expliquer pourtant que tu fais mal ton boulot d’instituteur après être arrivé en retard au rendez vous,
- ne penser qu’à cet accidenté de la route dont la vie dépend de ta compétence et de celle de l’équipe médicale d’urgence que tu animes et qui le ramène vers l’hôpital, alors que tu devais aujourd’hui fêter ce dimanche midi ton anniversaire de mariage,
- informer les centres de PMI et les forces de police après avoir constaté la présence de bleus sur le corps de cette petite fille que tu as en petite section de maternelle,
- mettre en examen ce PDG de la filiale française d’une grande entreprise multinationale pour prise illégale d’intérêt, malgré les pressions à ton encontre et à l’encontre de ta famille,
Et surtout ami fonctionnaire, tu as bien voulu faire tout cela en dépit :
- du manque de moyens que l’on t’affecte,
- des indicateurs chiffrés débiles que l’on t’impose au nom de la « modernisation des services »,
- du départ de deux de tes collègues en retraite, départs toujours non remplacés,
- du temps perdu à former et reformer les CDD qui défilent dans ton service pour le quitter 6 mois plus tard au motif que les crédits pour aide en personnel ponctuelle sont épuisés,
- des blagues vraiment douteuses sur les fonctionnaires dont on te rebat les oreilles,
- des mensonges lus dans le courrier des lecteurs du « Figaro » sur ton parasitisme social,
- des déclarations de ton ministre de tutelle, voire de ton président de la République, qui te dénonce à la vindicte comme un privilégié, un « nanti », un feignant, un corporatiste prêt à défendre son intérêt avant ceux de la société (il est vrai qu’ils sont bien placés pour en parler)
Et tout cela pourquoi, ami fonctionnaire ? Pour peanuts ! Depuis 10 ans, par le biais des revalorisations partielles, puis de l’arrêt de ces revalorisations, tu as perdu au moins 10% de ton pouvoir d’achat. Depuis 3 ans, ton traitement est gelé et on te l’annonce encore comme gelé jusqu’en 2017 ! Alors ami fonctionnaire, fais ton calcul, ce sera 15% de perte de pouvoir d’achat complémentaire dans peu de temps...
Alors ami fonctionnaire, peut être faut il maintenant laisser ton sens du devoir, du travail bien fait, de l’intérêt général de côté, pour te défendre. Non pas seul, mais avec tous tes collègues du service. Comment faire ? C’est relativement simple, ami fonctionnaire : tu auras en 15 ans perdu 25% de pouvoir d’achat, un quart de tes revenus. Je te propose donc de ne plus travailler que 4 jours, mais toujours payés 5. Ton chef de service et tes copains sont dans le même bain que toi. Propose leur donc ce deal : vous êtes 5 dans le service, et bien, chacun prend un jour « off » non comptabilisé par roulement dans la semaine. En cas de problème, tu auras juste oublié la feuille de demande de RTT sur ton bureau, ou ton chef de service aura oublié de la viser pour transmission. Cela semble impossible, et pourtant ami fonctionnaire, réfléchis-y. Depuis 15 ans ton employeur te la met bien profond… Tu as donc le choix entre le tube de vaseline, et le coup de pied en traite dans les roustons. Perso, j’ai choisi, et je compte bien mettre cela en place très vite dans mon service, si la mesure de blocage salariale se confirme… A toi de voir maintenant…
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