Avec les Saints de glace, l’Eglise a-t-elle joué avec le feu ?
Dès l’aube du Moyen-Age les Saints de glace se sont ancrés dans les calendriers catholiques comme repère d’une période utile aux paysans ; les dernières gelées.
Mamert, Pancrace, Servais (11, 12 et 13 mai) sont trois des Saints de Glace… qui sont quatre. Pour prendre en compte les conditions climatiques de territoires plus au nord on ajoutait Saint Urbain (25 mai) « …qui les tient tous dans sa main. »
Cette communion entre le calendrier et les saints donnera naissance à l’almanach. Au XVe s. le « Grand compost et calendrier des Bergers » agrémentait le calendrier de conseils d’agriculture, de médecine…
Au XVIIe s. le Dictionnaire de l’Académie française donnait une définition explicite de l’almanach « un calendrier qui contient tous les jours de l’année, les festes, les lunaisons, les éclipses, les signes dans lesquels le soleil entre, avec des pronostics du bon et du mauvais temps ».
Comparé au calendrier sanctoral romain (dates et Saint du jour), l’almanach apportait des informations utiles et variées qui accolées à la date du Saint à fêter ce jour-là, pouvaient relativiser son importance.
Néanmoins, les Saints de glace se distinguaient toujours depuis que le premier d’entre eux Saint-Mamert Evêque en Dauphiné, instaura au Ve s. après JC, les Rogations. Ces trois journées (triduum) consacrées à demander l’aide de Dieu pour éviter les calamités de la nature n’avaient pas été déterminées par des astrophysiciens mais par des observations météorologiques paysannes. Avant l’Ascension, elles repéraient sur le calendrier les dernières gelées et lançaient les nouvelles cultures pour l’immense majorité de la population paysanne.
Probablement marri par l’importance accordée par les fidèles à ces Saints plutôt qu’à Dieu, l’Eglise de 1960 les remplaçait sur le calendrier. Ce faisant elle montrait le chemin à d’autres pour repenser un calendrier qu’elle montrait malléable.
Les usages probablement portés par des motifs mercantiles, avaient déjà conduit à fêter les individus porteurs du prénom d’un Saint, déviant ainsi le sens du calendrier sanctoral qui voulait qu’on fête plutôt le Saint.
Portés par la nouvelle foi laïque conjuguée à l’antichristianisme de la fin du XXe siècle, les organismes publics, suivant la logique de la suppression des crèches, masquent désormais la référence à la Sainteté historique du prénommé.
Ces événements conjugués, laissèrent place il y a quelques temps à de nouvelles idées laïques par l’entremise du journal Le Monde. Il offrait une tribune à ceux qui, appuyés sur la dérive mercantile du calendrier, considéraient qu’au motif de « …l’égalité des citoyens … il n’est pas admissible que nos concitoyens qui portent en très grand nombre des prénoms n’ayant jamais été portés par un saint ne puissent être fêtés comme les autres ! …Anissa, Mamadou, Mohamed, Yasmine etc. »
On pourrait leur suggérer, plutôt que de vouloir détruire ce que les siècles nous ont apporté, d’innover avec leur propre « calendrier laïc » qu’ils nommeront comme il leur plaira.
Nul doute que Pâques et Noël sont dans le collimateur d’aucuns, qui lorsqu’ils auront deviné que derrière la « lune rousse » (période qui correspond à la lunaison après Pâques), pourrait se cacher Máni l’ancienne divinité lunaire, demanderont alors l’abolition de la formule.
Les Saints de glace nous donnent une fois de plus l’occasion d’observer au prétexte d’une doctrine laïciste, la volonté d’effacer, dégât collatéral, des traces culturelles anciennes de l’Occident.
L’Eglise a-t-elle ouvert la boîte de Pandore ? N’aurait-elle pas dû sanctuariser son calendrier en conservant ces Saints de glace qui ressuscitent chaque année ?
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