Après le pétrole, le déluge
Croisement de deux infos, la chute des cours de la Bourse et un édito du Monde sur une vieille antienne, la crise, débattue lors d’une fameuse émission en 1984 qui eut le mérite de faire débat, notamment parce que Montand, acteur de gauche, était venu louer les mérites de l’activité, de la gagne. Cet événement signa la longue conversion de la gauche aux valeurs de l’économie de marché. Une économie qui, souvent, connaît la crise, certaines plus graves, annonçant quelque bouleversement planétaire, comme en 1929. Le journaliste François Lenglet se montre très pessimiste, annonçant une réplique de 1929 dans les prochaines années. Une crise pas seulement économique, mais aussi sociale et politique ; perte de confiance, démocratie se délitant, etc. Wait and see.
C’est d’ailleurs le marché qui fixera le prix du baril de pétrole. L’essence est devenu un bien indispensable, autant que peut l’être l’eau ou le gibier pour un animal. Mais ce besoin en essence n’est pas naturel. Il est venu artificiellement, suite au progrès technique et à l’utilisation intense de l’automobile pour les déplacements privés, de l’avion pour les longues distances, du transport des marchandises. Ensuite, d’autres utilisations participent à l’épuisement de cette ressource, notamment la production d’électricité, le chauffage, la pétrochimie.
Les esprits sont préoccupés actuellement par le réchauffement climatique mais ce sont deux autres chocs qui sont à prévoir : le choc des transports et le choc des cultures.
Le premier choc est facile à comprendre. Certains se souviennent du second choc pétrolier en 1980, consécutif à la révolution islamique en Iran, puis le conflit avec l’Irak qui s’ensuivit. Des mouvements de panique et dans les stations-service américaines, des tendances à l’émeute. Plus près de nous, en ligne de mire, le souvenir d’interminables queues pour l’essence, à l’occasion de blocage des centres d’approvisionnement lors des conflits routiers. Et pas plus tard qu’il y a deux mois, des émeutes en Iran à l’occasion d’une annonce du gouvernement sur des augmentations du prix de l’essence, fixé par l’État, et d’un rationnement de cette essence vendu à prix cassé. Rien que des indices témoignant du rôle central que joue cette denrée à notre époque. L’Histoire sait que, il y a deux ou trois siècles, les famines pouvaient jouer un rôle dans le déclenchement d’émeutes, de crises sociales, voire même de révolutions. Le prix du pain également. De nos jours, le risque de famine est nul en Occident. Et si une denrée devait participer à quelque insurrection ou émeute, c’est bel et bien le carburant, son prix, son rationnement. Voilà ce qui nous attend.
Second choc, celui des cultures, au sens agricole du terme. Dans le contexte de l’après-pétrole, la culture destinée à la production de biocarburant va devenir très rentable. Ce sera encore le marché qui décidera, mais on peut prévoir une réorganisation de l’agriculture mondiale avec une ampleur conséquente, voire même inquiétante. Des enjeux d’ordre humanitaire se dessineront. Car les terres cultivables ne sont pas extensibles et qu’il y aura un antagonisme entre la culture pour nourrir les hommes et celle destinée à nourrir les chevaux mécaniques gourmants en carburant. Ce qui pourrait engendrer une étendue de la famine dans les zones à risque de la planète, plutôt situées au Sud.
Bref, tout ceci est très réjouissant. Et va demander de l’imagination et une grande responsabilité de la part des politiques. Les innovations technologiques seront nécessaires pour alléger le fardeau de la pénurie inéluctable en énergie. C’est le marché qui devrait orienter les choix car, en ce domaine, les États ne sont pas les mieux placés pour intervenir à titre technique. Pour preuve, la voiture hybride ou électrique qui, comme le chauffage électrique, est une absurdité du point de vue énergétique. Écologique, oui, localement, dans les villes, qui seront moins polluées. Mais ce n’est pas pour autant que les États devront s’abstenir de toute régulation. C’est même le contraire. Il sera indispensable d’allouer un quota de carburant à prix encadré à chaque utilisateur de véhicule privé. Comme cela se fait d’ailleurs en Iran. Ce qui suppose, en France par exemple, de baisser les taxes sur les carburants. D’où des problèmes de nature budgétaire et fiscale à arbitrer. Rien ne sera facile. S’il y a eu une civilisation fondée sur le pétrole pour une bonne part, il y aura une civilisation nouvelle à inventer, basée sur une part plus réduite pour le pétrole.
Voilà, un billet décidément très réjouissant et destiné à exposer, en filigrane, les raisons pour lesquelles la question du réchauffement climatique n’est pas, selon moi, un véritable problème. Par contre, le climat social me paraît plus inquiétant. L’économie, l’addiction aux technologies et à la consommation, les effets de sevrage quand le pétrole sera devenu rare, et bien d’autres phénomènes annexes. Bref, les enjeux ne sont pas là où la presse les indique et, d’ailleurs, pourquoi faire confiance à la presse ? Car chaque corporation et chaque individu bien placé a pour devise : "Après moi le déluge !"
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