Baiser (pas) volé
Bon, fallait s'y attendre, la campagne du Jean-Claude Romand qui nous sert de président n'allait pas faire dans la dentelle. François Mitterrand avait la Force Tranquille, le pro-américain Sarkozy se présenterait donc logiquement en "no surrender" (pas de quartier), même si sa tête démesurée posait devant une eau d'un calme olympien (normal pour une eau grecque). Je vous l'ai déjà dit et redit, il faut s'attendre dans les jours à venir à voir arriver dans les médias des opérations de basse manipulation, comme on avait pu en voir en 2007 avec notamment celle de la Gare du Nord. Ces opérations ont déjà commencé, avec cette fausse fuite de séquence soi-disant volée dans les stufios de TF1, où l'on peut apercevoir madame, en ce moment en tête de gondole de magazines télévisés, venue embrasser son "chouchou" juste avant sa prestation télévisuelle où son époux, les yeux de coker larmoyants, nous annonçait son douloureux "sacrifice" à se présenter à sa réélection. Sans lui, la terre va s'arrêter de tourner, nous a-t-il dit, et François Hollande à une queue fourchue et un trident, voire un couteau entre les dents pour tuer les vieilles du genre Bettencourt, alias miss Lov Group. Ben tiens. Cet homme n'a pas plus la stature d'un président que l'habitué du bistrot de ma rue : son analyse ne dépareillerait pas les pages de Gourio, et il est prêt à tout pour séduire l'électorat, y compris à recruter sa nouvelle épouse (et même l'ancienne là, in english, œuf corse). Hier c'était donc la séquence : il y a bien quelqu'un qui m'aime, en France, et je vous le montre !
Car ne nous leurrons pas : le "buzz" déjà fabriqué avec cette historiette de baiser fait bien partie de la première opération de manipulation de cette campagne. Le communiqué de TF1, si promptement balancé aux médias est tellement cousu de fil blanc qu'il ne peut en être autrement. A croire qu'il était déjà dans la poche du président-menteur avant même d'arriver dans les studios de TF1."C'est la première fois que de telles images sortent de TF1. Les caméras tournent toujours avant les interviews télévisées mais ces images ne sont évidemment pas destinées au public. Une enquête a été diligentée à l'intérieur de l'entreprise. C'est évidemment contraire à la déontologie de toute l'équipe, des techniciens comme des journalistes" explique la chaîne ; feignant la surprise. Chez le site de la femme de DSK, qui relève le pseudo "couac", on tombe dans le panneau en relayant telle quelle l'info : "Outre l'effet de curiosité, ces images ont peu de valeur, mais cette scène était "hors antenne" et sa diffusion pose problème au sein de TF1."
Mon œil : cela fait partie d'un plan de communication évident, dont la preuve se situe dans Le Figaro, dont la rédaction a pesté ces derniers jours contre Etienne Mougeotte, qui a transformé le journal en paillasson sarkozien. "Mises en ligne sur plusieurs plates-formes, ces images ont été prises hors antenne " précise candidement le jounal, révélant d'une certaine manière non pas une fuite, mais plutôt un envoi concerté. Car cette fuite est bien plus rapide à se répandre que le fuel du Concordia : en très peu de temps, tous les sites l'affichaient... avec le même commentaire, recopié à la lettre près. Reuters annonçant la "plainte" de TF1 à 18h14, les journaux diffusant dans la foulée. Seuls nos amis belges, toujours fin observateurs de la France, avaient osé révéler d'emblée la supercherie : "La scène n'a pas échappé à un caméraman de la chaine privée. Les images circulent sur le net. Reste à savoir si ce sont des images volées ou un coup de pub pour lancer la campagne ?" s'inquiétait la Libre.be, premier à réagir... sainement. Il ne faut pas en effet plus de deux sous de jugeote pour comprendre comment ne pas manquer pareille occasion : n'importe quel communiquant vous dirait qu'un président aussi détesté à en effet tout intérêt à se montrer aimé au moins d'une personne ! Et effectivement, ça ne sert qu'à ça et les cris d'orfraie de TF1 sont un leurre évident ! le même dont s'était servi Closer, pour afficher "les photos que personne n'a vues" (ben comment avaient-ils fait pour les avoir alors, ces photos toutes apparues le même jour où "Cendrillon" était découverte par l'inconsolable divorcé de Cécilia ?)
Voilà donc la première dame balancée au premier comme garantie du caractère aimant de celui qui pendant cinq ans à mis des milliers de français à la rue, en raison d'une politique dans laquelle le petit peuple sur lequel il tente sans honte de remettre le grapin en activant la fibre sentimentale, a plus que morflé. La compostion théâtrale du geste est en effet visible : de remettre en place la rosette de la légion d'honneur n'a aucun sens. C'est tellement minuscule (c'est un pin's !) que ce ne peut être que téléphoné, pour faire durer la séquence, uniquement, et montrer toute l'attention (et l'affection) de celle qui l'effectue. Téléphoné, comme l'était le baiser sur la bouche du salon d'honneur lors de la cérémonie d'intronisation. Tout le monde avait remarqué ce jour-là que l'ex-première dame avait tout d'abord tenté d'esquiver le mouvement, pour s'y résoudre, afin de ne pas avoir le sentiment de commettre d'impair. Ce jour-là, celle qui avait une plus grande conscience de la responsabilité portée sur les épaules, c'était elle, pourtant arrivée fagottée dans une robe en lamé d'un goût incertain pour ce genre de cérémonie.
Il s'agît donc bien d'une action concertée. Le soir même où le sauveur de l'Europe, de la planète et de galaxie (et au-delà !) venait envahir le téléviseur, la nouvelle première dame était dans l'après-midi en "une" d'un magazine TV pour venir nous causer de ce qu'elle regarde à l'Elysée (?). Voilà qui est passionnant, pour sûr : imaginez Desesperate Housewifes ou Docteur House comme sujet de conversation politique, et vous aurez une petite idée du gouffre dans lequel l'homme qui regarde l'horizon maritime tente de nous entraîner. Pourquoi donc dans celui-là, de magazine, pouvait-on se demander. La réponse est aussi triviale que les éructations de meeting d'un Sarkozy commandant de bord déjà passablement déchaîné : car c'est le plus... offert. Oui, vous avez bien lu : il ne s'achète pas, il est gratuit, car inclus comme supplément télé dans pas moins de 41 journaux différents, répartis sur toute la France (*). Gratuit, et tiré à 5 865 082 exemplaires ! Si ce n'est pas un plan de com' élaboré, ce genre de mise en salon dans tous les foyers français !!!). En regard, Télé 7 jours fait ne tire en 2011 qu'à 1 403 057 exemplaires, Télé-Loisirs à 1 033 357, et Télé Star à 1 132 451 !!! Qu'on ne me fasse jamais croire que ce soit fortuit : même Nous Deux, longtemps dirigé par la femme de Bernard Pivot, l'ex-roi du roman-photo, n'attire plus que 311 315 lecteurs !
Une première dame de France enrôlée donc visiblement dans une campagne de déminage, débarquée sur les plages arrière de véhicules pour servir la bonne parole présidentielle. L'ex-reine de la presse people, venant parler éthique journalistique. Pendant que son mari éructe, la mère de famille éteint les incendies ou en empêche l'apparition : elle vient y dire qu'elle "regrette que le journalisme d’opinion prenne de plus en plus de place, au détriment du journalisme d’information". Sans se rendre compte que sa présence en photo à plus de 5 millions d'exemplaires gratos dans le paysage médiatique c'est déjà un journalisme d'opinion, et le relais direct d'une propagande qui s'annonce d'emblée grâtinée. Juste après que son mari ait remballé séchement des journalistes lors de sa dernière prestation télévisuelle, la voilà porte parole d'un Sarkozy courroucé : "je n’aime pas du tout les journalistes ou les animateurs qui ne vous laissent jamais répondre aux questions et passent leur temps à vous interrompre", ajoute-t-elle. "Je trouve cela insupportable, méprisant et, hélas, de plus en plus répandu (...)." Gonflé, comme attitude, il n'y a en France actuellement qu'on puisse voir ça : Michelle Obama joue les jardinières ou les profs de fitness, mais de vient pas sermonner ceux qui se seraient permis de secouer son mari.
On en est pas encore aux records de direct de Vladimir Poutine (4h30 d'affilée à la télévision), mais on risque fort d'y aboutir avant la fin de la campagne avec un tel début et un tel renfort. Et si ce n'est pas sur la durée, c'est déjà sur le mode de la méthode Coué ou du marteau-pilon. Interviewée hier (plus une journée sans elle désormais !), elle clame en effet qu' "il a tout fait bien ou presque pendant cinq ans. Je trouve généralement que ses idées sont fabuleuses, très fortes". Les 3,4 millions de chômeurs sont censés applaudir, je suppose ! On croyait que Nicolas avait une nouvelle épouse, on s'aperçoit qu"il a une claque (qui aura bientôt sa statue de soutien électoral méritant) . Et comme ça ne suffira pas encore, tant le commandant du navire a déjà posé plus de la moitité de la coque sur le rivage, il faudra s'attendre à une méchante escalade, verbale et de communication. Après l'épouse, celui qui ne veut pas se résoudre à perdre va lâcher les chiens. On les connait aussi, ses aboyeurs, dont le petit préfet qui jappe comme un roquet des propos que ne renierait pas un LePen. On les connaît, les méthodes d'un Hervé Novelli, qui tient tant à ce que jamais on n'évoque son passé de Gudiste. On peut s'attendre, au milieu de ce naufrage de fin de règne à des actes bien pire encore : et de cela, un homme en a parlé, de la méthode qu'applique à le lettre Nicolas Srakozy : c'est la stratégie de la peur savamment entretenue pour obtenir un réflexe électoral pavlovien.
Tout est dans l'expression qui est la plus apparue depuis l'annonce de l'entrée en lice de Sarkozy : "la campagne accélère", a-t-on vu partout. Or la vitesse, c'est aussi le terrain ou se complaît le plus la peur, vous dit Paul Virilio, magistral observateur de notre monde contemporain et de la France sarkozienne : "On ne peut pas comprendre la terreur sans comprendre la vitesse, l'affolement, le fait qu'on soit pris de vitesse, occupés par une information. Pour cela, la phrase d'Hannah Arendt est capitale : « La terreur est l'accomplissement de la loi du mouvement ». C'est ce qui se passe en ce moment à travers l'accélération de l'information, qu'il s'agisse de l'effondrement du World trade center, du krach boursier, de la tempête Xynthia ou de la coupe du monde de football, ..., nous vivons une synchronisation de l'émotion, une mondialisation des affects. Au même moment, à l'échelle de la planète, on peut ressentir la même terreur, la même inquiétude pour l'avenir ou ressentir la même passion. C'est quand même incroyable. Ce qui me porte à croire que nous sommes passés de la standardisation des opinions -rendue possible grâce à la liberté de la presse- à la synchronisation des émotions. La communauté d'émotion domine désormais les communautés d'intérêt des classes sociales qui définissaient la gauche et la droite en politique, par exemple. Nos sociétés vivaient sur une communauté d'intérêt, elles vivent désormais un communisme des affects." On ne saurait mieux dire.
Toute la campagne du Romand qui nous sert de président va se jouer sur ce thème, c'est déjà une évidence. Une vraie bataille qui débute fort (comme la France du même nom), avec en commando d'éclaireurs la première dame de France, venue ostensiblement tirer sur la fibre sentimentale des français, comme sur la rosette de son époux (n'y voyez aucune allusion salace). De la manipulation, rien d'autre : le staff des communicants derrière le président a lu Virilio, c'est une évidence, et place d'emblée le débat sur l'affect et l'émotion. Refusons de nous laisser entraîner sur une technique de communication type Feux de l'Amour, chargée de cacher le gouffre abyssal de la pensée ou vont nécessairement resurgir les mêmes thèmes que 2007, tel l'assassinat en règle de mai 68 et autres fadaises signées Henri Guaino (**). Le capitaine avait drossé le navire France dès le lendemain de son élection sur la terre ferme, attiré par l'attrait de l'argent et non par le bonheur de ses passagers ou de son équipage. Depuis, l'épave est immobile. Et ce n'est pas ce baiser faussement volé qui va la redresser.
(*) Un joli score en effet : TV Magazine est composé des titres suivants : Aisne Nouvelle, Alsace, Berry Républicain, Bien Public, Centre Presse Aveyron Semaine, Centre Presse Poitiers, Charente Libre, Couplage Groupe Nice Matin Semaine, Courrier de l'Ouest, Courrier Picard, Dauphiné Libéré, Dépêche du Midi, Dernières Nouvelles d'Alsace, Echo Républicain de Chartres, Est Eclair, Est Républicain, Eveil de la Haute Loire, Figaro, Havre Libre, Havre Presse Le Progrès de Fécamp, Indépendant Semaine, Journal de la Haute-Marne, Journal de Saône et Loire, Journal du Centre, Libération Champagne, Maine Libre, Manche Libre, Midi Libre Semaine, Montagne, Nord Eclair, Nord Littoral, Nouvelle République des Pyrénées, Nouvelle République du Centre-Ouest, Ouest France, Paris Normandie, Parisien, Petit Bleu du Lot et Garonne, Populaire du Centre, Presse de la Manche, Presse Océan, Progrès - La Tribune/Le Progrès, Provence, Républicain de l'Essonne, Républicain Lorrain, République du Centre, Sud Ouest, Télégramme, Union-L'Ardennais, Voix du Nord, Vosges Matin, Yonne Républicaine
(**) Guaino, le premier à dégainer le mot "civilisation" avant Guéant : "Dans cette étonnante interview, notre stylo insensible (nous ne pouvons parler de plume à ce stade) explique d’emblée pourquoi avoir ainsi pillé Edgar Morin. Sa raison est simple et atterrante : tout simplement pour servir d’écran de fumée aux problèmes actuels rencontrés par le gouvernement qu’il soutient et dont il fait partie. A la question "Quelle était la nécessité pour Nicolas Sarkozy d’appeler en ce début d’année à une « politique de civilisation » ?" il répond "Celle de tracer une perspective, de fixer un dessein après sept mois d’intenses réformes. Durant les sept derniers mois, il a fallu prendre tout de suite des décisions, ouvrir des chantiers, mais il était nécessaire au seuil de cette nouvelle année de définir la deuxième phase" De réformes de "fond", beaucoup s’accordent à dire qu’on n’en a pas encore vu vraiment la couleur et encore moins les effets, il est donc pénible d’entendre dire qu’on passe déjà à autre chose. "Circulez, il n’y a déjà plus rien à voir", aurait dit un comique. Sarkozy devenant l’homme des grands projets abandonnés par la grâce de son plumitif, qui vient de lui trouver un dérivatif capable de tenir des mois, tant est vague la notion phare utilisée, celle de "civilisation", empruntée on le sait (et déjà déformée) à un philosophe contemporain.
Guaino est un homme inquiétant, car sa pensée profonde révèle la mainmise souhaitée sur les esprits et non pas sur les individus seuls. "Méfiez-vous de Guaino, il est dangereux", avait dit un jour de lui Édouard Balladur... à Nicolas Sarkozy lui-même."
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