• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Assez cassé du sucre, le vrai sel de la vie

Assez cassé du sucre, le vrai sel de la vie

Attention, le texte qui suit peut être dangereux. Seules des bouches averties doivent le lire. Cette fantaisie à la gloire du sucre peut choquer voire écœurer quelques palais délicats, déséquilibrer un diabète instable ou favoriser des caries si un brossage soigneux des dents ne suit pas immédiatement la dégustation.

En mémoire à une enfance carencée en pâtisseries du fait de l’occupant teuton, en témoignage de piété filiale pour une mère décédée à 99 ans en odeur de sainteté bien qu’ayant jusqu’à ses derniers jours sacrifié au sucre avec une fidélité, un entrain qui ont dû la faire entrer directement, par la Grande Porte, au paradis des gourmandes et en remerciement pour m’avoir transmis ce péché capiteux, je m’autorise cette transgression du diététiquement correcte et suis prêt à en assumer les conséquences avec l’aide de tous mes semblables avoués ou inavoués.

Le sucre est mal-aimé, on a honte d’en parler.

Il faut y remédier.

Il m’a beaucoup donné, je ne lui ai rien rendu.

Je le chanterai donc, je serai son hérault.

Ce n’est pas difficile, il n’a que des vertus.

Bon pour tous et à tout, il n’a pas de défauts.

Il rend heureux l’enfant, fait rire le grincheux.

Nature ou transformé, il est chez lui chez eux.

Parce qu’il s’offre à chacun et se refuse à rien.

On lui reproche tout : la carie, le diabète.

Méprisé, calomnié, on le met à la diète.

Lui, le doux, le tendre, roi du suave et du bien.

Trop présent, trop utile, il a des ennemis.

Au banc des accusés, je serai son ami.

 

Le mot, d’abord, est beau. La bouche en cul de poule, il se susurre, se suçote, se clôt en un petit bruit incongru, délicieux, un léger crachotis, discret, réservé, presque avalé aussitôt dit.

Il faut le comparer, pour l’apprécier à sa juste saveur, aux autres ingrédients. Difficile d’en parler puisque tout les oppose. Leur rôle est secondaire. Ils ne sont tolérables qu’à peine discernables.

Ne les accablons pas, ils sont ce qu’ils peuvent être : des releveurs de goût, des béquilles pour cul-de-jatte. Ils suffisent à certains qui en mettent partout. Un seul retient l’attention : le sel. Qu’il soit fin, qu’il soit gros, il veut la première place. On le trouve partout : sur la table, dans la mer, dans les plats, sur la route. Vil flatteur, il cumule les vices. Son adjectif repousse : sale et laid. Mis à toutes les sauces, il encombre le corps, retient l’eau, fait monter la tension, œdématie le poumon, gonfle la jambe. Faute de pouvoir faire mieux, il raccourcit la vie. Il triomphe dans ce qui lui ressemble. Rien qu’à les nommer, on voit qu’ils sont vulgaires : andouille, boudin, cervelas, cornichon, bifteck, mortadelle, pot-au-feu, saucisse, saucisson, etc.

Les syllabes s’enchaînent avec effort, dans des consonances rugueuses. Tout ça est dégoûtant et seule une faim de loup, une boulimie aveugle expliquent leur succès, ce manque de goût. La satiété qu’ils donnent est indigeste, satisfait seulement qui boit sans soif, mastique par habitude, avale par réflexe, digère sans paix.

Le sucre est à lui seul une belle compagnie. Il se suffirait à lui-même, si, bon compagnon, il n’aimait la farine, le beurre, l’œuf, l’amande, etc.

Il est au cœur de tant de beauté, de bonté que tous ses dérivés donnent le même bonheur à la voix, à la langue : bonbon, berlingot, nougat, praline, sucette, sucre d’orge, loukoum, confiture, miel.

Bonne pâte, il veut bien tout, s’apprête comme l’on veut : en pain, en morceaux, en poudre, en cristal, en glace, en sirop il se moule à la forme. Il se cuit, au petit cassé, au grand boulet. Si l’on insiste, il devient caramel, se filamente en cheveux d’ange, se fait nuage en barbe à papa.

Liquide, il coule mieux qu’une source, en douceur, en suaveur.

Sodas, sirop d’orgeat, sauternes, Loupiac, Cadillac, Bonnezeau. Il est l’âme du nectar, le saint esprit d’Yquem, le moelleux du champagne. Il humanise la citronnade ; de bulles il fait une limonade.

Sans lui, pas de gâteaux et pas de pâtissier, ce bienfaiteur par qui l’extase s’invite à table.

Un dessert réussi fait oublier une entrée ratée, un rôti brûlé, un vin bouchonné, une matinée pluvieuse, un ongle incarné, un krach boursier. Il récompense de tout, fait oublier la vie, la mort.

Un autre jour, si vous êtes sages, je vous parlerai du chocolat ou d’un repas de gâteaux, une expérience à faire, un sommet à atteindre.

 


Moyenne des avis sur cet article :  3.5/5   (16 votes)




Réagissez à l'article

18 réactions à cet article    


  • Sandro Ferretti SANDRO 15 juillet 2008 13:40

    Bonjour Doc,
    J’ai eu peur que vous ne vous fassiez sucrer votre article en modération.
    Heureusement, il ne manquait pas de sel.


    • Dancharr 15 juillet 2008 13:53

      Bonjour Sandro,

      Merci. Moi aussi je n’y croyais pas beaucoup car il n’est pas dans l’air du temps.

      Je regrette que vous ne nous fassiez pas déguster une ou deux fois par semaine un chapitre de ce qui pourrait être un feuilleton pour l’été dans le genre doux-amer que vous réussissez si bien et que vous devez avoir pas très loin de votre coude.

      Amicalement.


    • Sandro Ferretti SANDRO 15 juillet 2008 14:12

      Doc,
      Vous étes bien bon, mais je fais relache, peut étre méme pour longtemps.
      Du travail, des soucis, quelques absences hors Internet, et, de toutes façons... une sorte de jachère de l’esprit.
      Pas quelque chose à dire tous les jours, ni toutes les semaines.
      A part citer Vigny, dans la mort du loup :
      "Seul le silence est grand. Tout le reste est faiblesse".

      Mais bon, je papotte, et j’en oublie de sucrer mon ristretto, (avant de sucrer les fraises.....)


    • Dancharr 15 juillet 2008 22:55

      Sandro,

      Vous qui êtes le premier à encourager les autres, je vous sens tristounet. Comme si vous étiez du genre à laisser le mauvais temps s’installer chez vous. Il faut le laisser dehors et s’en moquer. Il ne mérite pas mieux. Il faut faire comme Bocuse : à plus de 80 ans, je l’ai entendu dire : « la vie est une farce ». Ça ne l’empêche pas de diablement en profiter et d’en rire !


    • Sandro Ferretti SANDRO 16 juillet 2008 12:12

      Bon, parce que c’est vous :
      Les seules choses que j’ai dans mes cartons ( imaginaires ou informatiques) c’est la nécro de 3-4 personnes qui me sont chères.
      Autant dire que je ne suis pas pressé , et que le plus tard sera le mieux.
      Mais comme "on ne sait ni le jour ni l’heure", il faut étre toujours prét...


    • Trashon Trashon 15 juillet 2008 14:02

      Merci pour cet éloge du sucre qui me rappel une phrase lancé par mon grand père :

      "Mon p’tio, n’écoute pas tous ces cons le sucre c’est bon pour la santé j’en mange tous les jours et à 72 ans j’ai jamais mis les pieds chez les charlatans."

      Désolé pour l’expression mais pour lui il n’y avait que deux sortes de toubibs, les charlatans et les enculistes smiley



      • Olga Olga 15 juillet 2008 14:41

        Le sucre, oui, mais à petite dose... Le sel, oui, jusqu’à la limite du raisonnable...
        Une pâtisserie recouverte de morceaux de sucre aussi énormes que du gros sel, c’est un cauchemar pour moi. Je vais patiemment ôter tous ces grains de sucre, avant de la déguster. Je veux bien en manger un peu, mais je ne veux pas le voir... Si je prends du thé, je rajoute juste un peu de miel. Jamais de sucre dans un bol de chocolat au lait.
        Même chose pour les crêpes : à n’importe quoi mais surtout pas au sucre.
        Le sucre contenu dans les fruits me convient davantage : raisins, pêches, abricots, cerises...

        Je serai sage pour mériter votre chocolat. Par contre, il devra être noir, très noir et amer.


        • rocla (haddock) rocla (haddock) 15 juillet 2008 17:57
           Chers amis bonjour !
           
          Tarte Tatin
          • Pour : 8 personnes
          • Durée : 50 minutes
          • Difficulté : facile
          Pour cette recette, il vous faut :
          • 8 à 10 pommes
          • 150 g de beurre
          • 150 à 200 g de sucre en poudre
          • 200 à 250 g de pâte brisée
          • cannelle (facultatif)
           
          Phases techniques :
          1

          Préparer tous les ingrédients.

          2

          Dans un moule à manqué, mettre le beurre et le sucre en poudre. Poser ce moule sur la flamme de la gazinière.

          3

          Avec une spatule en bois bien mélanger ces deux éléments.

          4

          Faire un caramel brun. Attention à ne pas le laisser trop noircir, cela donnerait un goût amer à votre tarte. Laisser colorer le caramel selon votre convenance (plus ou moins clair). Retirer du feu.

          5

          Éplucher, épépiner et tailler en quartiers les pommes.

          6

          Disposer les quartiers de pommes sur le caramel refroidi.

          7

          S’il reste des pommes, les tailler en morceaux plus petits et les disposer sur le dessus. Ajouter de la cannelle. (facultatif)

          À ce stade de la recette, afin d’accélérer la cuisson des pommes, recouvrir les pommes de papier aluminium et les cuire quelques minutes (5 à 10 mn) à feu vif. Ainsi, les pommes seront bien imprégnées du caramel qui va fondre et elles seront à moitié cuite.

          8

          Fleurer votre plan de travail. Abaisser la pâte brisée sur 3 ou 4 mm d’épaisseur en un disque légèrement supérieur au diamètre du moule.

          9

          Recouvrir les pommes de pâte.

          10

          Rentrer le bord à l’intérieur du moule.

          11

          Cuire à four chaud (180-200°C) jusqu’à cuisson complète de la pâte brisée.

          12

          La pâte est presque cuite et le caramel commence à remonter sur les cotés. Au terme de la cuisson, retirer la tarte du four.

          13

          Au terme de la cuisson, recouvrir le moule avec un moule plus grand, et démouler votre tarte tatin tant qu’elle est encore chaude. Après il sera trop tard !!!

          Attention aux éclaboussures du caramel bouillant !

          Elle se sert nature, sans crème anglaise, ni crème fraiche, ni glace. Sinon elle ne s’appelle plus Tarte Tatin.


          • Dancharr 15 juillet 2008 22:37

            Bonjour capitaine,

            Ainsi, les demoiselles Tatin avaient caché qu’elles avaient eu un arrière-arrière petit fils, un moussaillon qui donne enfin la vraie recette ! Tous les détails, jusqu’alors cachés et qui font la différence sont révélés : le nombre de pommes, le caramel au beurre, la forme de mener la cuisson et plein d’autres détails qui vont nous faire changer notre façon de voir la Tatin.

            P.S.1/ Si la boulange vous a fait vivre, la fortune et la gloire vous les devez à la Tatin ?

            P.S.2/ Vous inaugurez une rubrique qui manquait sur AgoraVox : la rubrique gastronomique. Personne ne vous en disputera la présidence. Continuez à nous servir les secrets du métier. Par exemple, comment faire une vraie et bonne brioche.



          • el bourrico 15 juillet 2008 19:00

            L’industrie agroalimentaire en mets déjà partout, comme le sel, comme des dizaines d’aditifs. Je ne vois aucune raison d’en rajouter, encore moins d’en faire l’éloge. Entre la pénurie et l’overdose, il y a une marge. Je doute que les gens dont vous parlez aient été gavée de sucre dès leur enfance, or c’est ce qui se passe de nos jours.
            On peut faire la même chose avec l’alcool, ou les clopes tiens, on trouvera toujours des gens intoxiqués jusqu’au trognon qui pourtant se portent bien à un âge avancé, et pourtant il ne viendrait à personne l’idée de la faire à ce qu’il me semble.

            Article sans intérêt de mon point de vue, je ne suis pas pouet.


            • claude claude 16 juillet 2008 13:21

              ah, non !

              le sucre de l’industrie agroalimentaire est au sucre, ce que la piquette est au vin...

              le sucre, le vrai,
              c’est
              le candy dans la tasse de café,
              la nougatine qui embelli les patisseries,
              le caramel qui craque délicieusement sous la dent,
              le sucre glace qui vous remaquille avec tant de grêce...

              c’est aussi le sirop qui s’écoule des fraises et des framboises et que l’on déguste à la petite cuillère...

              ce sont ces goûts de l’enfance : les sucettes pierrot gourmand, les pommes d’amour, les bonbons la pie qui chante, les calissons d’aix...

              comme le vin et toutes les bonnes choses, il ne faut pas en abuser... smiley




            • claude claude 16 juillet 2008 13:23

              merci à l’auteur pour cette belle ballade qui a une odeur d’été et un parfum d’enfance... smiley


            • Battement d’elle 15 juillet 2008 19:04

              @ l’auteur

              Génial votre hymne au sucre .... au ludique !


              • Gül 15 juillet 2008 19:36

                Bonjour cher Dancharr,

                Je préfère le sel...mais le sucre quand il est bien placé, j’aime aussi le savourer. Vous avez parlé d’Yquem, vous m’avez conquis...

                Je l’aime dans quelques patisseries. Et j’aime l’arôme caramélisé de vos textes...

                @ Cap’tain

                Vous exagérez de nous faire saliver comme ça ! Il fait chaud aujourd’hui....Dieu merci, sinon j’aurais couru à la boulangerie ! smiley


                • pseudo pseudo 15 juillet 2008 22:07

                  Vous êtes dur pour le sel.

                  Surtout quand il s’agit de l’eau iodée des huîtres !


                  • sisyphe sisyphe 16 juillet 2008 10:44

                    Sucre et sel ; comment faire l’apologie de l’un sans l’autre ?
                    Tant me va la douceur
                    Que le sel de la vie


                    • ZEN ZEN 16 juillet 2008 12:09

                      Ce n’est pas moi qui vais casser du sucre sur votre dos...

                      Le sucre est un excellent anti-dépresseur , non ?

                      Surtout à une époque où beaucoup se sucrent allégrement dans la jungle financière...

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès