Avec le RIC, les Gilets jaunes mettent les pieds dans le plat
Les invisibles sont soudainement devenus incontournables depuis qu'ils ont mis leurs gilets fluos en opposition au flux incessant des mobilités. Ils sont gonflés, les salauds qui multiplient les opérations escragots : ils parlent entre-eux, et refusent de nommer des porte-paroles. Ils ne veulent plus de délégués de classe, de médiateurs ni de représentants. Ce serait dupliquer les schémas qui dysfonctionnent depuis la 1ère République, et qui ont produit Macron, enfant-monstre des monstruosités précédentes, anfractuosité arrivée par effraction, comme il le reconnut lui-même en février, dans un éclair de lucidité.
Groupés, les petits gens ne peuvent pas être ridiculisés, en tapant sur ceux qui sortiraient du lot, car aucune tête ne dépasse vraiment. Il y a bien les initiateurs, mais personne ne leur reconnaît d'autres mérites, et ils parlent en leur nom propre.
Du coup, les Todd, Besancenot, Guilly, Pinçon-Charlot, et autres « extémistes » habituellement invités au compte-goutte, inondent les plateaux. Ceux qui n'ont rien vu venir et qui d'ailleurs ne comprennent toujours rien, ont fait de louables efforts pour comprendre le peuple. France Inter et les talk show rompus à moraline sont devenus tout d'un coup plus intéressant à écouter, plus en phase avec la réalité vécue.
Les JT ont envoyé aux quatre coins de l'Hexagone et jusqu'à la Réunion leurs reporters pour connaître ce que ces Gilets jaunes qui barricadent et occupent les rond-points ont dans le ventre. Ils ont découvert que les visages qui paraissent habituellement dans les actualités ethnographiques de Jean-Pierre Pernaut ont un discours politique affuté. Ils en ont même invité sur des plateaux, dont les discours de déménageur et d'assistante maternelle tranche avec la faune germano-pratine qui trustent les antennes.
C'est pour le moins rafraîchissant.
Les Gilets jaunes revendiquent appartenir, sans le dire explicitement, à la classe des travailleurs. Retraités ou chômeurs, qu'importe, tous font corps pour défendre cette identité de classe. Ils sont la France qui se lève tôt ou travaille de nuit, et qui malgré tout, craint de devenir pauvre. Le jaune est devenu l'expression d'une conscience de classe, tellement évidente, qu'elle peine à être formulée. Ce nouveau clivage est en fait très ancien : travailleurs / rentiers ; pauvres / riches ; tiers-Etat / noblesse ; peuple / aristocratie.
Sa réactivation démasque l'inanité du discours officiel sur la République comme entité magique dont tous les ressortissants seraient parfaitement égaux, les seules différences relevant du mérite personnel ou du libre-arbitre.
Les Gilets jaunes font éclater les identités en fait secondaires, artificiellement portées aux nues par les mouvements de gauche et de droite depuis le tournant postmoderne : féministes, hétérosexuels, cathos, végans, immigrés, LGBTQ+ ou français de souche.
Les acteurs de la lutte actuelle ont compris que ces étiquettes façonnées par des leadeurs d'opinion n'ont qu'un rapport éloigné avec la principale question politique : à la fois sociale et institutionnelle. Celle-ci forme en fait une seule et même question. Les gens n'attendent plus une redistribution des richesses par un pouvoir sourd qui deviendrait moins malentendant. Ils veulent le pouvoir. Le Référendum d'Initiative Citoyenne, pour pouvoir commencer à mettre les pieds dans le plat de l'oligarchie.
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