Au sujet de Taisey, antique Tasiacum, actuel bourg de Saint-Rémy, qui pourrait être une autre Alésia...
Lettre ouverte à M. le président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Chalon-sur-Saône,
Monsieur le Président, bonjour,
Suite à votre lettre en date du 10 Novembre 1995 dans laquelle vous avez écrit que " mon approche de l’histoire n’est absolument pas partagée par les membres de la Société d’Histoire et d’Archéologie, qui sont obligés de se désolidariser de ma démarche ", j’ai quitté la société tout en restant en bons termes avec ses membres mais avec la promesse d’un débat. J’attends toujours que vous m'apportiez la contre-argumentation promise.
À Taisey, sur la colline qui domine Chalon-sur-Saône, là où se dresse une tour ancienne, dans le parc d'un château du XVIIème siècle, la légende court depuis longtemps qu'un trésor s'y trouverait enfoui. Et c'est bien par un miraculeux hasard qu'en fauchant quelques herbes folles, j'ai heurté une pierre sculptée qui éffleurait à peine du sol, révélant un fossé de défense. Il m'a été ensuite assez facile, à l'aide de l'ancien cadastre, de retrouver le plan de l'ancienne forteresse. Fabuleuse découverte et pourtant fort mal reçue par votre société d'histoire et d'archéologie qui voyait sa ville des bords de Saône dépossédée quant à son antique origine au profit d'un Cabillodunum installé sur la hauteur voisine.
Mais reprenons l'histoire à son début. En Europe, 10 000 ans avant notre ère, à la fin de la dernière ère glaciaire, le climat s’adoucit permettant un mouvement migratoire est-ouest. À partir de -7 000 ans apparaissent progressivement la culture des céréales, l'élevage, la métallurgie et de nouvelles techniques artisanales. Les premiers villages font leur apparition. Au IV ème millénaire avant J.C., Chassey-le-Camp, proche de Chalon-sur-Saône, témoigne d'une occupation suivie en livrant de nombreux vestiges.
Pourquoi Chassey-le-Camp sur cette croupe rocailleuse, dans une région manifestement infertile ? L'ancien militaire que je suis plaide l'évidence. Il ne peut s'agir que d'un site militaire qui commande l'entrée du couloir de la Dheune. Et si ce site commande cette entrée, c'est qu'il existait, en retrait, un pagus où se pratiquait un élevage et une culture protégés. Au centre de ce pagus, une position crève les yeux par ses avantages défensifs et d'observation : le horst de Mont-Saint-Vincent, là où je place le site de Bibracte.
Or, si un pagus déjà militairement organisé existait autour de Mont-Saint-Vincent, c'est qu'il devait en exister forcément un autre au bord de la Saône dans la riche région de Chalon ; mais autour de quelle position ? Je ne vois que la colline de Taisey, une colline d'où l'on découvre un vaste horizon de terres fertiles jusqu'à une Saône poissonneuse au cours tranquille qui s'étale.
Tasiacum, de Thesaurus trésor, bourg de Taisey, répond à toutes les conditions pour être l'Alésia, métropole de la Celtique, dont Diodore de Sicile évoque la fondation par Héraklès.
Il s'agit, bien sûr, de l'Héraklès phénicien, autrement dit d'une colonisation phénicienne partie de Tyr. Après un long périple, Héraklès revenait d'Espagne. En toute logique, le héros a remonté le cours du Rhône, puis celui de la Saône jusqu'à l'endroit où elle bifurque. Il a trouvé là, sur la colline de Taisey dominant la Saône, en surveillance de la voie terrestre qui la longe, une position centrale, favorable pour l'emplacement d'une capitale. Lieu de la bataille de César, Alise-Sainte-Reine est loin de présenter les mêmes avantages.
On raconte qu'autrefois, un roi fameux de la Celtique avait une fille d'une taille et d'une beauté extraordinaires. Cette princesse, que ces avantages rendaient très fière, ne jugea digne d'elle aucun de ceux qui la recherchaient. Hercule, qui faisait la guerre à Géryon, s'était pour lors arrêté dans la Celtique, où il bâtissait la ville d'Alésia. La princesse ayant vu que ce Héros surpassait le commun des hommes, autant par la noblesse de sa figure et par la grandeur de sa taille que par ton courage, elle fut éprise d'un violent amour pour lui et ses parents y consentant avec joie, elle reçut Hercule dans son lit. De cette union naquit un fils nommé Galatès, qui fut supérieur à tous les habitants de ce pays par sa force et par ses vertus. Quand il eut atteint l'âge d'homme, il monta sur le trône de ses pères. Il augmenta son royaume de plusieurs états voisins et il s'acquit beaucoup de réputation à la guerre. Enfin, il donna à ses sujets le nom de Galates et au pays de sa domination celui de Galatie ou de Gaule. Diodore de Sicile. Histoire universelle, Livre V, XXIV, traduction Abbé Terrasson.
Hercule donna le royaume des Ibères aux plus vertueux des indigènes. Quant à lui il se mit à la tête de son armée, et pénétra dans la Celtique ; parcourant toute cette contrée, il abolit des coutumes sauvages, et entre autres celle de tuer les étrangers. Comme son armée se composait de volontaires accourus de toutes les nations, il fonda une ville qu'il appela Alésia, nom tiré des longues courses de ses troupes. Un grand nombre d'indigènes vinrent s'y établir, et comme ils étaient plus nombreux que les autres habitants, il arriva que toute la population adopta les moeurs des Barbares. Cette ville est, jusqu'à nos jours, en honneur parmi les Celtes, qui la regardent comme le foyer et la métropole de toute la Celtique. Elle est demeurée libre et imprenable depuis Hercule jusqu'à nos jours. Mais enfin, Gaius César, divinisé pour la grandeur de ses exploits, la prit d'assaut, et la soumit avec le reste de la Celtique à la puissance des Romains. Diodore de Sicile. Bibliothèque historique, livre IV, XIX, traduction F. Hoefer.
Ces deux textes font une nette distinction entre les indigènes (les descendants des chasseurs-cueuilleurs-pêcheurs qui se sont multipliés ?) et les colons phéniciens. Les indigènes sont nombreux. Ils submergent par leur nombre les colons forcément en petit nombre mais, tout en conservant leurs moeurs barbares, ils vont continuer l'histoire du site jusqu'à en faire la métropole de la Celtique. Cet afflux de population indigène ne s'explique pas vers une Bibracte/Mt-St-Vincent située en zone montagneuse aux possibilités d'expansion limitées, mais dans la cuvette de Chalon, oui.
Vers 500 av.J.C., Hécatée de Millet est le premier historien à parler des Celtes. Evoquant notre région "barbare", il ne cite que trois villes : Narbonne, Marseille qu’il situe en Ligurie et, au-delà de Marseille, Nuerax, habitée par les Celtes. Au bout du couloir Rhône/Saône, Nuerax - nue arx- la nouvelle forteresse, ce ne peut être que celle qui se dressait sur la colline de Taisey et dont il ne reste plus qu'une tour. Hécatée en fait la ville des Celtes - en grec "Keltoï" mot très proche de Kaldaï "Chaldéens". Chaldéens ou Phéniciens, il y a concordance. Taisey aurait donc été fondée par les Phéniciens/Chaldéens. Nos ancêtres celtes seraient des Chaldéens venus du pays de Canaan.
Au Ier siècle avant J.C., Strabon caractérise le pays éduen en qualifiant Cabillynum de cité et Bibracte/Mt-St-Vincent de forteresse. Cabillynum, alias Cabillodunum, ce ne peut être que Taisey, Tasiacum, et en aucun cas la ville de Chalon des bords de Saône qui n'a été entourée d'un rempart qu'au III ème siècle.
Où situez-vous l'oppidum fortifié à l'intérieur duquel, selon César, les marchands romains et le tribun Aristius s'étaient réfugiés alors que la ville de Chalon n'était pas encore entourée d'une enceinte ? (DBG VII, 42-43).
En 177, les Actes de saint Marcel nous disent que le martyr fut conduit au sanctuaire d'Amon, au pays d'Argentomagus. Ce sanctuaire d'Argentomagus - marché de l'argent - ce ne peut être que le castrum de Taisey, de thesaurus, trésor. L'Argentomagus mentionné par la notitia dignitatum pour y héberger une fabrique d'armement du pays éduen, c'est Taisey.
Rebaptisée castrum romain, la forteresse passera ensuite aux Burgondes du roi Gontran, puis aux Francs, puis aux comtes. Dans les années 1100 - 1200, elle figure dans le sceau de Guillaume des Barres, comte de Chalon.
Comment ne pas y reconnaître la tour de Taisey, au centre et dominant l'ensemble ?
Taisey, plaque tournante des voies de l'étain.
À l'époque de l'âge du bronze, Chypre était aux mains des Phéniciens et s'appelait Alashiya. Point de départ logique des voies de l'étain et point de retour, il n'est pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour comprendre qu'elle a donné son nom à certaines stations. Le marchand naviguait jusqu'à Marseille, remontait le Rhône et la Saône, s'arrêtait à Cabillodunum - l'Alésia de Diodore de Sicile ? - remontait jusqu'à Aluze, autre Alésia - voir croquis n°2 - puis s'engageait dans la vallée luxuriante de la Cosane pour rejoindre, par la Brenne, Alise-Sainte-Reine, l'Alésia des Mandubiens, lieu de la bataille de César... et ainsi de suite jusqu'à la (Grande) Bretagne et à ses mines d'étain. La voie empierrée du défilé d'Agneux est un indice archéologique incontournable du passage de la voie primitive avec son poste de péage et de protection qui la surplombe. Le voyageur pouvait aussi, après avoir franchi le défilé d'Agneux, redescendre la Dheune pour rejoindre la voie de la Loire. Le Δοῦβις/Δούβιος/Doubios dont parle Strabon n'est évidemment pas le Dubis/Doubs de César mais la Dheune. Quand l'auteur grec écrit que le pays éduen se trouvait entre l'Arar/la Saône et le Doubios/Dheune, il ne faut pas traduire "entre La Saône et le Doubs", ce qui est absurde, mais entre la Dheune et la Saône. Et cela signifie, par ailleurs, que sa capitale, la fameuse Bibracte, ne pouvait pas être le mont Beuvray qui se trouve au-delà, mais le Mont-Saint-Vincent.
Il est absolument scandaleux que la Société d'Histoire et d'Archéologie de la ville de Chalon n'ait pas dénoncé ces graves erreurs concernant la localisation de Bibracte et de Cabillodunum alors qu'elle en a été dûment informée par mes causeries et mes écrits.
Du Taisey gaulois à la ville juive de Chalon.
Lors des dernières journées du patrimoine, j'ai présenté une étonnante plaque de cheminée, chef-d'oeuvre d'un art chalonnais du IIème siècle après J.C.. On y voit le jeune empereur Salonin rendant la justice à l'image du roi Salomon. Il s'agit bien de Salonin, tel qu'il est représenté sur ses médailles avec sa couronne caractéristique. La tour de Taisey est représentée, à droite, mais dans un projet d'embellisement. Au centre de la scène, on y voit un temple en projet. Il s'agit de la future cathédrale, dans le style du temple d'Hérode, un temple dont le rhéteur Eumène dira quelques siècles plus tard qu'il était le plus beau de tout l'univers.
Comment se fait-il que la Société d'Histoire et d'Archéologie s'égare au point de ne pas comprendre qu'il n'y a dans le chapiteau dit "d'Emmaüs" de notre cathédrale que l'espérance en la venue d'un messie essénien ? Comment se fait-il qu'elle ne comprenne pas que l'église de Mont-Saint-Vincent, usée par le temps, est un temple cananéen élevé dans le style du temple de Salomon ? Que la tour de Taisey pourrait être encore plus ancienne, à la fois forteresse et édifice religieux ?
Extrait d'une sculpture sur ivoire. Art chalonnais probable du IIème III ème siècle. On y voit, à gauche, le temple de Salomon dont s'inspireront nos églises romanes primitives et à droite, le temple d'Hérode qui inspirera nos premières cathédrales.
Dans l'attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur le Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la ville de Chalon-sur-Saône, l'expresssion de mes sentiments distingués.
Emile Mourey, 5 octobre 2016
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