Auto-détermination ?
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est sollicité dans toutes les situations où une partie de la population d'un État désire s'émanciper et devenir libre de choisir son avenir. Des processus de décolonisation aux récents référendums en zone occupée en Ukraine, ce droit est proclamé comme indépassable. Et pourtant, il est assez facile de voir qu'il est en opposition avec l'intégrité des frontières des États.
Le droit des peuples à disposer d'eux même est édicté par la Charte des Nations Unies à l'article 1.2 :
Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ;
Le doit international définit le principe dit "Uti possidetis juris" (« vous posséderez ce que vous possédiez déjà »)
Le principe de l'intangibilité des frontières vise avant tout à assurer le respect des limites territoriales d'un État au moment de son indépendance. Si ces limites n'étaient que des limites entre divisions administratives relevant initialement de la même souveraineté, l'application du principe uti possidetis emporte leur transposition en frontières internationales proprement dites ».
Ce principe a été utilisé à la création des États issus de l'éclatement de l'URSS, créé à l'origine pour régler les problèmes territoriaux liés à la décolonisation. Il s'agissait de pérenniser les frontières administratives de l'URSS qui par ce fait de l'Uti possidetis juris, devenaient les frontières internationalement reconnues.
Il est indéniable que ce sujet de l'auto-détermination est au centre de ce conflit et il rentre en opposition directe avec le principe de droit sur l'intangibilité des frontières des États. Il ne s'agit pas dans cet article de prendre parti dans ce conflit, ni de juger de la validité des référendums dans les oblasts de l'est de l'Ukraine. Cet article n'a pas pour objectif de délivrer une quelconque vérité sur le sujet. En effet, il s'agit de poser le problème lié à l'auto-détermination dans une situation de guerre.
Il est aisé de constater que le texte onusien sur l'auto-détermination est une vraie boite de Pandore. A l'origine, il s'agissait de régler le sujet des nouveaux pays et de leurs territoires issus de la décolonisation, depuis ce droit a été sollicité par de nombreux mouvements politiques de pays en paix comme en Catalogne, en Corse, en Écosse, et ailleurs ... mais aussi au Kosovo, en Macédoine, ... enfin dans des pays en tension extrême ou en état de guerre ouverte.
Ce droit est en opposition frontale avec l'intangibilité des frontières des États. Le conflit ukrainien, n'en est qu'une illustration dramatique mais il n'est pas le seul, en effet il existe de multiples conflits de même nature qui perdurent sur tous les continents pour les mêmes raisons. Une carte précise et détaillée de ces conflits.
Pour illustrer la relativité dans cette "auto-détermination" porté au pinacle par l'ONU, j'ai trouvé ce compte-rendu de commission sur le site de l'ONU, L'EXERCICE DU DROIT DES PEUPLES À L’AUTODÉTERMINATION AU CŒUR DU DÉBAT DE LA COMMISSION SOCIALE.
C'était en 2001 et la Russie participait à cette commission dont le sujet était :
A la séance de ce matin, la Troisième Commission a poursuivi l’examen de la question du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. A cet égard, les délégations qui ont pris la parole ont exprimé des points de vue différents.
Vous allez apprécier ce que disait la fédération de Russie à cet époque, en miroir de ses positions actuelles :
Pour le représentant de la Fédération de Russie, le droit à l'autodétermination ne doit pas être interprété comme une autorisation à déstabiliser un gouvernement ou à recourir au terrorisme. Ce droit doit s'exercer dans le respect de l'intégrité territoriale des États et de leurs frontières. Prenant l'exemple de la Fédération de Russie, constituée de nombreuses communautés ayant appris à vivre ensemble, il a ainsi expliqué que l'autodétermination des peuples devait s'exercer dans le strict respect de la loi. Il s'est inquiété des mouvements séparatistes qui se réclament de ce droit pour porter atteinte aux États, et a mis en garde contre une interprétation de ce droit qui contribuerait à accorder une légitimité au terrorisme.
Mais ce ne sont pas les seuls, les pays occidentaux se sont assis sur ce principe de l'intégrité des frontières des États quand le Kosovo a décidé unilatéralement de quitter la Serbie.
Quelle conclusion tirer de ces postures des deux cotés du conflit en Ukraine, peut-être que le droit ne pèse pas grand chose face aux intérêts des États.
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