Au fait madame Dati, ça en est où cette histoire du George V ?
Rachida va partir, Rachida est presque déjà partie. Un départ moins glamour que son arrivée... et un brin pitoyable à vrai dire. Comme nous avions assez vite cerné chez elle une certaine absence de talents et une propension a faire jouer avant tout un carnet de relations davantage que ses diplômes, nous allons aujourd’hui saluer son départ comme il se doit, en lui rappelant une affaire qui aurait logiquement dû être traitée durant son règne à la Justice. Or, on constate qu’aujourd’hui cette affaire grave, mettant en jeu des personnes ayant un poids certain en France ne semble pas avoir beaucoup retenu l’attention de notre ministre météore, qui se sera finalement brûlée les ailes en s’approchant trop près de celui qu’elle aura confondu avec le nouveau phare de la nation. Rachida Dati est bien un papillon politique, papillon de nuit dirons les mauvaises langues, et comme tout papillon aura eu une vie fort éphémère. C’est un phalène en définitive, le papillon qui a su s’adapter à son environnement... en mutant. La prochaine mutation européenne de notre ministre étant déjà bien mal entamée, nous devrions la retrouver en simple mère de famille ou en capitaine d’industrie ou d’administration, enfin cela c’est ce qu’elle désire en tout cas. L’avenir nous dira où elle ira papillonner. Mais revenons-en à ses débuts, si vous le voulez bien.
Car qui est donc ce Mr Proglio, pour caricaturer d’autres personnalités politiques ? Henri Proglio, c’est avant tout une carrière comme les aime notre président : ce fils d’épiciers antibois est entré en 1971 à la Compagnie Générale des eaux... et il est toujours, 38 ans après, mais comme PDG. Et sa firme n’est pas rien, elle s’appelle aujourd’hui Veolia Environnement. C’est l’ancien Vivendi, en fait, et ç’est aussi le n°1 mondial des services aux collectivités avec la distribution d’eau, la gestion des déchets, les transports de voyageurs et la fourniture d’énergie. Henri Proglio, c’est le successeur de J2M, les chaussettes raccommodées en prime. Autrement dit, sa firme vit entièrement ou presque grâce aux subsides de l’état ou des municipalités. Sachant en effet qu’en 2004 un baril de pétrole valait 44 dollars, et le baril d’eau minérale était déjà à 225 dollars... on imagine les profits réalisés depuis. A côté, la galaxie Bolloré est de la taille de Pluton ! Il a également été entre temps président de Dalkia, ancienne Générale de Chauffe. Et le soir du 6 mai, notre homme était bien au Fouquet’s, un de ceux qui assistent au sacre de Nicolas Sarkozy. Autrement dit... un proche de notre heureux élu, la réunion, ce soir là étant celle des intimes de la famille, comme l’atteste le reportage de Paris-Match signé Philippe Warrin, l’homme qui quelques jours après allait immortaliser le nouveau président sur son portrait officiel de si piètre facture.
Dans la famille Proglio, il y a Henri, mais il y a aussi son jumeau. René, présenté ainsi dans le monde en juillet 2008 : "René Proglio dirige à Paris la Morgan Stanley, une banque d’affaires américaine de premier plan". La banque a qui l’on doit le krach, en effet, selon tous les observateurs financiers, c’est bien de premier plan ! Voilà qui explique peut-être pourquoi le responsable financier de Veolia a connu en janvier dernier les joies du siège éjectable. "Il participait à l’aventure Veolia depuis huit ans. Mais nous n’avions plus la même approche sur le rôle de la fonction financière", déclare samedi dans le Figaro Henri Proglio à propos de Jérôme Contamine, nous disent des sources spécialisées. Laissant à tout le monde l’impression se servir de Contamine comme de bouc-émissaire. Chez les Proglio, on a peut-être un problème familial sur "le rôle de la fonction financière". Car le bilan est là : l’action Veolia a perdu 70% de sa valeur en une seule année, en 2008. Le krach financier n’explique pas tout. En tout cas, on n’a aucun de problème d’approche sur ce qui est de la vision politique, chez les deux frangins. A l’origine, ils sont bien ici d’une frange dure de la droite, sinon de l’extrême-droite : "ces jumeaux qui se parlent quotidiennement de tout - a je suis son Jiminy Cricket », dit René Proglio ont poussé le mimétisme jusqu’à faire les mêmes études. Ils ont été reçus ensemble à HEC en 1968. Sur le campus, les Proglio se distinguent par leur parti pris politique, façon droite nationaliste. Ils aiment l’ordre, les rapports sociaux carrés et détestent ce Mai-68 de « gauchistes », « cosaques » ou« bolcheviques », en fonction des interlocuteurs" nous dit le Nouvel Observateur. Bigre. Chez d’autres, ça va encore plus loin : "Pour mon service militaire, j’ai demandé à être affecté dans un service secret (eh oui !) de la Marine. Pas de problème, vu que j’étais présentable politiquement, pas un de ces gauchistes. A cette époque-là, je fréquentais l’extrême-droite au sein du groupe Occident, d’où viennent les très respectables Longuet, Madelin, et Devedjian...On m’a reproché aussi d’avoir côtoyé Mégret, Blot et Le Gallou, mais c’était « quand ils étaient encore au RPR et aujourd’hui diabolisés » précise en ce mettant dans la peau du PDG un site fort moqueur.. qui dénigre également les méthodes de vente du groupe : "en PACA, on a fait parmi nos plus beaux coups, comme à Toulon avec Arreckx et Nice avec Médecin. Par exemple, pour réparer le canal de la Vésubie, on a « avancé » le coût des travaux. Au total, on a sorti 374 millions de francs, mais on en a empoché 868 grâce à une taxe sur le m3. Sans compter une surfacturation annuelle estimée à 200 millions d’euros. Merci les abonnés !" Il est vrai que pendant des années, personne n’a vu arriver cette mainmise sur le produit de première nécessité qu’est l’eau. Ni les bénéfices de Veolia.
En politique extérieure, ce n’est guère mieux, surtout au Chili par exemple. Parmi les alliés objectifs d’Henri Proglio figurent Esther Koplowitz, la milliardaire espagnole, et Anne Méaux, la "reine de com", patronne d’Image 7, la femme qui s’est occupée de l’arrivée de Lakshmi Mittal, et qui vient juste de reprendre en mains l’avenir médiatique de... Rachida Dati. Avec une rémunération annuelle de 5,8 millions d’euros (pour 1,1 de salaire fixe), Henri peut bien se l’offrir aussi. Surtout qu’elle vient du GUD, elle, ce qui en fait une voisine d’opinion politique, sinon une consœur en politique. Mais Henri Proglio intervient aussi en politique française tout court : fort récemment, il jouait le monsieur les bons offices de la vente du concept de l’apprentissage, auprès de notre président en mal d’idées pour la jeunesse. Le premier faisant visiter au second son campus Veolia, de Jouy-le-Moutier, présenté sur TF1 comme la septième merveille du monde du travail. Et en profitait aussi pour se faire bombarder chef des armées des jeunes travailleurs, en se faisant confier "une "mission de mobilisation" en termes fort élogieux par le Président de la République : "Henri Proglio, "en qui j’ai une grande confiance et une grande amitié ; Henri Proglio a prouvé qu’il croyait à l’alternance et à l’apprentissage. C’est un grand chef d’entreprise, il va aller convaincre ses pairs, les chefs d’entreprises, de faire la même chose", a-t-il ajouté" nous rapporte le Figaro. A espérer que Proglio ne va pas lui refaire le coup du CPE de Villepin (à lire un peu plus loin) !
Sur la photo de Jouy, on retrouve à défaut d’une connivence, du moins ce qui semble être une pose commune, à défaut d’une admiration commune. Un peu comme au soir du Fouquet’s qui est resté dans toutes les mémoires. A côté de Proglio, ce soir-là, sur une photo, on distingue également la self made woman surmédiatisée du gouvernement, devenue depuis en quatre ans "l’intime des Sarkozy" première formule présidentielle. "Proglio était peu connu du grand public jusqu’à ce 10 mai 2007 où il est propulsé en photo pleine page dans le reportage de « Paris Match » consacré à la soirée présidentielle au Fouquet’s. Lui si modeste et discret figure en gros plan parmi les invités du président ; brun, de taille moyenne, sanglé dans son éternel costume gris. Seul patron du CAC 40 encore présent à la fête à ce moment de la nuit. Les photos révèlent sa proximité avec Rachida Dati, en disent long aussi sur sa relation avec le nouveau président "nous dit le Nouvel Obs.
Ce n’est pas la première fois, en fait, qu’on les retrouvait ensemble : selon certains bien informés, Rachida Dati et Henri Proglio se sont rendus ensemble à plusieurs reprises dans le pays d’origine du père de la première, le Maroc, pour des raisons commerciales... et politiques, Veolia décrochant lors des visites la réalisation des projets d’adduction d’eau et autres menus contrats. Rachida Dati, elle, bien introduite auprès de la cour chérifienne depuis ses débuts avec Charles Pasqua, décrochant du même coup un rendez-vous avec le souverain marocain pour son candidat préféré Nicolas Sarkozy (le 28 mars 2005). Un Sarkozy qui n’en était pas à sa première visite ce jour là dans le royaume. A Marrakech, il aimait d’ailleurs séjourner dans un palace, le Mamounia, comme le raconte un journaliste : « En mars 2005, il a inauguré l’Alliance franco-marocaine d’Essaouira. Il était logé dans ce palace tandis que le reste de la délégation était au Sofitel ». Au Maroc, le président français pouvait tabler sur d’autres personnes encore : Alain Carignon, qui passe aujourd’hui le plus clair de son temps à Marrakech, après avoir bénéficié de 2,9 millions d’euros offerts par la Lyonnaise des Eaux (et avoir fait 3 ans ferme pour ça, sur 5 de condamnation). C’est le juge Courroye , le "redoutable" qui l’avait mis en examen. On croise aussi au Maroc la très influente Paulette Brisepierre, 90 ans, l’ UMP, doyenne du sénat, représentant les Français établis hors de France. C’est la « Reine mondaine » de Marrakech, elle y possède une belle résidence où il lui arrive d’inviter des députés ou d’autres personnes plus showbizz. Marrakech, c’est devenu le lieu des soirées branchées qui attirent tout le monde. Y compris des gens fort peu recommandables. Mais néanmoins propriétaires de riads, eux aussi : "Selon cette source, Patrick Laurent ("un gros bonnet français du grand banditisme") a été interpellé à la terrasse d’un café du centre de Marrakech, une ville où il se rendait semble-t-il souvent. Il disposait d’ailleurs au Maroc d’un patrimoine immobilier “assez substantiel”. Comment un homme fiché au grand banditisme peut-il devenir propriétaire, c’est un des secrets de Marrakech sans doute.
Henri Proglio, lui, a une autre méthode que le simple sourire de Rachida Dati pour se faire introduire dans les affaires marocaines. Une arme fatale, en fait : Michel Roussin, le second de chez Bolloré, né à Rabat, ancien responsable du SCDECE, avec qui il a des liens qui remontent aux années 80. A l’époque, Roussin négociait les contrats d’eau pour le Burkina et le Niger... pour la Générale des Eaux, à laquelle il appartenait aussi. En fait, Henri a des réseaux partout. Comme Nicolas, en fait. Et le Maroc compte dans cet échiquier sarkozien. Et c’est pourquoi aussi on a vu autant Rachida Dati entrer et sortir du palais présidentiel marocain, parfois accompagnée par Alexandre Djouhri, nous dit encore Bakchich le très informé. Un homme chargé surtout de vendre les avions Rafale de Dassault, via un prêt Saoudien, en réponse à l’achat d’avions russes par les algériens. L’idée de communauté méditerranéenne chez Nicolas Sarkozy est celle aussi d’un gigantesque marché d’armement, et non nécessairement d’une simple idée philosophique. Le contrat des Rafales était évalué à 2,5 milliards d’euros. Hélas, il semble bien qu’il soit tombé à l’eau, faute de graissage de patte suffisant. Chez Dassault, on n’a pas encore compris comment vendre des avions, au Maroc ou en Inde, ce que BAE a très bien saisi en revanche. Sarkozy évoquait en campagne l’idée d’un Maghreb "moderne et apaisé" sur l’exemple de l’Europe... tout en armant ouvertement un de ces états, et en attisant le bonne vieille course à l’armement. Et dans cette optique, même la Turquie pourrait intéresser notre nouveau président... via Veolia, avec des marchés à conquérir (et certains déjà conquis). Si tu veux la paix... para bellum... C’est ça, où la guerre économique. Celle de l’eau, bien entendu.
Henri Proglio, en politique, mange à droite et à gauche depuis toujours, selon ses intérêts. On l’a vu avec Fabius, souvent avec Chirac, on le voit aujourd’hui avec Sarkozy. En ce moment, c’est plutôt droite, on s’en doute. Ça ne l’empêche pas de commettre de belles bourdes, comme à propos du CPE. Le gouvernement de Villepin lui ayant demandé un rapport sur l’insertion professionnelle des jeunes (tiens, c’était déjà une "mission de mobilisation" d’avant l’heure) , juste avant la mise en place des CPE, Proglio en avait conclut aux bienfaits du CDI comme "la forme normale d’embauche". Tonnerre à droite, applaudissements à gauche. A se demander si, à l’époque, notre homme n’était pas devenu subitement... anti Villepeniste (et pro-sarkozien, par la même !). Il est vrai que pour tout le monde, la conversion de Proglio au sarkozysme est l’œuvre avant tout de... Rachida Dati, qui l’aurait convaincu d’avoir une réunion en tête à tête avec son mentor (tout ça c’était bien avant sa disgrâce actuelle !).
Si Rachida Dati, enferrée dans ses déboires peut désormais estimer avoir un peu moins d’ambition, Henri Proglio en a à revendre. Et ce ne sont pas les dettes de son groupe, estimées à 13,9 milliards d’euros, soit 150% de ses fonds propres en 2005, qui vont le freiner. En 2006, il souhaitait racheter Vinci, leader en BTP, pour « créer un leader mondial de l’environnement et de l’aménagement du territoire ». Pas moins. L’une a des dettes, mais l’autre a de l’argent frais à récupérer, Vinci étant beaucoup moins endetté (30%). Suffit peut être de réduire l’endettement, de serrer la vis dans le groupe... Pour y arriver, tous les moyens sont bons. Au début, l’équipe dirigeante de Veolia est présentée aux actionnaires comme un "gouvernement d’entreprise". On ne sait s’il y a eu coup d’état depuis, mais le gouvernement a changé depuis avec la brusque éviction dans le Groupe Veolia Environnement, de Eric Marie de Ficquelmont, un homme cumulant jusqu’alors les fonctions de Directeur général et de Directeur des Ressources Humaines. L’homme a été salué pourtant par les syndicats "maison" qui "ont décelé en lui de nombreuses qualités dont celle d’un "fervent partisan du dialogue social". L’homme étant également l’auteur d’un "Que Sais-Je" sur "Le travail temporaire", on ignore si c’est ce qu’il préconisait dans l’entreprise ! Toujours est-il qu’il a été débarqué du jour au lendemain, pour des raisons qu’on ignore. Dès mars 2007, il ré-apparaissait déjà à la tête de Ginger, "groupe d’ingénierie spécialisé dans la construction, l’environnement et les télécoms." Un Veolia bis, plus axé BTP, la division qui manque justement à Veolia. ... On imagine d’ici la tête de Proglio ! Mais à l’auteur d’un ouvrage sur le travail temporaire, il est vrai, le président n’a jamais demandé de rapport... Chez Veolia, aurait-on le limogeage facile dès qu’on s’oppose aux vues de la direction ?
En 2004, alors pas encore versé sarkozien, Henri Proglio était parti en Chine...en mission pour Jacques Chirac en qualité de "Président du comité de parrainage de l’Année de la France en Chine". Un moyen d’allier diplomatie et travaux publics et de récupérer au passage une belle médaille. Mais ça ne lui suffisait pas encore. Suez annonçant souhaiter fusionner avec GDF, tout le monde se doutait de ce qui lui serait demandé en lâchage de lest à Bruxelles : son pôle "déchets et environnement", bien entendu. Proglio est à l’affût depuis le début, la proie est trop belle. Au Sénat, la séance du 12 octobre est plutôt explosive. Un sénateur socialiste, J-P. Bel, a déjà fleuré la couleuvre que l’on tente de faire avaler : "Comment ne pas rappeler que Henri Proglio, P-DG de Veolia Environnement, c’est-à-dire le concurrent direct de Suez sur le marché du traitement des ordures ménagères et des services associés, est à l’origine de la fameuse proposition de fusion GDF-Suez... ? " H.Proglio s’étant en effet rapproché de l’italien Enel pour faire son offre, une suggestion faite par Alain Minc... le conseiller de Nicolas Sarkozy. C’est "Il Giornale", le quotidien du frère de Silvio Berlusconi, qui avait éventé le projet en février 2006. Nicolas Sarkozy en 2004 avait souhaité ne pas descendre en dessous de 70% de la part de l’état : aujourd’hui, ça n’est plus du tout la même chose. A Proglio-Enel, la part "environnement" de Suez, l’affaire était presque jouée. D’autant plus que Veolia bénéficiait depuis peu d’un pion de poids dans l’échiquier gouvernemental, avec la nomination de M.Richard chez Mr Borloo. Quant à l’environnement côté marocain, il ne semble pas non plus avoir été oublié. Le 3 septembre 2007, La fusion avait lieu. Le nouveau PDG s’appelle Gérard Mestrallet, et c’est... l’ennemi juré d’Henri Proglio. Proglio a raté le coche, et l’année suivante s’annonce pour lui...catastrophique. Paris qui lui retire le monopole de la gestion de son eau le 24 novembre 2008 enfonce le clou. La raison : des tarifs bien trop élevés : "selon l’UFC-Que Choisir, le résultat a été un prix de l’eau beaucoup trop élevé. « Veolia et Suez, qui se partagent l’essentiel du marché, réalisent des bénéfices faramineux,dénonce François Carlier, économiste de l’association de consommateurs. Leur taux de marge nette sur chiffre d’affaires oscille entre 26 et 42 %. »
Tout cela, en effet, sans oublier le marché de l’eau... en Afrique, ou au Moyen-Orient, où les appétits sont immenses, le marché français commençant à virer de bord. Et c’est là qu’intervient notre héros du jour, Mohamed Ajroudi, un franco-tunisien avec qui Veolia négociait depuis des mois pour obtenir des marchés au Moyen-Orient, via son propre intermédiaire, Alexandre Djourhi, un milliardaire franco algérien, proche de la famille Delon. Curieux personnage que ce Djourhi. Un homme qui dispose "d’une suite à l’année à l’Hôtel Crillon" (et habite à Genêve !). Fort curieux, même. Mais les "affaires" et les "entretiens" entre nos deux lascars ne vont pas se passer comme d’habitude en ce milieu. Dans leurs "discussions", c’est nouveau pour conclure des contrats, les deux hommes avaient fini par en venir aux mains (au au George-V, devenu ring de catch !). Etonnement : Ajroudi, il faut le dire, n’est pas n’importe qui : c’est le représentant dans le monde du prince Al-Waleed (le neveu du roi d’Arabie Saoudite). On conçoit mieux la taille de l’enjeu (mais on imagine toujours pas un pugilat !). Personne ne se doutait que cela se terminerait ainsi. On en reste tout étonné... Comme en regardant l’organigramme de Veolia Environnement. En troisième position figure "M. Daniel Bouton : 55 ans, nationalité française". Le PDG de la SOCGEN, pas encore dans la tourmente. Et ancien directeur de cabinet d’Alain Juppé. Ce que le monde est petit.
Personne ne s’en doutait, de cette rixe, et encore moins Henri Proglio, qui voyait s’éloigner de belles parts de marché avec un tel fiasco retentissant. C’est Emmanuel Petit, cadre chez Veolia, qui avait organisé la rencontre : il se retrouvait être licencié sur le champ par son patron, plutôt mécontent de la tournure de la rencontre (il n’aimait peut-être pas la boxe, qui sait ?). Pas démonté, Petit avait aussitôt envoyé deux lettres, une au parquet de Paris et une au juge Courroye, dénonçant précisément un pactole de 18 millions de dollars versée par la Sidem, la filliale de Veolia spécialisée dans le dessalement de l’eau de mer pour obtenir le marché. Un dessous de table sonnant et trébuchant, sur lequel Petit avait des détails saisissants. Et dont Courroye détient toujours la teneur, donc. On comprend tout de suite que les révélations du cadre évincé de Veolia sont de la dynamite. C’est alors que les menaces ont commencé à pleuvoir sur ce cadre, rendu responsable de l’échec cuisant. Petits cercueils envoyés ou déposés devant sa porte, appels téléphoniques nocturnes menaçants, croix rouge peine sur la porte, "une mention « t’es mort » sur la fenêtre" la totale. Elles culminaient en juillet 2006, ou Petit se faisait harceler et menacer chez lui, sa propre épouse se faisant même attaquée au cutter par deux hommes encagoulés. Encagoulés, comme celles que le pouvoir actuel déteste tant ?
L’histoire sent le soufre en effet. Libération se serait fait parait-il condamner par Alexandre Djouhri pour diffamation pour son article du 8 décembre 2004 relatant les premiers faits du George V (Libé à franchement chargé le personnage). Mais pas à propos de l’article ravageur du 11 juillet 2006 expliquant en détail le harcèlement qu’avait subi toute la famille de Petit. Qui avait porté plainte en 2005 pour menaces de mort, plainte finalement classée sans suite. Le harcèlement s’était estompé. Lors du dépôt de sa deuxième plainte pour versement du bakchich monumental, le même harcèlement avait repris. L’article de 2006 de Libération en ce sens, reste comme un exemple de journalisme d’investigation, en précisant toutes les avanies qui ont été faites au cadre évincé. Et évidemment, des suites judiciaires se sont mises en place avec les révélations gravissimes de Petit : le 13 octobre 2007, le siège de Veolia est perquisitionné, les enquêteurs cherchant des traces de commissions occultes versées à Abou Dhabi, comme le clamait si fort Petit. Là encore, des menaces réapparaissent : "A la mi-juin, des policiers enquêteurs perquisitionnent chez Veolia. « Même pas peur du capitaine », ironise un dernier message anonyme avant l’arrivée des deux encagoulés maniant le cutter" écrit Libération. On imagine bien qui pourrait menacer de la sorte...au vu de ce qui s’est passé avant. L’affaire sent bien le soufre, avec à la base cet homme dont Bakchich avait retrouvé d’autres hauts faits d’armes, documents de police à l’appui, sans se faire poursuivre cette fois. Entre temps, il est vrai, note Wikipedia, "Alexandre Djouhri accompagne le président de la République dans ses voyages officiels en Arabie saoudite où se négocient d’importants contrats de sécurité, comme le contrat Miksa." Djouhri est meilleur vendeur que Serge Dassault, donc, en conclura-t-on un peu rapidement. Et réussirait avec le président là où il a échoué pour Proglio. En fait, le contrat Miksa (pour Ministry interior of Kingdom of Saudi Arabia), après 15 ans de négociation n’avait toujours pas été signé début 2009... jusqu’au 19 mars dernier seulement, ou EADS a (enfin) remporté la première tranche du contrat dont les discussions avaient commencé en 1994... battant sur le fil l’américain Raytheon. Les français viennent de remporter le projet "pour protéger le royaume saoudien du « chaos irakien » et de la « menace chiite safavide »". Quelle part réelle Alexandre Djouhri a joué dans la négociation, nul ne le sait. Combien a-t-il touché de commissions, encore moins.
L’article de Libération du 18 décembre 2004 et surtout celui du 11 juillet 2006 ont fait l’effet d’une bombe, et d’une belle bombe... a retardement, car outre Proglio et Ajroudi, d’autres personnes étaient apparues dans le dossier, dont Alain Marsaud, qui a servi d’intermédiaire dans l’affaire, un vieil ami de ce bon Charles (Pasqua). Mais des lecteurs plus attentifs que d’autres ont relevé d’autres noms dans ce méli-mélo se terminant en ring de boxe. "Cet article est très instructif à plusieurs titres. Entre autres, l’abîme entre la perspective de l’eau comme bien public mondial et les bas-fonds de la grande corruption. On retrouve dans cette affaire Yazid Sabeg, président de la Compagnie des signaux, mêlée à l’Angolagate et aux ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Et le député Marsaud, qui vient de cautionner la fraude électorale en Ukraine : cet ancien magistrat a l’air désormais particulièrement « dessalé », note le site suisse bien informé "Paradis fiscaux et judiciaires". Ouh là, on s’enfonce dans pire encore là. Une affaire dans l’affaire ? En quelque sorte, et c’est ce que cherchait à démêler un autre juge, le juge Marc Brisset-Foucault, qui avait déclenché un tsunami judiciaire voici neuf ans en allant perquisitionner chez la société Communication et Systèmes (CS, ex-Compagnie des Signaux). "C’est que CS est une firme spéciale, où ont "pantouflé" d’anciens hauts responsables de la DST (Raymond Nart et son adjoint Jacky Debain), ainsi qu’un brillant stratège du Secrétariat général de la Défense nationale, le général Claude Mouton. Sous la houlette d’un ancien du groupe Bolloré, Yazid Sabeg". Neuf années après, plus de traces de l’enquête, et l’individu cité est aussi devenu... conseiller Sarkozyste, chargé de l’intégration et de la lutte contre les discrininations. Mais personne dans la presse ne lui a rappelé sa carrière chez Communications et Systèmes, qui vendait des moyens d’écoute à la dictature angolaise, le pays où un milliard de dollars s’évanouissent chaque année. Un Sabeg venu lui aussi en renfort de Veolia à l’époque de l’affaire du George V : "Yazid Sabeg, président de la Compagnie des signaux, arrive en renfort pour narrer à Veolia sa propre expérience : en 1995, lors de la vente de frégates à l’Arabie Saoudite, Ajroudi l’aurait « harcelé » en sa qualité de « représentant du prince-gouverneur Al-Walid », semblant faire référence au plus célèbre des neveux du roi (actionnaire du George-V, d’Eurodisney et de la Citybank) pour monnayer son intervention. Il l’aurait menacé en ces termes : « En Arabie Saoudite, on sait couper les têtes. » Comme le note le site, "curieusement, Sabeg avait embarqué Djourhi dans sa voiture à l’issue du déjeuner à l’Assemblée". Ces deux-là se connaissent parfaitement, visiblement. Et nous, nous apprenons ce qu’on entend par "discussions commerciales" entre ténors de l’industrie mondiale ou leurs représentants !
"L’affaire originale du George V se passait en novembre 2004. Il y a bientôt cinq ans maintenant ! La plainte déposée par le cadre de Veolia, avec constitution de partie civile, obligeant le doyen des juges d’instruction à ouvrir une information judiciaire, a été reçue en mars 2006. Et c’est là où nos deux héros de départ se retrouvent. L’enquête sur les événements du Georges V, à cette heure, doit être close depuis plusieurs mois, logiquement. Voire plus d’une année. Ou alors c’est à désespérer des lenteurs de la justice. La "position du commissionnaire" Djouhri a été disséquée en détail par au moins deux juges. Et le renvoi vers un procès semble bien s’éterniser. Aïe, c’est Henri Proglio qui serait amené à témoigner... et il aurait donc dû l’être par une convocation du parquet... chapeauté par une ministre de la justice "symbole de la France"... et amie avec un conseiller assez particulier, boxeur de salon à ces heures... directement impliqué dans l’histoire. Un conseiller dont le certificat de bonne conduite, il est vrai, a été signé en 2005 par Bernard Squarcini (dont on connaissait les liens avec Nicolas Sarkozy et qui a été nommé par lui à la tête des nouveaux renseignements), mais un homme néanmoins renvoyé devant le tribunal de police pour coups et blessures (au Georges V, on le rappelle !). En avril 2007 pourtant, nous rappelle le génial Rimbus, une réunion fort surprenante avait eu lieue : "En avril, Bernard Squarcini, grand flic d’obédience sarkozyste, a organisé un rendez-vous entre Alexandre Djouhri et Nicolas Sarkozy, en présence de son directeur de cabinet Claude Guéant. Selon Intelligence Online, qui avait révélé cet entretien « secret » dans un palace parisien..." Qu’ont-ils bien pu se dire ? Parler de la surveillance électronique des frontières des Emirats ? De la longueur des câbles électriques à mettre ?
Pour l’aider à démêler l’écheveau, ou oublier ses liaisons dangereuses, voire faire un peu moins désordre, Rachida Dati aura bénéficié durant tout son passage météoritique au ministère des lumières de Patrick Ouart, l’homme qui dirige en fait en réalité le ministère, personne n’en n’a jamais fait mystère. Manque de chance, l’homme, un ancien conseiller de Balladur, était au conseil d’administration de LVMH (il doit encore y être !) et c’est un ancien de Suez, et il a été également mis en examen... en Belgique, en 2006, pour une tentative d’intrusion chez le concurrent de Suez, Electrabel. "Dans la soirée du 19 février 2004, M. Hansen, muni de son badge, avait ouvert les portes d’Electrabel à deux informaticiens venus de Lyon et à un ancien agent secret français devenu patron d’une société de sécurité, recruté par Olivier Foll, ancien directeur de la police judiciaire parisienne et consultant de Suez" nous dit La Libre.be. Mais là, pareil, on n’a plus eu aucune nouvelle depuis de ses démêlés hors des frontières avant le 9 janvier 2008, date à laquelle notre homme a été rendu responsable d’intrusion et de "hacking". Mais la justice belge a étrangement "suspendu" cette condamnation... "suspendu", terme juridique belge assez amusant. Vérité en deça des Pyrénées...
Rachida-la-météore a-t-elle enterré le beau dossier Proglio et tout ce qui s’y rattache de sulfureux ? Pour quelle raison ? Elle qui, il est vrai, a travaillé pour Veolia, et pour qui travaillent encore ses sœurs, comme je l’avais indiqué ici-même dès novembre 2007 : "Revenons en 1994 : entre-temps elle est passée également au "secrétariat général du bureau d’études sur le développement urbain" à la Lyonnaise des eaux, où elle se lie étroitement avec Henri Proglio, le PDG de Veolia Environnement (ex- Vivendi), deux des sœurs de Rachida Dati travaillent par ailleurs chez Véolia, ce qui expliquerait le pourquoi de cet atterrissage "lyonnais", à moins que les sœurs ne soient arrivées après, ce que l’histoire ne dit pas." Enterré, donc, le dossier de l’homme qui avait anéanti le CPE alors qu’on lui demandait de le défendre, récemment nommé nouvel envoyé spécial au travail des jeunes (en CDI, pour sûr, c’est le nouveau Mr Alternance !) et qui a sur les bras un dossier de licenciement embarrassant, celui d’un cadre ayant révélé un graissage de patte à 18 millions de dollars au sein de son entreprise ? Il est des soirées au Fouquet’s qu’on ne peut oublier, sans doute...
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