Au delà du Jeu, les Dés de la vie
L’étude de Milgram a une signification qui dépasse de loin le seul débat qui a eu lieu dans lequel Morandini et sa consoeur furent les plus mauvais, l’on comprend qu’avec de tel défenseur la télé soit aussi mauvaise.
Ce que j’avais annoncé dans un commentaire c’est vérifié, aucun neuroscientifique n’a été invité et cela fut bien dommage car ils auraient pu apporter un début de réponses à l’interrogation du réalisateur qui disait se questionner sur les fondements de tels comportements.
Je vais avec mes modestes et insuffisants moyens tracer quelques lignes.
L’humain et un animal adaptatif plus que tout autre, il possède un bagage génétique constitué d’une structure de sauvegarde de son existence incluant la faculté d’adaptation à son environnement grâce à sa mémoire et à sa capacité d’apprendre.
Globalement ce sont les causalités environnementales qui induisent les comportements appropriés et réorganisent une structure cérébrale « volitionnelle » par le conscient et le non conscient. Ainsi un être humain dans un espace uniforme mourrait, nous lui mettrions une fleur il organiserait sa vie et son être autour d’elle.
Nous lui mettons un autre humain, ils vont s’organiser leur vie autour d’eux, chacun va être le miroir de l’autre et y donner un nom. Pour autant chacun aura une vue singulière du monde par un bagage génétique spécifique, mais surtout parce que l’autre ne pourra jamais être à sa place et avec lui dans la mort s’éteindra l’être unique qu’il fût.
Nous sommes donc unique non pas seulement par notre singularité physiologique, mais par la place que nous occupons dans l’espace qui nous permet de recueillir des informations environnementales que tous ne recevrons pas et qui nous donnerons notre singularité de jugement, qui en s’associant aux autres réorganiserons en permanence notre pensé, que nous nous projetons les uns vers les autres comme élément environnemental culturel exerçant une causalité. Le culturel événement en soi
Il ne peut donc exister de sociétés sans une acceptation, par une majorité, de principes et de règles. Chacun est contraint par l’organisation culturelle dans laquelle il naît de les appliquer, mais nous savons qu’elles sont arbitraires de par l’apprentissage culturel, tout en étant une fonction de l’inné, qui est cette faculté de les élaborer pour organiser notre existence, mais elles ne peuvent recouvrir toute la diversité des situations ce qui laissera la place à la désobéissance et à l’évolution.
Inévitablement nous serons donc appelés à nous influencer les uns les autres, et c’est de cette proximité plus ou moins concentrationnaire que s’élaborera une multitude de représentations de structures d’obéissances qui se voudront de remplacer la fonction inné du dominant Alpha par un dominant issus de l’organisation culturelle que je nomme le « dominant systémique » et l’humain devient de fait un dominant Bêta, et donc propice à suivre les influences de sa culture.
L’obéissance sera fluctuante en fonction de l’environnement dans lequel elle s’exerce, et la représentation de l’autorité culturelle (le père, dieu, le scientifique, la conviction, « le médias », et non biologique le dominant alpha) qui vont par l’acceptation de l’ordre, élaborer l’estime de soi dans le regard des autres, et donc réagir en fonction du bagage qui nous a été inculqué depuis la naissance, plus celui que nous avons enregistré par notre vécu.
L’exemple télé visuel de l’émission le jeu de la mort nous fait croire que seul l’environnement de l’émission suffit à influencer le choix des personnes qui n’ont pas été contraintes, parce que nous n’analysons pas leur existence pour mesurer le poids de leur apprentissage culturel qui les a conduite à accepter ce jeu et donner les réponses qui furent les leurs.
L’autre point important comment en arrive-t-on à accepter des actes barbares. Parce que nous sommes dépositaire d’une capacité d’agressivité qui nous permet dans le monde animalier de jouter pour déterminer le meilleur géniteur afin d’assurer la meilleure progéniture et conquérir en cas de rareté la nourriture nécessaire à cela et protéger sa descendance.
Le fait d’avoir sociabilisé notre existence pour ordonner par la règle les comportements asociaux, n’a fait que refouler cette capacité qui peut ressurgir lorsque l’environnement y prédispose, par exemple la compétition, le communautarisme, ou l’appartenance à un groupe.
La compétition en expliquant que chacun doit se mesurer à l’autre, les restes de notre atavisme, le communautarisme par l’intégration trop forte de l’individu singulier dans une communauté qui peut le pousser au sacrifice de soi, ce que nous louons souvent au travers de la tuerie guerrière, et le groupe par identification.
Ce passage ne peut se priver d’indiquer que les actes barbares les plus atroces sont le résultat de l’expression de nos refoulements mis en exercice au travers de nos moyens modernes que sont les technologies culturelles, fruits de notre apprentissage. Sans électricité l’étude de Milgram n’aurait jamais existé, ni sang gaz les chambres du même nom, ni sans science génétique l’eugénisme qui se profile. Ceci implique de tempérer notre jugement sur autrui dans sa barbarie, mais aussi de comprendre que tous n’utilisent pas des moyens meurtriers pour exprimer leur refoulement, quand cela passe par la peinture, le roman ou la filmographie.
C’est donc un peut plus compliqué que les quelques explications que je fournis. Pour autant lorsque on leur fourni un moyen unique, comme dans cette émission, ils l’utilisent.
Ce qui indique au moins qu’il y a une construction préalable à cela, qui en l’espèce est le spectacle, pour d’autres ce fut la science (Galton et autres) ou la conviction (Staline)
Enfin l’obéissance est un artifice qui sert aussi à ne pas avoir à justifier des raisons de nos actes qu’elle induit, mais il faut pour cela que l’ordre reçu soit en inadéquation avec l’analyse personnelle de la situation pour museler sa « conscience désapprobatrice », sinon il est reçu comme un choix consenti.
Pour ceux qui ont le souvenir des mutations dans le management des entreprises la révolution fut le passage au DRH, dont la mission était de faire exécuter les taches en déléguant la responsabilité de celles-ci. Aujourd’hui où ce fait est consenti, 76 à 90% des français considèrent recevoir une délégation de responsabilité pour accomplir leur tâches.
Ils ont donc le sentiment de détenir le contrôle de leur existence (60% d’entre eux).
J’indique ces deux données seulement pour déjà souligner que nous n’obtenons pas cent pour cent, et dire, que quoi que nous fassions, il demeure un pourcentage de situation aléatoire qui échappe au déterminisme de la décision d’autorité.
Le message plus profond de l’étude Milgram. Elle est la démonstration d’une structure d’agrégation (je ne veux pas utiliser le terme soumission qui est d’une acception morale, même par l’acceptation volontaire) de l’action des individus, qui par leur influence s’auto organisent dans l’acceptation de contraintes causées par leur environnement, face auquel par des règles, ils régissent et ordonnent leur concentration humaine dans un espace déterminé par le besoin de se nourrir, copuler, s’abriter. Cette structure permet la stabilité organisationnelle par le poids de l’apprentissage culturel qui inclut l’obéissance comme facteur de déterminisme.
Or le déterminisme est la répétitivité des choses pour assurer leur existence tant qu’elles répondent aux causalités qui les génèrent. Mais il est soumis à l’entropie du mouvement (le déroulement de la vie, l’expansion etc.) qui lui impose des réorganisations aléatoires sources de l’évolution. Il est donc inévitable qu’apparaisse dans une étude comme celle de Milgram une constante structurelle qui se situe autour de 1/3-2/3, (seul le cas particulier de l’émission justifie les 80% constatés et démontre que cette constate soit variable en fonction du conteste) un tiers qui désobéissent, deux tiers qui consentent.
Ceci ne signifie pas qu’il y ait deux catégories d’humains distinctes et saisissables car chacun d’entre nous se trouve à un moment ou un autre de son existence dans l’un ou l’autre de ces deux groupes.
Cette malléabilité insaisissable, malgré toutes les tentatives de conditionnement effectif, nous préserve du déterminisme qui consisterait à pratiquer une épuration quelconque des opposants en les cernant, sur la base d’une vérité organisationnelle, dont la finalité est de répondre à l’adaptabilité de nos existences dans l’environnement qui nous entoure.
C’est en cela que je dis que notre existence est faite d’un déterminisme aléatoire.
Le déterminisme conduirait à l’immobilité et l’aléatoire à une anomie permanente improductive de créativité. Un atome existe par le neutron qui fixe le noyau autour duquel tourne l’électron et offre ainsi toute sorte d’adaptation face au déroulement de l’expansion, cette construction suivant le principe de Mandelbrot se retrouve en toute chose dans l’invariance d’échelle, donc dans nos organisations humaine car ce n’est que nous qui avons défini ce principe, parce qu’il nous habite.
La place de la télévision, c’est elle qui a permis de porter le taux de soumission librement consenti (sous réserve de mes remarques précédentes) à 80% il est indéniable que cette émission confirme la lutte pour la maîtrise de l’information et son influence sur les comportements.
Mais les élections viennent confirmer la limite de cela. Nous vivons dans le cadre de la pensé unique au travers de l’information, si elle réorganise la pensée, elle ne suffit pas a faire tout accepter et en l’espèce la règle des 1/3-2/3 en faveur de la majorité c’est inversé. Ce n’est qu’une image, car les soumissions ne se trouvent pas là.
Je ne regarde jamais les Réality show, elles sont l’exploitation de la notoriété sous-jacente qui est en nous pour en retirer l’estime de soi que nous confirmera l’autre.
Notre attrait pour les jeux ou les spectacles sanguinaires est connu, il compose la plus grande majorité de nos récits, écrits et filmographies, ils sont en cela une mémoire culturelle génératrice de ces risques comportementaux.
Faut-il à partir de là jeter la pierre à tous ces producteurs d’émissions, qui pour faire du profit sont capables de faire fit des comportements que nous avons qualifier d’asociaux.
Nous entrons là dans le monde de l’expression du fantasme et du contrôle de la construction du psychisme pour l’éducation de nos enfants.
Si l’agressivité est naturelle sa transformation en violence se transmet culturellement. Et la télé en est un facteur en brouillant les représentations de la réalité.
Le direct en est l’expression la plus répandue et admise alors que c’est faux, nous ne recevons que des images bruyantes conditionnées aux propos des commentateurs et aux choix du cadreur. Ce n’est qu’une part et l’analyse partialité d’un événement. Il est important d’avoir conscience de cela car nous ne recevons des autres que des morceaux de leur existence interprétée par nous ou par d’autres.
Pour conclure je terminerais sur ce que j’avais écrit à ce sujet en 1999.
La population s’anesthésie et même s’auto anesthésie sous des slogans de toutes sortes, lesquels sont devenus le moyen de communication moderne de gens qui ne trouvent plus ni le temps de s’écouter, ni de discuter. Et quand une explication dépasse les trente secondes, ils « zappent » sur autre chose. Incapables d’avoir une idée globale par ces moyens, ils réclament du local, devenant peu à peu encore moins capable de voir la pente vers laquelle ils glissent inexorablement, sûrs de leur fait, si celui-ci correspond aux messages médiatiques et aux stratégies d’acteurs.
Je ne pense pas que la télé innove avec les spectacles strass, l’histoire nous apprend que les exécutions publiques faisaient spectacles et que les romains se réjouissaient de jeux pas très chrétiens.
Mais tout individu qui juge qu’il est porté atteinte à sa « liberté arbitraire », peut à tous les instants se référer au principe sacré subjectif de liberté individuelle installée par sa reconnaissance dans
Pour cela, la société dispose de systèmes d’autorité qui veillent à ce que chacun respecte la règle. Bien que si cela était aussi simple et aussi efficace, nous aurions une société immuable, ce qui n’est pas le cas. Il faut donc qu’il y ait transgression de la règle pour qu’une société évolue.
Ainsi agir pour s’épanouir avec toutes les aptitudes et créations du cerveau humain ou de son Être n’est possible qu’après un long apprentissage de la maîtrise de la « sélection naturelle » faite de « sage liberté » et « d’esclaves passions » posées par les stoïciens. Cette maîtrise nécessite d’acquérir une capacité transgressive de jugement dans la construction de la normalisation de sa personnalité, avec comme ultime rempart son « for intérieur » (conscience) pour ne pas faire aux autres ce que l’on n’aimerait pas qu’ils nous fassent.
Cela paraît si simple à dire que nous pouvons nous demander pourquoi nous ne l’avons pas réalisé ?
C’est ce que nous apprend l’expérience de Milgram.
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