« Au nom d’une certaine idée du socialisme »
Ségolène Royal, Martine Aubry et Benoît Hamon sont en lutte pour devenir premier secrétaire du Parti Socialiste. Mais dans une France qui vote naturellement à droite, quel espoir reste-t-il aujourd’hui au Parti Socialiste ? Quelles leçons à tirer des défaites successives aux élections présidentielles de 1995, 2002 et 2007 ? Qui peut vraiment tirer la gauche vers le haut ?

Analyse depuis 1974
La gauche n’a jamais réussi, dans l’histoire de la Cinquième République, à dépasser la droite en nombre de voix au premier tour.
Ainsi, si l’on analyse les chiffres à partir de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, en 1974, on peut constater que la somme des voix de la droite est à chaque fois supérieure aux voix de la gauche.
En 1974, malgré l’excellent score de François Mitterrand (43.25%), les candidats de la droite (Giscard d’Estaing, Chaban-Delmas, Royer, Le Pen, Renouvin...) totalisent au moins 52% des voix contre 48% pour la gauche (Mitterrand, Laguiller, Dumont, Krivine...). Le deuxième tour confirmera cette domination, avec l’élection de Valéry Giscard d’Estaing.
En 1981, avec 47% des voix, la gauche (Mitterrand, Marchais, Laguiller...) est encore derrière les 49% de la droite (Giscard d’Estaing, Chirac, Debré) car Brice Lalonde refuse de donner une consigne de vote. Pourtant, c’est Mitterrand qui sera élu au second tour, en grande partie du fait de l’impopularité du président alors en exercice Valéry Giscard d’Estaing.
En 1988, les candidats que l’on classera à droite (Chirac, Barre, Le Pen...) obtiennent au premier tour 51% des suffrages contre 49% à la gauche de Lajoinie, Waechter et du président sortant, François Mitterrand, qui sera réélu grâce aux divisions de la droite.
Lors de l’élection de 1995, la victoire des partis de droite est sans appel (60% des suffrages pour Chirac, Balladur, Le Pen ou de Villiers) face à une gauche très affaiblie (Jospin, Hue, Laguiller, Voynet...).
En 2002, la gauche ne totalise que 42% des voix, et en 2007 37% contre 44% pour la droite (si l’on admet que François Bayrou n’était ni de gauche ni de droite).
Des raisons d’espérer
Devant ce bilan il est vrai peu flatteur pour la gauche française, et alors que le président de la République Nicolas Sarkozy remonte dans les sondages, on peut se demander, finalement, si l’agitation du Congrès de Reims, et le vote qui va suivre pour désigner le premier secrétaire du Parti Socialiste -et probable candidat à l’élection présidentielle de 2012- , auront eu une grande utilité.
Toutefois, on l’a vu, aux élections de 1974, 1981, et 1988, le score de la gauche fut somme toute honorable, et François Mitterrand l’emporta à deux reprises.
François Mitterrand, qui n’a jamais renoncé à son ancrage à gauche, est le seul qui a pu, grâce à ses convictions, s’imposer et imposer la gauche à une France qui votait habituellement à droite.
D’où une première leçon à tirer : il ne faut pas suivre la droite pour gagner.
Car il est évident que la chance du Parti Socialiste et de la gauche en général, aujourd’hui, c’est que la droite gouverne, et qu’elle gouverne mal.
Or si la politique de la droite est impopulaire, ce n’est pas en courant après elle que les socialistes gagneront la confiance du peuple de France.
La gauche, pour gagner, et elle peut encore le faire, ne devra pas s’éloigner de ses principes.
Lors de l’élection présidentielle de 1995, la gauche ne réitéra pas ses exploits de 1981 et de 1988 parce que leur protagoniste principal, François Mitterrand, avait déçu les Français.
D’où une deuxième leçon à tirer : il ne suffit pas d’avoir des principes de gauche, encore faut-il les appliquer.
Lors de l’élection présidentielle de 2002, Lionel Jospin avait, en tant que premier ministre, un bilan tout à fait estimable. Mais les accusations malveillantes de la droite, l’éparpillement de la gauche, l’aspect brouillé de sa campagne, eurent raison de lui. Trop fragile.
D’où un troisième enseignement : rigueur et fermeté, cohérence et unité sont des qualités requises pour accéder à la plus haute fonction.
Enfin, en 2007, les raisons principales de la défaite de Ségolène Royal, au-delà de son manque d’expérience, furent le manque d’unité du parti et le caractère troublant de certaines idées personnelles de la candidate.
Perspectives d’avenir
Jeudi, nous connaîtrons peut-être le nom du prochain premier secrétaire du Parti Socialiste.
Nous connaîtrons peut-être le nom de celui qui sera en position de battre Nicolas Sarkozy.
En effet, si la gauche veut s’imposer, c’est maintenant qu’elle doit s’y prendre, d’où l’importance de désigner d’emblée le candidat à l’élection présidentielle de 2012 : une non-désignation contribuerait à affaiblir encore le parti, et serait hypocrite. D’autre part, le candidat investi aura le temps de montrer ses qualités et sa légitimité à se présenter devant les Français (n’oublions pas que M. Nicolas Sarkozy était président de l’UMP depuis le 28 novembre 2004).
Trois qualités nous paraissent requises pour avoir de sérieuses chances de remporter l’élection présidentielle de 2012 :
l’attachement aux valeurs de gauche
- Ségolène Royal a souvent été accusée d’avoir eu des déclarations pour le moins troublantes comme : « Chez nous, le social et le national marchent ensemble, et c’est l’Etat qui est garant de leur alliance ».
- Martine Aubry n’a pas grand-chose à se reprocher sur ce point. Si ce n’est le récent soutien de Bertrand Delanoë à sa candidature, Bertrand Delanoë qui se disait récemment "social et libéral".
- Benoît Hamon, lui, appartient à l’aile gauche du Parti Socialiste, ancien co-fondateur du Nouveau Parti Socialiste.
la cohérence
Le problème est celui d’une alliance possible avec le MoDem de François Bayrou.
- Ségolène Royal l’a récemment déclaré : "Il y aura une consultation directe des militants du PS" sur cette question.
- Martine Aubry, quant à elle, a fait alliance avec le MoDem au deuxième tour des élections municipales à Lille.
- Enfin, Benoît Hamon a affirmé : "Le MoDem ne sera jamais un partenaire du PS".
la démocratie
-Durant sa campagne à l’élection présidentielle de 2007, Ségolène Royal s’est prononcée pour un référendum sur le traité simplifié de Lisbonne, finalement validé par l’Assemblée, sans son opposition cette fois.
- Martine Aubry ne s’est pas prononcée sur ce sujet d’importance pourtant capitale.
- Benoît Hamon, face à la décision du PS de soutenir le traité modificatif européen lors de la procédure d’adoption parlementaire, a démissionné de son poste de secrétaire national, s’étant lui aussi prononcé pour un référendum.
Nous ne le nierons pas, notre préférence va à M. Benoît Hamon.
Mme Martine Aubry, même si elle a pour elle un bilan satisfaisant au ministère de l’emploi, n’a plus aujourd’hui de légitimité nationale, s’étant surtout consacrée à la gestion de la mairie de Lille. D’autre part, ses soutiens, très hétéroclites (Strauss-Kahn, Fabius, Montebourg, etc...) ne donnent pas une idée claire de ses réelles convictions.
Mme Ségolène Royal a déjà fait la preuve de ses insuffisances. Ensuite, il n’est pas sain de se servir du Parti Socialiste pour satisfaire ses ambitions personnelles, ni d’ailleurs de mêler politique et clowneries, ou encore componction et extase mystique.
M. Hamon est un homme neuf. Député européen et aguerri aux questions internationales, il représente l’avenir de la gauche, d’une gauche qui s’assume comme telle.
Bertrand Delanoë, il y a quelques semaines encore favori pour le poste de premier secrétaire, a appelé lundi les militants à voter pour Martine Aubry "au nom d’une certaine idée du socialisme".
C’est au nom de la France que nous soutenons Benoît Hamon. Car la droite peut perdre l’élection présidentielle de 2012, mais seulement si elle a en face d’elle une gauche fière de ses valeurs, et qui ne court pas après elle.
Cette gauche, Benoît Hamon semble aujourd’hui l’incarner. Et il l’incarnera demain, espérons-le, à la tête du Parti Socialiste.
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