Au fond, l’homme n’est pas très bon
La méchanceté est un caractère essentiel à l'homme. Après l'avoir créé, dieu dut émettre en urgence le patch 1.0 , les commandements, pour corriger les grossières erreurs de conception. Les lois n'y changent rien, dès que la civilisation s'estompe, il revient à l'état de nature. Cette petite réflexion est partie de la lecture d'un article sur l'abandon des chiens avant la période estivale.

L’homme est bon
C’est marrant comme certaines idées peuvent parfois contre toute évidence devenir virales. C’est un peu comme si le principe de l’ « inception », du film éponyme, était appliqué à certains peuples. Si ces peuples étaient des ordinateurs, alors ce type d’idées ferait partie de leur « bios », la partie qui ne disparait jamais, même après avoir formaté le disque dur. L’une de ces idées profondément ancrées dans l’imaginaire collectif tout au moins occidental est que l’homme est bon. Cela nous ramène à nos racines religieuses, au mythe du bon sauvage, Rousseau… Mais l’homme est-il naturellement bon ? Sacré pari lorsqu’on se trouve face à un gaillard de 120 kg dans une ruelle sombre. Certains me rétorqueront qu’il s’agit d’une considération statistique et que les exactions sont largement compensées par les bonnes actions et que donc, en moyenne, l’homme est bon. Facile à dire quand on n’est pas dans la ruelle. Je crains de doucher leur enthousiasme en affirmant ici que l’homme en tant qu’individu n’est non seulement pas bon mais qu’en plus, en groupe, il lui arrive d’être stupide.
Dieu, le grand programmeur, aurait créé l’homme. Il ne devait pas être très content du résultat puisque quelque temps plus tard, il dû remettre le patch 1.0 à Moise, les commandements censés corriger quelques défauts naturels qui en disent long sur les penchants naturel de la créature : tu ne tueras point ; tu ne commettras point d’adultère ; tu ne déroberas point ; tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain ; tu ne convoiteras point la maison, la femme, le serviteur, le bœuf, l’âne ni aucune chose qui appartient à ton prochain. Si l’homme était naturellement bon, serait-il nécessaire de préciser que toutes ces choses horribles sont interdites ?
Mais il y a pire encore. Puisque les commandements n’ont pas suffi, il a fallu créer des lois et des traités pour brider les penchants naturels de l’homme. Ceux qui doutent encore de la nature humaine devraient peut-être prendre connaissance de la « convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », ils y perdraient probablement une partie de leurs illusions sur la nature humaine. Ceux qui ont réponse à tout me diront que la civilisation constitue un rempart contre la barbarie qui ne concerne plus que les marges de la société. A cela, je réponds que là n’est pas l’objet puisqu’il est ici question de l’homme en tant qu’individu et non pas au sein d’un groupe mais que rien n’est plus inquiétant que cette idée de ce rempart civilisationnel car cela signifie que son écroulement ouvre grand les vannes des mauvais penchants.
Ceux qui ont connu la guerre le confirmeront, ils sont revenus effrayé de cette image de l’homme qu’ils y ont trouvé. Les mots qu’ils emploient sont inhumanité, horreur, souffrance, folie, laideur. Les œuvres d’Otto Dix témoignent de tout cela à la fois. Les récits guerriers valorisent les comportements héroïques mais combien d’horreur pour un seul acte de bravoure ? Et l’on voit bien que la bête immonde, tapie au fond de nous-même, enfouie sous les couches de bons sentiments est toujours présente. En société la plupart des hommes cherchent à conserver la reconnaissance de leurs pairs. Si cette reconnaissance passe par le meurtre, meurtres il y aura. Paul Valery disait de la guerre « La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. ». Pourtant, la plupart de ces gens connaissent les commandements ; ils étaient probablement de braves pères de famille, d’honnêtes travailleurs. Mais ils massacrent sans état d’âme au nom d’une cause qui les dépasse. Cette absence de mauvaise conscience n’est-elle pas la preuve du mauvais fond de l’homme ?
Et puis l’homme est stupide en société. Il suffit de considérer l’effet que produit l’appartenance à une bande. Certains groupes de personnes, les gangs, par exemple, ont parfois des épreuves initiatiques, qui ont pour fonction de flasher le bios comme disent les informaticiens. Il s’agit de transcender un tabou pour faire partie de la bande : voler un objet, tuer quelqu’un... Là aussi l’imagination de l’homme est sans limite. Mais ce qui est valable à l’échelle des gangs l’est également à l’échelle des états. L’enchainement presque automatique qui mena à la première guerre mondiale et aux massacres les plus inhumains de l’histoire de l’humanité montre s’il en était besoin que non seulement la civilisation ne protège pas de la barbarie mais que mal programmée, elle peut y mener directement. Faire partie d’une bande, d’un groupe, c’est accepter de faire sien le système de valeur du groupe. Si le groupe est bon, l’homme est bon ; si le groupe est méchant, l’homme est méchant.
Toute cette réflexion est partie d’un article affligeant que je lisais dans la presse belge sur les abandons d’animaux avant l’été. Certaines personnes les laissent dans des conteneurs à journaux avant de partir en vacances. Les commentaires de l’article proposaient de faire subir le même sort aux propriétaires, voire de les punir de la peine de mort pour leurs actes…inhumain. Qu’est-ce qui est plus inhumain ? Abandonner un chien ou tuer un homme ? Peut-on au nom des bons sentiments réclamer la tête de quelqu’un ? Caricatural, certes, mais révélateur de cette nature profonde, toujours prête à rejaillir dès qu’elle perçoit un trou dans la cuirasse, une forme de consensus sur une question taboue, lorsque la peur du qu’en dira-t-on s’estompe. C’est peut-être cela la civilisation, la peur du regard des autres, le besoin d’appartenir au groupe. Et lorsque le bios de ce groupe est orienté positivement, alors l’homme est bon mais si une idée vient à pénétrer ce bios, une idée comme celle par exemple consistant à déshumaniser une catégorie de population, à légitimer un type d’action, alors l’idée se repend, elle infuse et un jour, lorsque l’opportunité se présente, lorsque la civilisation faiblit, un tabou tombe et c’est reparti pour un massacre ethnique, une épuration, des tortures….
La conclusion ? C’est qu’il y une chose sur laquelle on peut toujours parier lorsqu’on veut prédire le futur, c’est le caractère de l’homme. Ce caractère est fondamentalement mauvais. Aux travers mentionnés dans les commandements remis à Moise, il faudrait rajouter la cupidité, l’arrogance, l’orgueil, le ressentiment (ce poison de l’âme) et puis aussi, dans sa grande majorité la stupidité. Parce que l’homme est fondamentalement stupide, pas par conception mais par paresse. Plutôt que de rechercher la vérité, il préfère perdre son temps à des occupations absurdes et s’en remettre à d’autres illuminés qu’il allait jadis écouter le dimanche matin et qui rentrent désormais directement dans son foyer grâce à la télé. La complexité supposée du monde est le prétexte d’une passivité toute panurgienne qui l’amène à hurler sans discernement avec les loups, condamner sans chercher à savoir, ne pas remettre en cause les « inceptions » qu’on lui sert. En fait, l'homme est foncièrement mauvais.
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