Athènes, 23h, l’orchestre a cessé de jouer
Provocation du gouvernement grec ou encore une manifestation de ce "capitalisme du désastre" si bien décrit par Naomi Klein dans " La stratégie du choc " ? Aujourd'hui la Grèce, demain le Portugal...bientôt la France . L'heure n'est plus à la discussion, Il faut tout liquider et vite !
Les trois chaînes de la télévision publique grecque ERT ont cessé d'émettre mardi 11 juin peu avant 23 heures. En fin d'après-midi, le porte-parole du gouvernement, avait brutalement annoncé la fermeture immédiate de la télévision publique, engageant une épreuve de force inédite avec les syndicats sous la pression de ses bailleurs de fonds internationaux. Cette mesure radicale été annoncée sans préavis au moment où des responsables de la Troïka (UE-BCE-FMI) sont à Athènes. Elle intervient après le naufrage de la privatisation du groupe gazier grec DEPA, avec le retrait surprise de l'offre du russe Gazprom ce qui porte un sérieux coup au programme de démantèlement des entreprises publiques exigé par le célèbre trio UE-BCE-FMI. Selon les syndicats, en fermant les chaines publiques, le gouvernement remplit d’un coup l’objectif assigné par les créanciers de la Grèce de supprimer 2 000 emplois publics d’ici à la fin juin. C’est une « solution facile pour répondre aux exigences de la troïka », souligne le syndicat Poesy.
ALORS QUE L'EAU ENVAHIT LA SOUTE, LE PEUPLE ÉCOPE
Depuis plus de trois ans le peuple grec est mis à contribution pour payer une dette dont il est nullement responsable. Il faut rappeler que ce sont avant tout les politiques libérales qui ont fait exploser ce cocktail détonant de la dette avec d'une part la baisse des recettes fiscales, l'ouverture des marchés et le financement sur les marchés financiers à des taux incertains qui ont explosé en 2010 ;
Mais pour obtenir une bonne dette conséquente il faut y ajouter un gros budget militaire (4,5 % du PIB au lieu de 2,4 % en France ) avec par exemple 6 sous-marins construits par HDW pour une valeur de plus de 3 milliards d'€ ( pour ne pas faire de jaloux l'Allemagne a vendu six sous-marins identiques à la Turquie ) et des infrastructures surdimensionnées comme l' autoroute Aegnatia à 1650ponts et 76 tunnels ( 1) qui, avec les équipements pour les Jeux Olympiques de 2004, ont fait la joie des marchands d'armes et des entreprises de travaux publiques allemandes et françaises, le tout bien arrosé de pots de vin ; terminer avec une bonne dose d'exemption fiscale pour les armateurs grecs et l'église locale et avec un gros zeste d'évaporation d'argent en Suisse de la part de nombreux dirigeants politiques et hommes d'affaires locaux et le tour est joué.
Les créanciers qui ont permis l'achat à prix d'or de tous ces équipements inutiles imposent ensuite au peuple de vendre à prix cassé son unique richesse qu'est sa force de travail.
Depuis 2010 les plans d'austérité dictés par la troïka se succèdent, avec à chaque fois, gel des embauches et licenciements dans la fonction publique, baisse des salaires et des retraites,réduction des aides sociales, recul de l'âge de départ à la retraite, augmentation des taxes et impôts sur la consommation, programme de privatisation, etc...
Fin avril 2013 la loi prévoit une restructuration du secteur public avec la suppression de 15 000 postes d’ici à la fin 2014. Elle prévoit aussi l’extension d’un impôt foncier très impopulaire existant depuis 2011.
Le projet de loi 2013-2016, que la coalition gouvernementale a défendu, annonce de nouvelles coupes dans les retraites, les salaires dans le secteur public, les prestations sociales et les dépenses de santé. Le texte accentue aussi la dérégulation des marchés du travail et des services, réclamée par les bailleurs de fonds, et repousse à 67 ans, contre 65 ans, l'âge légal de départ à la retraite.
Ce sont en tout plus de 10 plans qui se sont succedés pour aboutir à un résultat bien éloigné de celui escompté : Le PIB se dégrade passant de -2 % en 2009 à -6,9 % en 2011 et à -5 % en 2013, la dette continuant inexorablement d'augmenter : 117 milliards en 2000, 350 milliards prévus en 2015 malgré le plan de restructuration de 2012 qui avait pour objectif fondamental de transformer de la dette privée en dette publique.
Pour finir ce jeudi 12 juin La société de conseil en investissements MSCI a fait passer la Grèce de statut de "pays développé" à celui de "pays émergent". C'est la première fois qu'un pays occidental est dégradé de la sorte.
LE BATEAU SOMBRE, LE COMMANDEMENT SE DISPUTE
Après plus de trois ans de remède à la Diafoirus, on ne peut que constater l'ampleur des dégâts. L'économie est proche du collapse généralisé , avec 28,6 % de chômage et 58,3 % chez les jeunes. L'iceberg de la dette se rapproche inexorablement. Dans le poste de commandement on perd son sang-froid et on commence à élever la voix.
Le 6 juin dernier la Commission européenne exprimait, son "désaccord fondamental" avec certaines conclusions d'un rapport confidentiel du Fond Monétaire International, dévoilé quelques heures plus tôt. Ce texte, du FMI, reproche à Bruxelles son manque d'"expérience" et de compétences ( rien que ça ! ) dans l'élaboration du plan de sauvetage de la Grèce en 2010. Selon le FMI, le plan de sauvetage de la Grèce a surtout permis à ses créditeurs de se décharger de leur responsabilité et se prémunir des risques de contagion à d'autres pays.
Déjà en janvier de cette année, l' économiste Olivier Blanchard a reconnu que le FMI s'était trompé au sujet de la Grèce. En 2010, le FMI estimait que le pays renouerait avec la croissance dès 2012 alors qu'il s'est en réalité enfoncé dans la récession en 2013 pour la sixième année consécutive malgré le deuxième plan d' "aide" massif. Les projections de dette publique grecque établies par le Fonds ont, elles aussi, été dépassées "dans une très large mesure" et n'ont pas anticipé l'explosion de l'endettement du pays, qui pourrait dépasser en 2013 190 % de son produit intérieur brut (PIB), alors qu'elle représentait seulement 127 % du PIB en 2009.
Au lieu de persister à ne pas vouloir faire payer aux créanciers leurs placements hasardeux et à continuer à faire rouler la dette par le peuple grec, on ferait bien de se souvenir en haut lieu que si aujourd'hui l'économie allemande est aussi forte c'est aussi parce qu'il fut un temps, on accorda à ce pays un allègement de sa dette. "Le sacrifice de ses créanciers dont la Grèce faisait partie a permis à 'Allemagne de se relever. L’Allemagne ne devrait-elle pas se comporter à son tour comme les États-Unis dans les années 1950 ? C'est à ce prix que l'on obtient la paix et la prospérité de l'Europe." (2).
Dans la nuit noire, la proue s'enfonce inexorablement et on sait qu'il n'y aura pas assez de gilets de sauvetage pour tous le monde...
Sans travail ou avec un salaire amputé, avec des services publics amputés, jusqu'à hier soir il restait au peuple grec encore la télévision publique pour se distraire, se cultiver et s'instruire. Devant la violence des coups portés, il ne reste plus que la rue pour exprimer sa colère : Les syndicats appellent à la grève générale pour ce jeudi. On ferait bien aussi de se réveiller avant qu'il ne soit trop tard.
(1) Voir l'article de ALDOUS : UE DE LA CORRUPTION A LA DETTE
(2) " L'Allemagne paiera" Le Monde " Samedi 8 juin 2013 -Histoire Jacques- Marie Vaslin
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