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Accueil du site > Tribune Libre > Augmenter les bas salaires : la piste Fillon

Augmenter les bas salaires : la piste Fillon

Sur les bulletins de paie, elle apparaît de façon flagrante en bas à droite, avec un signe moins. La réduction Fillon est un dispositif d’allègement de charges patronales sur les bas et moyens salaires. Elle se traduit concrètement par une exonération dégressive des cotisations patronales dont le montant varie en fonction du niveau des rémunérations. Elle bénéficie aux employeurs qui prennent la précaution de payer des salaires ne dépassant pas 1,6 fois le smic, alors même que leurs salariés continuent de s’acquitter de la totalité de leurs cotisations de sécurité sociale. L’employeur se retrouve ainsi avec des marges confortables sur lesquelles on devrait légitimement s’interroger compte tenu des difficultés auxquelles les salariés, eux, sont actuellement confrontés.

En effet, il est évident que les salariés ne peuvent plus compter sur l’Etat pour obtenir une augmentation substantielle de leurs revenus. Le gouvernement a annoncé une augmentation du smic de seulement 2 %, soit une modique somme de 21,50 € net sur le bulletin de paie d’un smicard travaillant 35 heures par semaine. Compte tenu de l’augmentation du coût de la vie, cette faible augmentation du smic est parfaitement dérisoire et ne permettra pas aux salariés modestes de rattraper la baisse continue du pouvoir d’achat. Il faut donc rechercher les augmentations sur le bulletin de paie en remettant en cause certains avantages accordés aux entreprises et en les réaffectant à l’objectif d’augmentation des salaires.

C’est dans cet angle qu’il convient de revenir sur la réduction Fillon dont le fondement idéologique a toujours été contestable. En effet, depuis 2003, en France, à cause de ce fameux dispositif, moins un employeur paie son salarié, plus il bénéficie d’allègements au titre des charges sociales. Autrement dit, un employeur qui voudrait payer son salarié un salaire envoisinant ou dépassant les 2.281,07 € (1,6 fois le smic) y réfléchirait à deux fois puisqu’en payant juste le smic (1.425,67 €) il réalise des économies au titre d’allègements de cotisations de sécurité sociale. Une mesure qui, non seulement encourage la logique des bas salaires, mais surtout dissuade les employeurs de payer convenablement leurs salariés.

En tout cas, à première vue, il y a quelque chose de surréaliste dans la logique de la réduction Fillon. Il y a même quelque chose de fondamentalement contraire aux principes de la République tels qu’énoncés dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. En effet, l’effort de solidarité nécessite la contribution de tous les citoyens, mais ces derniers s’en acquittent « en raison de leurs facultés  ». Faire payer, à taux plein, des cotisations à des salariés qui ne peuvent même plus payer leurs loyers et exonérer des employeurs qui réalisent des bénéfices (sinon ils cesseraient leurs activités) est un scandale dont on peut se demander pourquoi il a pu durer aussi longtemps (depuis 2003, loi du 17 janvier). Sur certains bulletins de paie, l’ensemble des charges salariales est supérieur aux charges patronales. On marche sur la tête.

A l’origine de la réduction Fillon, on trouve les mêmes arguments que ceux avancés par tous les autres gouvernements qui se sont succédés depuis les années soixante-dix. Il faut, semble-t-il, continuer à baisser les charges sociales et fiscales des entreprises pour leur permettre de recruter et de résorber le chômage de masse, devenu, malgré tout, endémique. Ce qu’on oublie trop vite de préciser, c’est que ces allègements dont bénéficient les entreprises sont des manques à gagner pour les caisses de l’Etat et les caisses de solidarité sociale, obligées de recourir à la dette pour boucler leurs budgets en attendant que les investissements des entreprises dans l’embauche produisent des retombées en termes de relance de la consommation (tva), d’augmentation du revenu fiscal des ménages (impôts sur le revenu) et d’augmentation de la masse salariale (cotisations diverses) du fait de nouvelles embauches sur une période déterminée.

Seulement voilà ! Les entreprises ne jouent pas le jeu et profitent des allègements sociales et fiscales pour améliorer leurs marges, rétribuer plus confortablement les actionnaires, investir à l’étranger, voire effectuer des placements dans des paradis fiscaux. Très peu d’investissements dans l’emploi, surtout que les gouvernements ne procèdent jamais à l’évaluation de ces politiques d’allègement et aux contrôles dans les entreprises bénéficiaires. Parmi les multiples exemples, on peut rappeler le cas de la baisse de la tva dans la restauration où les entrepreneurs du secteur n’ont absolument pas tenu leurs promesses. Et il ne peut en être autrement.

Car une entreprise recrute en fonction du marché. Les allègements au titre des cotisations sociales ou de charges fiscales ne jouent qu’à la marge. Elles représentent, le plus souvent, un effet d’aubaine (on embauche parce que, de toute façon, on devait embaucher et on profite de l’exonération) ou de substitution (on se débarrasse des salariés au statut « normal » pour leur substituer des salariés précaires, moins coûteux).

En définitive, compte tenu de l’inefficacité de ces mesures d’allègement sur le chômage, les entreprises n’étant pas, fondamentalement dans la logique de l’emploi, mais bien dans celle du profit, les gouvernements devraient y renoncer, ou, en tout cas, les limiter à des secteurs bien ciblés qui devraient concéder à l’obligation de contrôle et d’évaluation pour s’assurer que l’Etat et les caisses de solidarité ne soient pas continuellement obligés de se priver de recettes sans contrepartie, en termes de retombées macroéconomiques.

La réduction Fillon devrait figurer en haut de la liste de ces mesures « incitatives » à l’embauche dont bénéficient les entreprises sans que ces dernières s’acquittent de l’effort que la collectivité attend d’elles, conduisant à l’appauvrissement de l’Etat. Elle devrait être réaffectée à l’augmentation des salaires. D’ailleurs, le simple fait de supprimer ce dispositif encouragerait les employeurs qui le peuvent, à payer convenablement leurs salariés. Les « patrons » ont toujours affirmé qu’ils voudraient payer moins de charges à l’Etat pour mieux rémunérer leurs salariés.

Voici donc une piste très concrète : on supprime la réduction Fillon dont bénéficient, assez indûment, les entreprises et ont les oblige à verser l’équivalent à leurs salariés. Du jour au lendemain, les bas salaires en France augmenteraient de 200 à plus de 300 euros. 

 

  Boniface MUSAVULI


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20 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 30 juin 2012 10:37

    voici un petit rappel salutaire sur les pretendues charges qui sont en fait des cotisations sociales et au final notre salaire differé :

    http://2ccr.unblog.fr/2012/05/11/quest-ce-que-le-salaire-socialise/


    • alain_àààé 30 juin 2012 15:24

      je trouve ton article tres interressant car vous indiquez les charges sociales ou autres du patronnat mais je crois qu il faudrait insisté que cela dur depuis MITTERAND qui se posait la question une année de son régne des milliards que les patrons avaient touchés sont augmentations de salaires n y investisment


      • chantecler chantecler 30 juin 2012 16:48

        Magnifique article qui cache l’essentiel :
        C’est que Fillon pour diminuer les charges patronales les reportaient sur une TVA « sociale » .
        D’abord de l’ordre de 2 % et ensuite ?
        Donc c’est un report sur les consommateurs .


        • titi titi 30 juin 2012 23:40

          @Chantecler...

          Les charges patronales ont un impact directe sur les prix.
          Donc au final c’est toujours le consommateur qui paie.

          Sauf evidemment si les produits consommé proviennent de pays où il n’y a pas de charges.


        • titi titi 2 juillet 2012 09:31

          Désolé, mais la conivence entre banque et politique est une évidence.

          Il n’y a qu’à voir ce qui se passe avec les disositifs scellier / besson/borlo/perrisol.

          Les épargnants sont incité « fiscalement » par l’Etat à s’endetter auprès des banques.
          L’Etat fait miroiter des revenus et des incitations fiscales SANS LESQUELS les banques ne PRETERAIENT PAS.

          C’est donc bien l’Etat qui pousse à la roue et crée une situation artificielle.

          Au final ces épargnants assument le role de l’Etat, et se retrouve à loger des gens dont même les OPH ne veulent plus : insolvables, cas sociaux, etc... 
          Les revenus ne sont pas là. Les dettes si.


        • titi titi 2 juillet 2012 09:32

          « Ben non, y a qu’à voir avec la restauration et le bilan de la baisse de la TVA. Nada, à part certaines chaines. »

          sauf erreur, la TVA n’est pas une charge patronale.

          Donc bien essayé, mais rien à voir.


        • fb 30 juin 2012 19:47

          C’est moi ou il y a vraiment un problème d’arithmétique avec la conclusion ?

          S’il y a augmentation de 300 € brut patronal du fait de l’arrêt de la « réduction Fillon » et qu’en plus le patron doit verser 300 € en plus sur le brut salarial ça va être un carnage. Sachant que l’écart entre le brut patronal et le brut salarial est de l’ordre d’un facteur 1,5 ça donne du jour au lendemain une augmentation de 750 € en charge (du point de vue comptable) par salarié et par mois.
          Avec deux salariés sur un an ça équivaut à un emploi à temps plein (mal payé donc au SMIC ancien régime bénéficiant de la « réduction Fillon »).

          Non pas que je défende la mesure Fillon qui est d’une rare stupidité, mais l’impact de la proposition de l’article serait catastrophique (petit rappel : normalement les patrons de TPE et de PME ne peuvent pas imprimer des billets).

          Une piste plus intéressante serait de regarder plus en détail l’utilisation qui est faite des cotisations et l’évaporation qui s’ensuit, il y a des choses vraiment intéressantes ou affligeantes selon le point de vue.


          • Fred59 1er juillet 2012 00:53

            « brut patronal » = vous voulez dire masse salariale (appelé aussi coût employeur)
            Si vous enlevez la réduction Fillon, le brut ne bouge pas et seule la part patronale qui augmente (potentiellement jusqu’à 300€).

            Les sommes cotisées par le salarié au titre de l’allocation chômage, de la retraite etc... ne changent pas.


          • MUSAVULI MUSAVULI 1er juillet 2012 11:18

            Non non non. Concrètement, on oblige les employeurs à s’acquitter de cette sommes (dont ils sont exonérés). On affecte la somme au salaire net et non aux caisses de sécurité sociales qui, déjà, en sont privés, comme vous le savez. Pour remonter plus loin, les employeurs devaient s’acquitter de la même somme, mais seulement au profit des caisses de sécurité sociale. Mon propos est qu’ils puissent désormais s’en acquitter plutôt au profit de leurs salariés. ça fait effectivement plusieurs centaines d’euros sur le bulletin de paie. Vérifiez dans votre entourage.


          • Karash 30 juin 2012 23:30

            Un article basé entièrement sur la critique de la répartition des charges sur la fiche de paye, alors que sauf pour les gens payés au SMIC, la distinction cotisation salariale/ cotisation patronale est purement virtuelle. Ce qui intéresse le salarié, c’est son salaire net ; Ce qui intéresse le patron, c’est ce que lui coute son salarié, donc le salaire super brut. Tout le reste, c’est pour l’état quoi qu’il arrive.

            Ensuite, l’objectif évident de l’exonération Fillon, c’est de favoriser l’emploi. Il y a un compromis à trouver entre salaire minimum et emploi, et pour rien au monde je ne voudrais porter la responsabilité de faire cet arbitrage. Quoi qu’il en soit, la moindre des choses aurait été de faire la critique de la mesure sur le plan financiers et sur le plan de l’emploi. Bien sur l’emploi va mal, mais évaluer une mesure par rapport à un référence imaginaire n’a pas de sens. La seule question c’est de savoir si cette mesure à empirer globalement la situation des Français, ou pas, par rapport au statut quo au moment ou a été votée la mesure.

            Encore un article qui ne fera que prêcher les convertis ...


            • titi titi 30 juin 2012 23:44

              « payés au SMIC, la distinction cotisation salariale/ cotisation patronale est purement virtuelle. »

              En fait je pense que l’auteur ne sait tout simplement pas de quoi il parle... mais ca ne l’empêche pas de parler !!


            • wesson wesson 30 juin 2012 23:57

              et c’est avec ce genre de raisonnement qu’il aura fallu des dizaines d’années pour que l’on trouve que la cigarette et l’amiante provoquent des cancers. 


              La dynamique d’ensemble est que cela fait 30 ans que nous avons appliqué le dogme libéral de la politique de modération salariale et de baisse tendancielle des charges, et que il n’existe aucun endroit ou on a pu démontrer que cela ai débouché sur un mieux disant pour les pays qui ont mis cela en oeuvre.



            • Karash 1er juillet 2012 17:02

              @Wesson

              Là n’est pas le problème. Je vous parle d’un problème d’honnêteté intellectuelle. Si l’auteur pense qu’il est impossible de connaitre l’effet sur l’emploi de la mesure Fillon, qu’il le dise, mais c’est un minimum. On peut lancer une alerte tout en restant rationnel et en définissant clairement la part de doute subsistante. Ici ce n’est pas le cas.

              Qui plus est, le total des dépenses publiques n’a quasiment pas varié depuis 20 ans ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Graphe_D%C3%A9penses_et_recettes_publiques,_France,1993-2006.png ) , et représente toujours autours de 54% du PIB. On peut donc difficilement qualifier la politique qui a été menée en France de libérale. Ce qu’il y a eu, c’est une désorganisation générale du service public, menée à grands coups de réformes par une classe dirigeante en pleine décadence.


            • titi titi 2 juillet 2012 09:33

              @Waldganger

              Et alors, vos posts sur la TVA montrent que vous ne connaissez rien au sujet. Est-ce que ça vous empêche de l’ouvrir à tort et à travers ?


            • Fred59 1er juillet 2012 00:46

              Pour un peu plus de clarté sur l’énormité du dispositif :

              Grâce à la réduction Fillon, sur chaque euro de salaire net, l’empoyeur économise 32 centimes par rapport à ce qu’il devrait débourser s’il versait des salaires corrects (1,6 fois le smic et plus )

              L’idée générale, c’était que les sommes dégagées, étant considérables, permettraient aux employeurs d’embaucher massivement et de permettre le retour au plein emploi.

              Comme chacun sait, ce dispositif introduit en 2003 fut un plein succès ; pour avoir éradiqué spectaculairement le fléau du chômage, l’homme fut nommé premier ministre en 2007. Encore aujourd’hui, sa côte de popularité flirte avec les 50%...

              En même temps c’est cohérent : après avoir mis en place une forte incitation à payer des salaires de merde en 2003, en pleine période d’inflation masquée, on a créé une forte incitation à faire plus d’heures puisque les smicards ne gagnaient pas assez pour vivre : magique ! C’est le travailler plus pour gagner plus...

              C’est beau le gaullisme social !

              Historiquement parlant, c’est aussi le premier élément de la fiche de paye que vous ne pouvez pas obtenir en 1 opération avec une calculette de base : d’une part, parce que c’est une équation à deux inconnues ; et d’autre part parce qu’il se régularise avec les précédentes payes de l’année. C’est à partir de la réduction Fillon qu’il est devenu quasi-impossible de rédiger ses payes sur un facturier à la main.

              Pour moi, ça a à voir avec la notion de transparence...

              Maintenant, pour être juste envers ce monsieur, et malgré que cela ne retire rien à la contre-productivité et aux effets pervers du dispositif, cela existait avant, sous Jospin, avec un autre nom. C’était la « réduction bas salaires ».


              • PLOT29 1er juillet 2012 11:20

                Fillon ? c’est 5 ans de casse sociale ! et si vous dites cela sur orange , vous êtes censuré !


                • Fred59 1er juillet 2012 11:42

                  ... Du fait de votre message, je ne suis pas sûr d’avoir été assez clair (je n’aurais peut-être pas dû utiliser l’ironie...)

                  Non seulement Fillon c’est 5 ans de casse sociale, mais en plus j’explique en quoi c’est huit, et pas cinq, années de destruction sociale volontaire et qui s’inscrit dans un plan en plusieurs étapes successives ; et qu’en plus, ce plan n’a même pas été imaginé mais simplement poursuivi et approfondi jusqu’à la nausée par Fillon, après avoir été initié sous un gouvernement dit ’rose’


                • PLOT29 1er juillet 2012 12:02

                  Bonjour , tout à fait d’accord , mais à choisir entre la droite et la gauche , il n’y a pas photo ! je préfére la gauche ! il y a moins de mépris pour les gens du peuple .


                • Biloo 1er juillet 2012 12:28

                  Quelle erreur de débutant ! C’est pourtant simple.

                  Salaire direct (net) + cotisation salariés + cotisation patronale = salaire total !

                  Baisse des cotisations patronales = baisse du salaire total = baisse des salaires !


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