Assassiner, c’est trop cool ! Comment enterrer l’habeas Corpus
Ça y est on l'a eu l'Oussama. Quoi ? Vous dites ? L'arrêter pour le juger ?
Cass'toi pauv'ringard ! C'est fini ce temps là. Aujourd'hui on liquide à distance à coup de drones ou de commandos, sans autre forme de procès et sans remords car on est les gentils non ? Et si on a un seul regret c'est d'avoir raté Kadhafi !
Habeas Corpus, c'est du latin et comme chacun sait, le latin est une langue morte. Mais rien n'interdit de rajouter quelques pelletées de terre de temps en temps, histoire d'empêcher les principes rédigés dans cette langue de refaire surface.
C'est ce que nous faisons en saluant l'exécution de Ben Laden et les morts "collatérales" du fils de Kadhafi et d'autres membres de sa famille.
L'habeas corpus, plus exactement habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum, énonce une liberté fondamentale, celle de ne pas être condamné sans jugement.
Il apparait pour la première fois dans la Magna Carta obtenue par les barons anglais pour limiter l'arbitraire du roi.
Plus exactement dans son article 39 : « Aucun homme libre ne sera saisi, ni emprisonné ou dépossédé de ses biens, déclaré hors-la-loi, exilé ou exécuté, de quelque manière que ce soit. Nous ne le condamnerons pas non plus à l’emprisonnement sans un jugement légal de ses pairs, conforme aux lois du pays »
Ce principe a été repris depuis dans tous les textes instituant des doits individuels, y compris la déclaration universelle des droits de l'homme et la charte des Nation Unies.
Mais il faut bien constater que ces textes ne s'appliquent plus aux souverains de notre temps ; pas plus que la consultation des parlements avant de déclarer la guerre ou que la convention de Genève.
Arrêter les leaders auxquels on s'oppose pour les juger c'était bon à l'époque où on s'embarrassait de légalité et où on mettait les formes.
Aujourd'hui, il suffit aux leaders occidentaux de décréter que tel trouble fête est un fieffé salaud pour qu'il ait soudain moins de droits que Göring ou Milosevic et pour qu'on s'autorise à lui faire la peau à distance.
Vous me direz que quand on déporte et enferme des mineurs afghans à Guantanamo pour les torturer pendant des années sans autre accusation que d'avoir porté une montre Casio F91W, il y peu de raisons pour qu'on s'embarrasse des droits humains de l'ennemi global n° 1.
http://www.slate.fr/lien/37347/casio-montre-terroristes.
A cela je répondrait que si ces sévices et ces exécutions sommaires peuvent se produire, si l’arbitraire s’installe comme la norme, c'est que les opinions publiques ne réagissent pas, voire y adhèrent.
Je pourrais faire une longue et ennuyeuse explication de droit pour expliquer en quoi cette indifférence est une faute.
Le plus simple est de rappeler ce texte de Martin Niemöller :
Quand ils sont venus chercher les communistes,
Je n'ai rien dit,
Je n'étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n'ai rien dit,
Je n'étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les juifs,
Je n'ai pas protesté,
Je n'étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
Je n'ai pas protesté,
Je n'étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher,
Et il ne restait personne pour protester
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