Ascenseur social pour l’échafaud
Il ne se passe pas une semaine sans qu’une initiative pour libérer les femmes, les homosexuels, les Trans, soit prise. Dans ce cadre, des lois favorisant leur accès à de nouveaux droits ou aux responsabilités ont été édictées. Il ne se passe de mois sans que des mesures soient prises pour limiter les libertés acquises des travailleurs peu ou pas qualifiés, et les compensations financières qu’on leur versait pour accepter leur sort sont réduites. Pourquoi ce choix ?
S’il peut se concevoir (avec peine) qu’un ouvrier ne puisse pas exercer des responsabilités éminentes au sein des entreprises par manque de formation ou de culture entrepreneuriale, il est difficile d’oser affirmer que ses enfants ne peuvent pas avoir de chance d’accéder aux responsabilités managériales ultimes. Pourtant il n’a réellement que très peu de chance ! La France est peuplée de 30% d'enfants d'ouvriers et ils ne représentent que 1,1% des élèves de l’École Polytechnique, la plus prestigieuse des écoles d’ingénieurs, celle qui ouvre toutes les portes. Le phénomène n’est pas récent, une analyse faite de 1940 à 1980 montre une sélection sociale très marquée pour accéder aux grandes écoles, les fils de cadres et d’enseignants ayant beaucoup plus de chances de les intégrer que ceux issus des milieux populaires. Entre 1959 et 1968, la probabilité d’intégrer une grande école (toutes confondues) était de 1,65% pour un fils d’exploitant agricole, 0,57% pour un fils d’ouvrier type artisanal et 36 fois plus pour un fils d’ingénieur. L’élitisme social qui n’est donc pas nouveau mais il s’accentue. Depuis 40 ans, la proportion des enfants d’ouvriers dans les classes préparatoires a baissé de 9 % à 7 %. À l’ENA la part des enfants d’ouvriers, qui était de 5 % dans les années 1950, n’est plus que de 4 % en 2015 ; celle des employés a été divisée par trois, passant de 12 % à 4,5 %.
Le bagage culturel et éducationnel fourni par l’école laïque, public et obligatoire ne semble pas suffisamment acquis par les fils de ‘ceux-qui-ne-sont-rien’ pour entrer dans les filières d’excellence qui seules permettent à ceux qui n’ont pas d’entregent de pouvoir postuler à un poste de haute responsabilité. Il n’est pas judicieux d’incriminer les processus de sélection largement basés sur les mathématiques et les sciences dites dures, du moins pour les ingénieurs, qui ne comportent que très marginalement des codes sociaux bourgeois que ne connaitraient pas les plus défavorisés. Il n’est pas judicieux non plus de contester l’indéniable valeur des élèves qui sortent de l’école Polytechnique à titre d’exemple. Le problème ne se situe pas là.
Pour tous ceux qui ont eu la chance de côtoyer les deux milieux, il est évident qu’il existe deux sortes d’intelligence, l’une concrète, expérimentale que l’on peut qualifier de travail manuel, l’autre abstraite, théorique liée au travail intellectuel. À peu près toutes les découvertes technologiques ont été faites à la suite d’une longue série d’essais et d’erreurs par les travailleurs manuels (qui ne s’interdisent pas de penser de temps à autre). Pourtant tous les bénéfices du progrès sont portés au crédit des intellectuels. Quel chercheur, quel quidam, se préoccupe de savoir que le poids est proportionnel à la masse “m” du corps et à une grandeur “g” appelée intensité de la pesanteur et équivalente à une accélération ? C’est pourtant la loi la plus importante de la Physique.
Les considérations intellectuelles permettent d’unifier des savoirs disparates et les rendre intimement compréhensibles. Elles permettent aussi d’asseoir une domination sur autrui en se présentant comme la seule vérité possible à l’égal des oukases divins. Les constructions intellectuelles se prêtent bien à la transmission du haut de chaires et d’estrades, ce qui n’est pas le cas du savoir manuel qui ne peut s’acquérir qu’auprès d’un maître.
L’esprit de géométrie peut se propager, s’étendre, dominer, ce que ne peut pas l’esprit de finesse. Que fait l’esprit de géométrie ? Il se propage, s’étend, domine jusqu’à ne plus laisser aucune place à l’esprit de finesse pourtant à la source de l’essentiel des progrès de l’humanité.
Les chercheurs de tous les domaines des Sciences dites dures ne séparent jamais les qualités manuelles et intellectuelles. Et il est exceptionnel qu’un même individu posséder les unes et les autres.
À cet égard, les concours et les classes préparatoires sont parfaitement inopérantes pour détecter l’esprit de finesse qui relève davantage de l’intuition : si ses principes sont « dans l’usage commun et devant les yeux de tout le monde », ils sont en revanche parfois difficilement perceptibles, car « on les voit à peine, on les sent plutôt qu’on ne les voit ; on a des peines infinies à les faire sentir à ceux qui ne les sentent pas d’eux-mêmes ».
En 1972, l’École Polytechnique s’ouvre à la gent féminine, ce qu’elle se refusait jusqu’alors. Sept filles sont alors admises pour une promotion de 315 élèves soit une proportion de 2,2%. Ceci n’empêchera pas que l’une d’entre elles devienne major·e de la promotion. La proportion de fille a franchi la barre des 10% pour la première fois en 1986 et depuis 1993 le chiffre se situe chaque année au-dessus des 10% avec un record en 2006 avec 19,4% de filles. Le concours d’entrée à l’École Polytechnique tout comme le vivier dans lequel il puise, les classes préparatoires, n’ont pas changé, ce qui n’a pas empêché la méritocratie féminine de s’exprimer. Pour l’ensemble des écoles d’ingénieurs, depuis 1984, le taux de filles se maintient autour de 22 %. Les filles sont plus nombreuses dans les écoles qui recrutent après le bac sur dossier scolaire que dans les écoles qui ont préservé le recrutement par les classes préparatoires (Polytechnique, Mines, Centrale…). Durant les concours écrits et oraux de Polytechnique, il ne semble donc pas y avoir de discrimination sexiste...
En consultant les biographies des femmes à la tête de grandes entreprises, il ressort que ce sont toutes des femmes issues des strates aisées ou très aisées de la société. Marie Cheval est la fille et la petite-fille de viticulteurs vivant du champagne depuis plusieurs générations. Nathalie Roos est la petite-fille d’un représentant en pièces automobiles et la fille d’un repreneur d’entreprise. Sa mère est diplômée HEC. Christel Bories est la fille d'une famille d'ingénieurs. Laurence Bertrand Dorléac a pour père un directeur des ventes d’une entreprise américaine et sa mère dirige des boutiques de mode à Paris.
Il existe une différence historiquement importante concernant les activités des hommes et des femmes. Celles-ci furent un temps encouragées à être mère au foyer.
La prime de la mère au foyer qui précédait l'allocation de salaire unique, fut créée par un décret-loi du 12 novembre 1938 afin d'encourager les mères à se consacrer à l'éducation de leurs enfants. Depuis 1950, l'allocation de salaire unique (en moyenne par allocataire) n'a pourtant pas cessé de baisser. Le Code de la famille de 1939 la remplaça par une prestation, l’« Allocation de mère au foyer », fixée à 10 % du salaire moyen départemental. Au lendemain de la Libération, des modifications interviennent, l’allocation est versée indépendamment des revenus de la famille et elle est non imposable. Durant le IIIe Plan (1958-1961) dit de modernisation il fut proposer de réformer l’Allocation de salaire unique et de développer des structures d’accueil (crèches) des jeunes enfants « pour obtenir les ressources en main-d’œuvre nécessaires à la réalisation des objectifs du dit Plan ». Pour Pierre Mendès-France, la croissance économique exigeait de mobiliser de nouvelles forces de travail et il n’était pas souhaitable d’encourager les mères à rester à la maison. À partir de 1962, le faible montant de l’Allocation de salaire unique n’encourageait plus les mères de deux enfants à ne pas travailler. Le législateur la laissa mourir à petit feu plutôt que de la supprimer. Réduite à la portion congrue, elle est supprimée en 1978.
La ‘mise au travail’ des femmes fut donc liée à une décision politique qu’il serait avisé de comprendre. Les lois dans le même sens se succédèrent au fil des ans :
. 1972 : Égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.
. 1983 : Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
. 1999 : Égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.
. 2000 : Amendement gouvernemental visant à lever l’interdiction du travail de nuit des femmes.
. 2003 : Élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen : règle de l’alternance des candidats de chaque sexe sur les listes présentées aux électeurs.
. 2005 : Suppression des écarts de rémunération entre femmes et hommes dans un délai de 5 ans, renforcement des droits des femmes pour les congés de maternité.
. 2006 : Instauration d’une obligation de parité entre hommes et femmes dans les exécutifs des communes de 3 500 habitants et plus, ainsi que dans les exécutifs régionaux.
. 2008 : Nécessité d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance.
. La loi no 2011-103 du 27 janvier 2011 dite loi Copé-Zimmermann, présentée par Jean-François Copé, Marie-Jo Zimmermann, Christian Jacob et Michèle Tabarot prévoit que les conseils d'administration des entreprises moyennes ou grandes soient composés de façon que la proportion des administrateurs de chaque sexe ne puisse pas être inférieure à 40 %.
. 2012 : Renforce le dispositif de pénalité pesant sur les entreprises ne respectant pas leurs obligations d’égalité entre hommes et femmes en matière d’égalité professionnelle.
. 2013 : Conseils départementaux. Le scrutin devient binominal et paritaire : les candidatures sont présentées sous la forme d'un binôme composé d'une femme et d'un homme avec leurs suppléants.
Ces incessants aménagements législatifs pour favoriser un devenir décidé par le gouvernement des femmes s’accompagne de campagnes tout autant incessantes pour mettre en valeur les minorités sexuelles. Mais rien n'est prévu pour l'esprit de finesse ! Le journal « Le Monde » du 7 Mai 2021 consacre une demi-page de publicité pour affirmer le bonheur d’avoir une ‘petite fille Trans’. Il existe à 15 000 personnes transgenres en France et dans les autres pays de l'OCDE la proportion atteint 0,1 % à 0,3 %.
Ouvriers : 40% Femmes : 49,6% Trans : 0,3% Un ascenseur, il ne faut pas l’oublier, peut descendre ou monter. Les ouvriers subodorent qu’ils empruntent le mauvais. Pourquoi ? Quelle société veut-on à long terme ? Les femmes sont-elles mises en exergue car elles permettent une meilleure reproduction sociale des élites ?
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