Banlieues : chronique de la haine ordinaire
L’article d’hier (Villiers-le-Bel deux ans après Clichy) et d’autres j’en suis sûr font réagir violemment les internautes sur un sujet des plus sensibles, les émeutes de banlieues.
Mais l’examen à la loupe d’un accident comme celui de Villiers-le-Bel montre à quel point il est difficile pour le citoyen de rester neutre. En effet, chacun y va de son sentiment, pire parfois de son ressentiment, laissant ainsi déborder sa haine envers les keufs et kosar ou envers les blacks & beurs selon.
Peut-être fallait-il que l’article soit plus long, pour entrer plus dans le détail, mais non, c’est maintenant que je vais entrer dans le détail pour expliquer ce qui doit être expliqué, ne pas rester dans une ignorance qui permet aux uns et aux autres de cultiver leur petit jardin de haine, vous savez notre côté crapaud que nous maintenons normalement sous le couvercle de prince charmant et qui parfois explose.
En premier lieu, quelles sont les causes des émeutes ?
Il n’y a pas de réponse unique, mais un ensemble d’événements qui sont tous connus et analysés, qui vont de la défaillance des parents, au chômage en passant par la dégradation du tissu social. Aucun élément pris isolément ne peut expliquer la situation, c’est bien l’accumulation de défaillances qui nous a menés à cette situation.
Il s’agit en fait d’un cercle vicieux, chaque nouvel événement est la conséquence des défaillances multiples précédentes, et chaque conséquence est traitée comme une cause. Pour stopper le cycle, CRS, contrôles, etc., puis, quand le calme apparent est revenu, le retour à l’abandon.
Dans les nombreux commentaires et réactions que j’ai lus et entendus, nous voyons clairement se dessiner deux camps, l’un qui comprend plus ou moins, l’autre qui condamne plus ou moins.
Comme je tentais de l’expliquer, il y a ceux qui ne sont finalement pas surpris que les violences aient eu lieu, et j’en fais partie, simplement parce que depuis deux ans rien n’a vraiment changé et surtout parce que les émeutiers de 2005 ont appris et ont sans aucun doute amélioré leurs plans d’actions. Simplement parce que les voitures n’ont pas arrêté de brûler, c’est plus diffus, plus dispersé donc moins visible néanmoins cela se poursuit. Simplement aussi parce que les jeunes n’ont rien à perdre...
Dans l’autre camp qui prône une répression sans faille, le raisonnement souvent repris est de se demander pourquoi et comment deux jeunes étaient sur une mini-moto fonçant à vive allure sur la route. Le raisonnement principal tient en deux points 1- avec quel argent se sont-ils procurés la moto 2- dans tous les cas, ils étaient au minimum en infraction de par leur comportement. Il n’y a rien à redire ce sont des questions que chacun est en droit de se poser. Enfin, ils estiment que le comportement qui consiste à s’attaquer aux forces de l’ordre et à incendier voitures et écoles sont des actes criminels. C’est aussi vrai, rappelons seulement que, dans l’imaginaire collectif, Mai-68 était une joyeuse fête qui s’en prenait aux CRS, montant barricades ici et là. La différence réside dans le degré de violence, c’est évident.
Comme dans tout cercle vicieux trouver la sortie n’est pas simple, et quand j’écris que nous sommes dans la chronique ordinaire de la haine, c’est bien parce que le fossé est énorme, il s’agit de réconcilier l’inconciliable. Souvenez-vous quand vous étiez plus jeunes, dans les années 1980, quand le couple franco-allemand se soudait. J’ai le souvenir d’anciens qui avaient encore en eux cette haine envers le boche, alors que les nouvelles générations célébraient l’amitié franco-allemande.
Il en est de même
entre certains jeunes de banlieues et certains policiers et par une
partie de la société, une haine ordinaire cultivée par la rancœur.
Cette rancœur qui vient que des hommes se sentent humiliés parce que
des gens comme moi sans doute expriment une forme de considération pour
ce qu’ils considèrent comme des voyous et pensent que nous les oublions
ou négligeons.
Mais comment faire ?
La crise de confiance est profonde et elle est couplée à une défiance vis-à-vis de tout ce qui représente la République, la police, la justice, l’école. J’ai lu un commentaire qui disait ne pas comprendre que l’on puisse considérer cet accident comme suspect. C’est difficilement concevable pour toute personne vivant dans un cadre classique, cela l’est moins dans certaines cités, c’est une donnée essentielle à la compréhension des tensions qui règnent dans les banlieues, si la police dit une chose, dans l’esprit de groupe c’est forcément le contraire qui s’est passé, cela n’a rien de rationnel, mais c’est ainsi.
Pourtant, il faut bien sortir de cet affrontement, pour cela il faut retrouver des leaders qui sauront s’investir et avoir l’autorité morale pour renverser cette situation. Certains sont « irrécupérables » peut-être, mais attention à ne pas tomber dans l’extrêmisme qui voudrait comparer l’incomparable. Les émeutes ne sont pas organisées au sens politique du terme, incendier une voiture, le centre des impôts ou l’école est un acte inconcevable pour nous, c’est un acte de protestation fort pour les émeutiers qui n’attendent plus rien !
2007 n’est pas 2005, la violence a monté d’un cran et continuera de monter tant que les problèmes de fond ne seront pas traités et que la haine s’entretiendra confortablement...
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