Areva et la « culture de la sécurité »
Dans son article du 21 avril, olivier Cabanel nous informait de défauts de fabrication de la cuves de l’EPR de Flamanville. Ces désordres étaient jugés suffisamment grave au point que l’ASN émette un sérieux doute quant à la fiabilité de cette cuve.
Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN déclarait à l’époque que c’était « Une anomalie sérieuse, voire très sérieuse qui touche un composant crucial ».
Le problème sur cette cuve est de deux ordres : un défaut partiel de ségrégation du carbone lors du forgeage à l’usine Areva du Creusot (Saône-et-Loire), et une utilisation inappropriée de gabarits de montage qui ont conduit à l’élimination d’une couche trop importante de beurrage au niveau des soudures des adaptateurs de couvercle de cuve.( La réalisation de soudures sur une épaisseur de beurrage trop faible étant susceptible d’engendrer des défauts dans le métal de base). Ces deux problèmes conjugués engendrent une anomalie grave dans la composition de l’acier de cette cuve qui doit tenir le temps de vie de ce réacteur et même au-delà.
Bien qu’Areva avait décidé de garder le silence sur cet événement, d’autres personnes et organismes pro-nucléaires ont critiqué le comportement de Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, qui a rendu publique cette affaire. Ils n’ont pas hésité à demander la démission de cet homme jugé pas assez « pro-nucléaire » pour être à la direction de cet organisme indépendant (peut-être un peu trop indépendant au goût de ces personnes). Quant aux défauts incriminés, ces même personnes se dédouaner en remarquant que le changement des normes a eu lieu en 2005 et que la cuve étant conçue et fabriquée avant le changement de la norme, il était fallacieux d’appliquer rétroactivement cette nouvelle norme.
La note de l’ASN qui date de février 2015 est diffusée dans son intégralité (un document de 32 pages) et plusieurs médias ont reçu une copie. On y apprend des choses intéressantes. En 2010 Areva édite un rapport « secret » sur les événements. Elle est informée en 2006 lors du forgeage de la cuve « d’importantes ségrégations majeures positives au centre de la calotte de couvercle du réacteur ». Une teneur excessive de carbone dans l’acier augmente sa fragilité à la fissuration. Pourtant Areva ne s’en préoccupe pas ou feint de ne pas s’en préoccuper. Ils gardent l’information par devers eux et n’informent ni les autorités, ni les organismes de contrôle. Entre 2006 et 2010, ni l’ASN et ni l’IRSN n’est informé de ce grave défaut. En 2010, l’IRSN réclame les analyses chimiques effectuées au cours de la fabrication. Areva indique qu’il les a déjà transmis en 2008 et 2009, mais de façon partielle et noyés dans d’autres rapports et données. De plus ces analyse étaient celles faites sur les copeaux de la pièce qui n’étaient pas dans la zone à risque et servaient uniquement à orienter la pièce dans le lingot de métal. Bien qu’au courant du défaut de carbone sur la cuve, il ne l’a jamais précisé dans ses rapports. A la lecture de ces analyse et s’apercevant du problème, l’IRSN réclame les éprouvettes pour refaire les analyses. Les résultats sont inquiétants. La norme de 2005 qui remplace celle de 1974 a augmenté la limite de résilience de 50 à 60 joules. Les nouveaux essais sur les éprouvettes indiquent une limite de résilience à 36 joules bien inférieure à la norme 2005 et même 1974. Cette cuve a un réel défaut de fabrication qui aura des conséquences graves sur la suite du chantier. Il est maintenant évident que Flamanville ne démarrera pas avec une cuve comme cela.
Quand une société comme Areva développe la « culture de la sécurité » a un tel niveau, elle ne doute plus de ses capacités techniques et peu à peu s’enfonce dans un complexe de supériorité qui l’empêche de douter. Or en matière de sécurité, l’humilité est la règle numéro 1 ! Il faut toujours se dire : « si on a fait les essais et qu’on n’a rien trouvé, c’est qu’on a mal fait les essais et il faut recommencer ». Ce n’est que comme cela qu’on arrive au résultat presque parfait, car le parfait n’existe pas. L’ASN a demandé à Areva un audit externe des usines du Creusot et de Châlon Saint-Marcel. Cet audit commandité à la société Lloyd’s Register Apave Limited est en cours et nous devrions avoir les résultats fin juillet.
Quand le ministère de l’industrie au japon a demandé à Tepco un rapport sur l’éventuelle dangerosité des centrales nucléaires en bord de mer avec des réacteurs trop bas par rapport au très de côte, Tepco n’a pas jugé utile de répondre. On sait maintenant ce qu’il est advenu à Fukushima
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