Aviation (14) : l’avion qui dévorera le Pentagone... et plus encore (2)
Nous en sommes au second (et dernier) épisode des déboires du F-35, qui me semblent tellement importants pour justifier ce titre apocalyptique. En réalité, c'est la lecture d'autres avis sur la question (voir la référence en bas de cet épisode) et la sortie d'ouvrages récents, dont un remarquable numéro du magazine DSI, qui m'ont convaincu de rédiger ces deux textes. Le gouffre financier annoncé est tellement abyssal et l'appareil si peu fiable qu'il pourrrait en effet entraîner une partie de l'industrie d'armement américaine dans sa chute. Et comme cette dernière est absolument indispensable à son capitalisme outrancier, les conséquences peuvent être en effet... phénoménales.
Pour ce qui est de la version à décollage vertical, ce n'est pas ça non plus : des pilotes anglais l'ayant testé ont remarqué qu'il emporte moins que leur bon vieux Harrier GR9. Un comble ! Au point que la Navy anglaise a changé un temps sa commande de "verticaux" (de type B) pour des versions navales, puis d'y revenir... sous pression de Washington, qui n'arrive pas à fourguer la version verticale, trop chère, à quelqu'un d'autre (Singapour, peut-être, l'Espagne ayant annulé sa commande de 20 appareils, l'Australie a acheté des Hornets en attendant de savoir si elle va prendre des F-35 B ou pas). Le porte-avions construit par la Navy (et dont la France va payer une partie des recherches de son jumeau, qu'elle avait promis d'utiliser, et qui ne sera jamais construit !) a en effet été pensé sur la version VTOL en priorité. Lors des premiers essais US, les versions B ont décollé... avec une charge minimale seulement, ont observé des détracteurs. Pas mieux pour la version navale, a aile agrandie : lors des premiers essais d'appontage, il y a deux ans, on s'est aperçu que la crosse d'arrêt, trop courte qui était placée surtout bien trop près de l'axe des roues du train principal, rebondissait plus qu'elle n'accrochait le brin d'arrêt. On a été obligé de redessiner tout l'arrière de l'avion, les premiers nouveaux appontages avec un arrrière revu venant juste d'avoir lieu. Aux dernières nouvelles, ça y est, cette fois-ci il crochète (enfin !) ! Mais pour les appontages de nuit, le fameux casque n'a pas été utilisé ! C'est encore loin d'être parfait !
L'engin a été vendu comme une merveille d'informatisation (à gauche, le portable destiné à se brancher dessus pour la maintenance et les diagnostics automatisés. En février 2014, il fallait bien se rendre à l'évidence : on est loin de cette vision idyllique."La rupture entre le contractant et le client a été révélée au grand jour le 19 juin 2013, quand le responsable des essais du Pentagone, J. Michael Gilmore a témoigné devant le Congrès. Il a dit que "moins de 2%" du logiciel intitulé Block2B que les Marines étaient censés utiliser avait été complètement testé, et qu'il y avait davantage à tester encore" (Lockheed affirmant que "le développement informatique est sur les rails" et que la compagnie a réalisé 95% des 8 millions de lignes de code du F-" et que "86% de ce code est en ce moment en train d'être testé". Pourtant, l'usage réel de ce qui a été testé est le dernier point à voir. Selon Gilmore, "le logiciel Block2B dont les Marines affirment qu'il rend l'avion capable de combattre, en fait ne permet que de combattre que de façon limitée".. Pire encore, selon Gilmore, si le F-35 devait aller aujourd'hui au combat avec le logiciel Block2B, "il devrait avoir besoin de manière significative du support des autres appareils de 4eme et 5eme génération pour contrer des adversaires modernes pour arriver à assurer une supériorité aérienne à moins d'avoir un adversaire équivalent. Traduction : les F-35 dont les Marines disent qu'il peut aller au combat en 2015 devront bénéficier de la protection par les avions qu'il est censé remplacer." Sidérant ! Aux dernières nouvelles, une version logicielle appelée BlockB2i était annoncée pour... 2018. Celle pour 2015 ne sera pas prête en tout cas, a affirmé en début d'année le responsable des essais du Pentagone. Or l'intégration informatique retardée est désormais le plus grand danger qui guette l'avion (avec son réacteur calamiteux). Barder un appareil de capteurs ne sachant pas répercuter l'information dans le cockpit ne sert strictement à rien... le logiciel imparfait ne permet d'utiliser en prime qu'une gamme restreinte d'armements. Pour couronner le tout, le casque demeure l'une des plus grandes erreurs du projet. Or il est impossible aujourd'hui d'en revenir à un affichage plus traditionnel, la planche de bord n'ayant pas été conçue pour ça. En somme, l'engin mourra d'avoir été trop... prétentieux.
Un logiciel sensible... comme l'est l'ensemble de l'électronique de l'avion. Comme l'a appris à sa grande surprise un journaliste en effectuant un reportage sur la base d'Eglin. L'auteur de l'article en se rendant sur la base d'Eglin, dans le Nouveau Mexique avait été intrigué par les demandes de cartes météo des pilotes testeurs de F-35. Ce qu'il a découvert, par inadvertance, défie l'entendement. Selon lui en effet, les pilotes demandaient ces cartes... par très beau temps uniquement, en demandant surtout aux météologues où se trouvaient les cumulo-nimbus, ces nuages qui ne bourgeonnent que par très beau temps. Intrigué, il s'est renseigné et a découvert une autre incroyable faille dans l'appareil. Le F-35 ne peut en effet s'approcher à moins de 40 km d'un tel nuage fortement chargé électriquement, on le sait, à moins de voir une bonne partie de son informatique se dérégler, et surtout de recevoir un coup de foudre qui ne serait pas pleinement "absorbé" : si tous les avions de transport civils disposent de disperseurs d'électricité statique, ou dans les réservoirs de gaz neutre, notamment pour les avions militaires ("inert-gas generation system ou OBIGGS") le F-35, en ce domaine, a été construit avec des matériaux nettement moins efficaces et moins résistants aux charges électriques (pour une question de coût de revient !). Résultat : il ne peut voler par très beau temps, là où les autres craignent... le mauvais temps. "Ce que nous apprend le programme JSF, notre dernier et meilleur chasseur, c'est qu'il ne peut pas voler sous toutes les conditions météorologiques, ce qu'un Cessna à 60 000 dollars fait pourtant" conclut ironiquement l'auteur. Un comble, en effet ! Pas de future "Desert Storm" pour lui, en tout cas (voir ici un autre problème, celui du refroidissement du cockpit). Sans oublier le temps... en mer, comme ici sur cette photo, lors des premiers essais sur le Wasp, qui montraient une usure prématurée de la peinture de revêtement jouant un grand rôle dans la furtivité....
Pour se poser de nuit sur un porte-avions, une difficulté reconnue partout, maintenant que sa crosse d'appontage fonctionne, l'appareil a eu recours encore une fois à l'électronique, avec un programme innovant développé pour le Super Hornet et le Growler, plutôt réputés difficiles à poser. C'est le "Maritime Augmented Guidance with Integrated Controls for Carrier Approach and Recovery Precision Enabling Technologies", ou Magic Carpet, qui calcule la bonne pente, en ne faisant jouer que les flaps, qui ne sont donc pas totalement déployés. Le logiciel a été développé par l'U.S. Naval Air Warfare Center’s aircraft division (Nawcad) de Patuxent River, dans le Maryland, mais à partir du programme de Qinetiq appelé Aircraft Advanced Control (VAAC) installé à bord des Harrier du porte avion anglais Illustrious. Si le système semble très bien fonctionner, on constate qu'encore une fois c'est une portion informatique de plus à gérer à bord du F-35, au programme déjà bien rempli. Le surnom de "computer-aircraft" n'est pas usurpé. Mais rien ne dit comment un pilote de F-35 se posera sans l'aide du "tapis magique", si ce dernier vient à tomber en panne !
Quant aux véritables nouveautés apportées par la formule (un cockpit à un seul écran général et pas de viseur tête haute), elles sont... passablement ratées. L'idée d'un casque intégrant toutes les données du viseur commence déjà à faire long feu : les pilotes qui le portent se plaignent de latence d'affichage, d'éclairage en vol nocturne insuffisant, ou de... maux de cous, tant le bazar porté sur la tête est lourd à porter. Imaginez maintenant un combat tournoyant avec un tel pot de chambre sur le crâne, et vous ne donnerez pas cher de la survie de l'appareil ou de la vie du pilote, qui se romperra les cervicales avant même d'avoir pu tirer un seul missile (un casque de 5 kilos à 5 G, ça fait en effet un parpaing de 25 kilos sur la tête !). Laisser entendre que le manque de visibilité arrière ou l'absence de viseur tête haute se résolvent par les projections électroniques dans le casque du pilote est un pari risqué et dangereux. Le fameux casque répercutant les données est aussi l'objet de vives critiques. "L'interface du véhicule pilote, ou PVI, est également répertoriée comme n'étant pas à la hauteur. Des lacunes documentées concernent le visiocasque du F-35, d'autres aspects du PVI sont nommés, et le résultat pourrait signifier de graves conséquences. "Il n'y a aucune confiance dans le fait que le pilote puisse effectuer des tâches critiques en toute sécurité", indique le rapport". Bref, avant même d'être mauvais, ou d'être dangereux pour l'adversaire, l'avion serait avant tout dangereux... pour son propre pilote ! L'une des raisons du danger étant l'imposition du casque à affichage intégral : "Le système d'affichage de Lockheed (HMDS) partenaire de Vision Systems International (VSI) - une filiale commune d' Elbit Systems Ltd. (ESLT) et Rockwell Collins, Inc. (COL) - monté sur le casque provoque une si mauvaise visibilité qu'il présentait un risque pour les pilotes. Lockheed a été contraint de recruter BAE pour une refonte. Mais quand VSI a produit un modèle amélioré de troisième génération les prototypes BAE ont été jugées moins efficaces, donc plus d'argent a été gaspillé, alors même que le programme de casque continue de faire face à la critique" pouvait-on lire.
Car c'est bien le casque qui pose problème aujourd'hui, alors que tout le concept de l'avion repose sur son usage, qui semble bien trop complexe à gérer. Car cela fait un bon nombre d'années que l'on planche sur le problème. L'imagerie projetée dans le casque est un vieux concept en réalité : dès 1965, le MIT avec l'ingénieur Ivan Sutherland avait développé "The Ultimate Display" , avec un casque encore fixé à un plafond mais retransmettant les mouvements de la tête. Sur la base de Wright Paterson, à Albuquerque est apparue vingt ans plus tard la notion de "Super Cockpit" , avec comme prototype un casque... énorme appellé VCASS, pour Visually Coupled Airborne Systems Simulator. L'idée au départ n'est pas de voler avec, en effet, mais de projeter devant les yeux de l'apprenti pilot le paysage défiant normalement sur des écrans situés devant la maquette de cockpit servant à l'apprentissage. Celui qui le portait alors ressemblait à un insecte, ou au héros du film de science-fiction "La Mouche" de David Cronenberg (dont on ne voit pas la tête en fait dans le film !). En... 1984, le scientifique et musicien Jaron Lanier invente le terme "virtual reality" pour décrire ses diffusions d'images dans un casque. Le concept va alors évaluer dans l'autre sens, en tentant de renvoyer dans le casque les informations du cockpit classique, la miniaturisation des écrans LCD aidant. Dès 1989, la Nasa avec son programme V.I.E.W présente en ce sens un objet fort ressemblant à l'Oculus Rift actuel. Deux ans auparavant, une étude préliminaire du futur ATF (le projet ayant donné le F-22) avait déjà proposé 3 écrans LCD habituels, qui mis côte à côte, faisaient déjà un écran de 20 pouces comme visualisation dans le cockpit. L'association des deux concepts apparaîtra dans les années 90, et les problèmes viennent essentiellement de là. Car depuis, on se heurte à plusieurs problèmes : le poids du casque, et la rapidité d'affichage, qui doit être... instantanée. On avance, certes, dans ce sens, mais on est encore loin d'avoir la rapidité de l'agilité de l'œil humain !
L'autre idée de départ d'avoir un tronc commun pour trois appareils différents dans le détail ne tient plus la route, tant au final on se retrouve avec trois appareils totalement différents dans le fond. Un rapport de la Rand Corporation démontait en détail le principe qui avait été à la base de la construction du F-35, affirmant que si l'on avait fait trois appareils totalement différents, les coûts de revient auraient été... moindres. Rand prenant pour exemple celui du T-6 Texan, de chez Hawker-Beechraft, destiné à une seule fonction et ne possédant pas de dérivés, dont le développement n'avait pas induit de dépassements budgétaires. Le T-6 commandé par des services différents (l'Armée ou l'Aviation) est strictement le même : cela fabrique une baisse de 13% du prix unitaire par rapport à des avions présentant des variantes (Rand oubliant au passage que Texan n'est qu'un Pilatus PC-9 suisse revu et -très peu- corrigé !).
Cette idée de départ de gagner de l'argent en faisant trois versions du même tronc commun ne tient pas debout, et c'est ce qu'affirme un ancien des Skunkworks, dans the Aviatonist, reprenant le magazine connu Classic Aircraft (novembre 2012) "Bob Murphy, qui a rejoint les Skunk Works en 1954, le responsable des essais en vol réussis sur le U-2 et est devenu directeur adjoint des opérations, a illustré les difficultés rencontrées par le Joint Strike Fighter à Batey. " En raison de la bureaucratie", [… »] "une fois que vous obtenez toutes ces organisations les différentes bases aériennes à travers tous les pays concernés, et que tout utilisateur crée particulière une vis pour chaque vion quand ils sont en réunion, et que tout le monde vient à chaque réunion…rien ne marche. C’est dingue ! Si vous avez 300 personnes dans une réunion, est ce qu’on peut résoudre ce bordel ? Aucunement", a déclaré Murphy. Mais les dépassements et glissement des coûts de F-35 étaient proviennent également en raison de la philosophie à la base des trois différentes versions F-35, comme c'est expliqué à nouveau par Brown : "Au milieu des années 1960, il y a eu une proposition du secrétaire à la Défense de combiner les programmes F-14 et F-15, alors nous avons fait une analyse", [...] "la Force aérienne voulait 200 F-15 et la Marine voulait 200 F-14. Si vous auriez conçu un avion pour chaque service individuel pour faire ce qu'ils voulaient chacun, chaque avion aurait eu un poids d'environ 40 000 livres (18 tonnes environ), mais si vous les combinez pour un avion qui pourrait faire le travail nécessaire pour chaque service, le poids est soudainement monté jusqu'à environ 70 000 livres (31 tonnes !), et à l'époque il était alors généralement admis que les avions coûtent environ un millier de dollars par kilo de poids. Les économies de coûts sur une avion d’en produire 400 plutôt que 200 des deux modèles étant d'environ 10 pour cent, de sorte qu'il était nettement plus rentable d'avoir deux avions distincts faisant chacun au mieux leur travail. Alors, comment nous avons fait, soudainement, sur le F-35, pour inverser cette idée n'est pas du tout clair pour moi ". C'est exactement le scénaraio du film Pentagon's War (ii à droite), ou chaque général ajoute au projet de transport léger une arme ou un blindage supplémentaire pour en faire un char de plus en plus lourd et de moins en moins opérant. Dans le magazine, un autre ancien responsable enfonce le clou bureaucratique : "Alan Brown, un britannique qui a rejoint Lockheed en 1960 avant de rejoindre les Skunk Works en 1975 et d'être impliqué dans les programmes Have Blue et F-117, avait « une formule algébrique simple" : [...] « Le temps qu'il faut pour passer de la conception initiale à l'utilisation opérationnelle par l'Armée de l'Air est directement proportionnelle à la taille du comité de surveillance de l'Air Force qui oriente la conception de l'avion. Pour le F-117, l'équipe de la Force aérienne était un colonel et six autres experts, l'équipe correspondante sur le F-22 était de 130 personnes. Et si vous prenez le ratio entre 130 et 7 vous obtiendrez à peu près le rapport entre le temps qu'il a fallu à partir des cellules d'aéronefs pour les les amener en service ", a expliqué Brown. Pour mémoire, le film Pentagon's War avait un scénario qui avait été écrit par un colonel de l'US Air Force, James G.Burton. Et ces remarques acerbes conviennent toujours pour le F-35 !
Quant à la furtivité, ce véritable serpent de mer, plus personne n'y croit désormais avec les progrès des radars adverses. Ce qui n'était qu'une balle de golf visible il y a 10 ans ressemble aujourd'hui à un camion semi-remorque sur les écrans de contrôle des Sukhoï ! On la lissé au maximum les courbes de la bête et réduit ses soutes pour rien. Et fait un seul heureux : la marque 3M, et son ruban de "scotch" magique, de nouvelle formule, ultra-fin et résistant aux plus hautes vitesses, pour masquer les aspérités des trappes de visites une fois inspectées (au lieu de faire repasser tout l'avion à l'atelier de peinture anti-radar comme c'était le cas au temps du F-117 (et des débuts du F-22). A bien regarder les photos, on s'aperçoit que les dessous des F-35 sont en effet zébrées de bouts de rouleaux magiques de scotchs gris. L'avion ultra-moderne a constamment besoin de rafistolage... et tient en vol (furtif) grâce à des rubans adhésifs, ou à ses retouches constantes de peinture !
Des déboires qui voient se débiner un à un les pays commanditaires (voir la liste collée sur le prototype), dont beaucoup avaient été appelés à verser au bassinet du développement : chez certains, le retrait du programme serait une facture salée de pure perte. La Hollande, par exemple, qui avait jusqu'ici soutenu le projet corps et âme, en alignant 800 millions de dollars de versements pour investissements, commence elle aussi à tanguer. La faute à un rapport de l'institut indépendant Clingendael, qui avait mis les pieds dans le plat le 14 février 2013 en remettant en cause la nécessité de l'acquisition d'un pareil engin. Un institut qui affirme alors sans hésiter que de se doter de l'appareil "n'est pas en soi nécessaire" pour le pays. Un qui pays venait juste d'obtenir la facture des essais de deux exemplaires prototypes de "son" F-35 : 55 millions d'euros, au lieu des 27 prévus initialement dans le contrat... la Hollande proposant plutôt d'en louer deux autres à l'US Air Force à la place... en essuyant en retour un refus fort peu diplomatique du Pentagone ! Au départ, les Pays-Bas devaient acheter 85 appareils, une commande depuis réduite à 37 : en réalité, le tarif total n'avait pas changé, mais aujourd'hui, la Hollande ne peut plus obtenir que 37 avions pour le prix des 85 exemplaires d'il y a 13 ans (le premier vol du prototype remontant à 2001). Le Canada, qui avait prévu d'acheter 65 appareils, a suspendu carrément sa commande, jusqu'à 2015 où une "décision devrait être prise" : 150 millions ont déjà été versés pour le développement. Pour les spécialistes canadiens, il est aujourd'hui "our trillion-dollar turkey"... selon des spécialistes, l'engin coûterait au pays 12 milliards de dollars canadiens pour 20 années de service et 45,802 milliards si il restait 42 années en service... L'Italie, qui avait passé commande bien avant ses déboires financiers, est entre temps passée de 131 avions à 45 seulement, avec au départ une usine de montage sur place à la clé (verra-t-elle le jour ?) et un milliard de déjà payés pour aider à la recherche sur l'appareil. Aujourd'hui, en fait, seuls 6 avions restent réellement commandés, le reste dépendra des vicissitudes politiques. Les Espagnols, empêtrés dans leurs finances désastreuses, on jeté l'éponge pour les 20 F-35B prévus en déclarant vouloir garder sa flotte vieillissante d'AV-8B le plus longtemps possible (à ce jour ils offrent toujours de meilleures performances d'emport !). Le Danemark, qui avait prévu 48 avions, et versé 128 millions de dollars d'aide au développement, à annulé la totalité de sa commande, déclarant que le F-35 resterait cependant sur la liste des appels d'offres, qui "sera réexaminée en 2015". Le Danemark a en effet carrément annoncé le gel de ses 48 exemplaires initiaux souhaités, dès 2010, mais a remis sa décision à 2015 pour s'équiper et remplacer ses F-16, en remettant en compétition le Boeing F/A 18 Super Hornet, l'EuroFighter Typhoon, le Saab Gripen E... et le F-35 Lightning II. Selon la presse, (Combat Aircraft de juillet dernier) l'accent serait mis sur les dépenses d'entretien, là où le F-35 n'a aucune chance de réussir ! L'Angleterre, qui a hésité par deux fois entre F-35B et F-35 C et a versé la plus importante participation avec 2 milliards de dollars a réduit aussi la voilure, passant de 138 à 48 exemplaires seulement (en fait toujours pour la même somme globale). Tout ceci n'est pas de bonne augure, car cela augmente considérablement le coût unitaire de chaque avion sorti des chaînes d'assemblage : il avait été prévu d'en fabriquer des milliers d'exemplaires pour faire baisser les coûts de revient unitaires : c'est raté. Tous ses retraits ou ses diminutions de commandes sont difficilement compensés par des commandes accrues, comme celles de la Norvège (52 avions au lieu de 48 au départ), ou les nouvelles venues, comme celles de Singapour (100 appareils !) ou Israël, qui après avoir claironné un peu vite en vouloir 100 à cependant réduit sa commande à 20 exemplaires. Le Japon reste sur ces 142 exemplaires, dont une première tranche de 42 certaine, avec 38 produits sur place sous licence. Une licence amenée sur un plateau, en fait , par le Pentagone, qui a empêché exprès l'exportation ou la construction à l'étranger du F-22 pour ouvrir un boulevard au F-35. Un pays qui vient d'entrer en récession, comme le Japon, peut-il de permettre d'investir dans une telle danseuse ? Les 100 engins commandés lui coûteraient au prix actuel 14,8 milliards de dollars... sans compter leur entretien et leur mise à niveau obligatoire... le jour où le logiciel de bord sera enfin écrit en totalité... Aujourd'hui, on en est à une somme astronomique de coût de revient : les contribuables américains paieront en effet la bagatelle de 1100 milliards de dollars au total pour la carrière complète de l'appareil, étalée sur plusieurs décennies (entretien et mises à niveau comprises), s'il tient le coup jusque là (il aura fallu au départ déjà régler 397 milliards en recherche et développement)...
Jusqu'ici tues, les critiques internes fusent de partout, sur son usage, désormais, comme ici en 2013 de la part des premiers pilotes essayeurs : "ailleurs, J. Gilmore, Director of Operational Test at Pentagon (responsable des essais du Pentagone) reprend des citations de pilotes commentant leurs missions d'essai à bord de l'appareil : "Le repose-tête est trop grand et la visibilité à l'arrière nuira à la survie au cours des missions d'engagement en surface ou en l'air", dit l'un. "La visibilité arrière réduite provoquera la perte du pilote à chaque fois durant les combats en dogfight", a fait remarquer un autre. "La visibilité arrière pourrait se révéler être un problème important pour tous les F-35 pilotes à l'avenir", admet en effet (enfin) le Pentagone. "Dans un tableau figurant dans le rapport, le Pentagone a affirmé il y a huit failles cruciales dans l'avion qui ont soulevé des drapeaux rouges au sein du ministère de la Défense. Le manque d'ergonomie de l'avion, a réduit la conscience du pilote dans une situation d'urgence et le risque que les barrières de protections des réservoirs de carburant de l'avion puissent prendre feu sont également citées, comme la probabilité d'un pilote en détresse devenant incapable d'échapper à son avion en cas d'urgence - ou peut-être à la noyade dans le cas d'une évacuation hors de l'eau". La perte de repères spatiaux, en raison d'un casque fermé, est l'un des premières critères de difficultés retenues par les pilotes. Or environ 20% des catastrophes militaires ont pour raison la désorientation spatiale du pilote, perdu dans ses cadrans, sans même parler du casque du F-35 qui lui fait perdre encore plus ses repères.
Peu de gens chez les responsables US veulent le reconnaître aujourd'hui : tout a foiré depuis le début dans ce programme. "En Février 2014, le lieutenant général Charles Davis, haut responsable de l'acquisition de l'Armée de l'Air, a déclaré que le grand programme audacieux du Joint Strike Fighter était "condamnés depuis le jour où le contrat a été signé." Comme ancien directeur général du Programme pour le JSF, il apporte une perspective assez crédible pour la situation. Compte tenu de son expérience de première main et la feuille de route de la F-35 avec ses retards, ses dépassements de coûts, ses problèmes techniques, des limites opérationnelles et l'échec de l'ensemble de la flotte en raison d'un incendie de moteur, je suis très enclin à être d'accord avec lui. La phrase du lieutenant général sur l'évaluation de Davis est importante : Il ne dit pas le F-35 a été récemment condamné, ou est en difficulté en raison de l'évolution de dernière minute comme les interdictions de vols, le retrait afghan, les défis techniques récents, ou le dernier chasseur furtif chinois. Pas du tout. Il dit que le système d'arme le plus cher de l'Amérique a commencé son existence même dans le pétrin. Il était condamné dès le début." L'illustrateur subtil de l'article résumant la situtation en transfiormant le F-35 en Ford Edsel, le modèle de voiture le plus foireux jamais fait aux USA ! L'une des pires voitures jamais construites selon les spécialistes automobiles (*)
L'avion en est donc aujourd'hui à 22 années de développement ("its too late to stop now", again ?) : les études remontent au lancement du programme JSF en 1992. Le premier vol du tout premier prototype a eu lieu en octobre 2000 (après son rival Boeing), le premier F-35A volant en décembre 2006. Le premier F-35C n'a volé qu'en juin 2010, soit 18 ans après le lancement de la série, et la l'année précédent la date prévue de mise en service actif des trois modèles initialement prévue en 1981... (aujourd'hui repoussée à 2018 pour le dernier modèle C). On en est là aujourd'hui, avec un engin pour lequel le Pentagone, le Congrès qui a donné son aval à plusieurs reprises, ne peuvent plus faire machine arrière : "too big to kill" peut-on lire un peu partout. Un programme devenu trop gros pour être arrêté. L'avion a été annoncé en 2001 à 81 millions de dollars pièce... dans la perspective d'être construit au départ à 2458 exemplaires. En dessous de 1000 exemplaires, déjà, ce prix n'est plus tenable. Cet avion est un désastre économique ! Selon les derniers chiffres (ceux du Pentagone prévus pour l'année 2015, qui sont en deça de la réalité des coûts véritables), un F-35A coûterait aujourd'hui 148 millions de dollars, un F-35B 251 millions et le F-35C 337 millions ! Et ce sans compter les frais de recherche et développement, qui évoluent tous les jours tant les modifications sont constantes sur les trois appareils !
La décision de continuer ou d'arrêter une telle gabegie est donc avant tout politique. Si le précédent responsable du Pentagone, ancien de la CIA, Robert Gates avait émis de vives réserves sur l'engin, et même rnenacé d'en arrêter le programme, cela n'a jamais été le cas du républicain recruté par Obama, à savoir Chuck Hagel. Le 11 avril dernier, en visite sur la base d'Eglin (ici à gauche) où sont déployés les premiers F-35, il avait affirmé "que le F-35 était sur les rails" et que "ces coûts étaient en train de baisser", ce qui n'était manifestement pas le cas. "Cet avion est le futur des chasseurs, pour toutes nos armes" avait-il appuyé. Ajoutant qu'à Eglin, les pilotes "avaient une grande confiance dans l'avion", ce qui là encore ne semblait pas être la réalité taént officieusement les critiques étaient sorties discrètement. "Le F-35 est un aussi le plus grand projet que nous avons et nous le surveillons de près" avait-il encore affirmé, repoussant les critiques avec un "je sais qu'il ya des problèmes avec, mais je ne connais pas de plate-forme que nous ayons jamais eue, que nous ayons jamais conçu, que nous avons jamais essayé et mis en service qui ne soit pas passée par ces questions." Eludant d'un seul coup la masse de problèmes toujours pas résolus : un entêtement caractérisé, venant d'un personnage déjà bien lesté de belles casseroles industrielles, pourtant. Quelques semaines plus tard après cette déclaration, Chuck Hagel démisssionnait, en raison de divergences, paraît-il avec la politique extérieure en Syrie, et notamment le refus d'Obama d'intervenir au sol en y envoyant des troupes. "Les circonstances de la première élection Hagel ne resteront pas sur le chemin de sa confirmation en tant que Secrétaire de la Défense, s'il est nominé. Mais elles servent d'une autre manière à rappeler la façon dont nous avons abandonné nos élections à des entreprises privées ayant des liens partisans, comme le journaliste texan Ronnie Dugger l'avait mis en garde dans un article prémonitoire du New Yorker en 1988 " écrit le Washington Spectator avais-je alors rappelé. Le prochain saura-t-il arrêter le massacre industriel ?
Devant lui, pourtant, il y a le mauvais exemple d'une autre danseuse, le F-22, à qui on ne fait faire que de petits tours de piste, en Syrie, justement, en vérifiant bien qu'il n'y ne pourra pas être abattu, le jour où on lui laissera mettre le museau en dehors de son hangar. Un engin très nettement surévalué, et survendu à la presse par des campagnes médiatiques à répétition. Le "meilleur chasseur de tous les temps" n'est qu'une autre enclume volante, comme l'est son successeur, ce projet impossible à arrêter à moins de voir s'écrouler tout un système, qui vit du mensonge entretenu pour le maintenir si difficilement en l'air. Un mensonge et un chantage : le spectre du chômage est employé depuis le début par les lobbystes de Lockheed, qui "dépensent 15 millions par an" note un commentateur, et qui "à chaque occasion rappellent aux politiciens que l'avion est fabriqué dans 46 états et qu'il est responsable de 125 000 emplois et rapporte 16,8 milliards à l'économie américaine." Si le "capitalisme c'est du vol", comme l'a dit jadis un célèbre barbu, on en a le symbole ailé, désormais, capable de faire écrouler tout un système en cas de défaillance. Le F-35, à sa manière, n'est qu'un autre mur de Berlin. Le jour où il tombera aura des répercussions mondiales. Et ce jour n'est pas loin d'arriver...
source indispensable :
http://www.dedefensa.org/article-le_jsf_gr_gore-syst_me_et_r_silient_13_03_2013.html
.... à relever à son propos la phrase "le JSF a été conçu, ficelé, arrangé, développé et réparti de façon à ce qu’on ne puisse plus jamais s’en débarrasser" et ce superbe "en effet, la question ne se pose pas aujourd’hui de savoir si le programme JSF doit ou non être abandonné, mais bien de savoir comment existe ce fait extraordinaire qu’il n’ait pas été abandonné, – ou, pour retrouver notre énoncé fondamental : “pourquoi le programme JSF n’a-t-il pas et n’est-il pas abandonné alors qu’il pose un risque mortel pour une part importante de la puissance militaire US ?” Selon l'auteur, très en verve sur le sujet, le F-35 doit sa continuation directement au 11 Septembre, et la grande peur irrésolue qu'il a générée. Et franchement, ça se tient comme raisonnement. Et à partir de là, la phrase "some catastrophic and catalyzing event––like a new Pearl Harbor" de la clique de Paul Wologowitz prend un sens encore plus sinistre. Que n'aurait-on pas en effet créé pour fabriquer cette grande peur dans les esprits . ?
l'autre source étant le formidable film :
https://www.youtube.com/watch?v=f0rcHWN1n10
(*) un flop qui demeure étonnant, car la voiture était plus commune qu'un véritable cactastrophe industrielle : "Voilà pourquoi nous sommes tous ici, non ? Pour célébrer la Journée J, la date D, d'il ya 50 ans, lorsque Ford a pris l'un des plus hilarants gadins. Mais pourquoi ? Il n'était vraiment pas si mauvaise, cette voiture, pourtant. Certes,elle était assez simple, mais gourmande en carburant, surtout au début de la fin de la récession des années 50 . Mais quoi d'autre ? Elle a été la première victime du mouvement hyper-hype de Madison Avenue. Les gourous du marketing de Ford ont amené le public dans l'attente de la Wondercar , juste sortie de la poêle et alimentée au plutonium alors ce qu'ils ont vu arrriver était une simple Mercury. Les critiques culturels ont spéculé que la voiture a été un flop parce que la grille verticale ressemblait à un vagin. Peut-être bien. Mais l' amérique dans les années 50 avait certainement la phobie de ce tout qui était féminin. Comment l'Edsel est arrivée à être synonyme d'échec ? A cause de tout ce qui précède, regroupé en une pensée de groupe irrationnelle et une mise sous pression par des médias joyeusement moqueurs. Fait intéressant, c'est le président de Ford, Robert McNamara, qui a convaincu le conseil de renflouer le projet Edsel ; une décennie plus tard, il était devenu le secrétaire à la Défense, qui ne pouvait se résoudre à quitter la catastrophe du Vietnam, même si il savait ce qu'était un citron quand il en voyait un". Lancée en 1957, sous 18 modèles différents (?) la voiture damnée avait fait perdre à Ford en novembre 1959, mois où elle fut arrêtée en production, 250 millions de dollars (environ 2 milliards actuels) note The Washington Post. Comme commentaires sur son étonnante grille verticale, on avait eu "collier de cheval" ou "siège de toilettes". La voiture fuyait de partout, sa peinture pelait, ses portières ne fermaient pas toujours, ajoute l'hilarant l'article. Aujourd'hui, les rares derniers modèles produits (de la gamme 1960), devenus collectors, se vendent 200 000 dollars.
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