Bateau ivre
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C’est étonnant de voir qu’aujourd’hui encore, dans le bateau ivre voguant au gré des humeurs boursières, des faillites et des recapitalisations sans fin, ceux qui proposent de réguler la démence financière sont accusés d’irresponsabilité militante. Oui, le premier ministre peut parfaitement décider le matin le démantèlement d’une banque pourrie, prévoir pour cela une facture (pour le contribuable) de quelques deux cent milliards, mettre en danger la Caisse des dépôts et consignations, et affirmer l’après midi que vouloir contrôler la mondialisation est, en soit, la preuve d’une folie gauchisante.
Pire, il se donne le droit d’affirmer qu’une simple pensée alternative met en danger la Nation toute entière. Le président, se déclarant « responsable » face à des suggestions et projets « irresponsables par définition » engage la énième rencontre avec la première allemande, finissant par conclure qu’il est en tout d’accord avec elle, sauf pour l’essentiel. La bourse, durant un quart d’heure, semble rassurée, ouf, l’économie mondiale est sauvée,… jusqu’à demain matin.
C’est déjà ça. Dans un monde du déjà vu perpétuel, du déjà dit et du déjà fait, dans un monde fracassé par l’irresponsabilité de la finance, la gloutonnerie du marché, par la sauvagerie des délocalisations, les casses cyniques et cycliques perpétrés par les places boursières, par l’évaporation des fonds dématérialisés au sein des places offshore, on considère toujours avec la fougue chrétienne insistant sur la virginité de Marie, que vouloir changer tout cela est pure utopie périlleuse, suicide collectif, chute aux tartares infernaux…
Les chantres de ce désordre mondial, impuissants mais toujours arrogants, se demandent sur les plateaux en direct, comment peut-on présenter une alternative présidentielle ayant un hurluberlu antimondialiste dans ses rangs. Ils expriment leur « profonde inquiétude » et se donnent comme objectif de mettre à nu « les contradictions criardes » portées par son discours.
Entre temps, d’Athènes à New York, de Vancouver à Pékin et Melbourne, de Madrid à Huston, partout dans ce monde meurtri, les citoyens se révoltent contre les requins de la finance et les notables de la catastrophe, exigeant l’impossible : un Etat de Droit, de la justice sociale, un peu d’humanité, dématérialisée elle aussi dans les arcanes comptables et les vaines recapitalisations bancaires répétées à l’infini. Comme s’il existait un droit divin gravé sur une pierre biblique commandant que les pertes seraient pour le citoyen et les bénéfices pour le marché.
Les « enragés » qui ceinturent Wall Street disent une chose très simple : il est devenu intolérable que deux pour cent des individus accapare la majorité des richesses. La responsabilité, le sérieux, l’humanité des uns et des autres se calculera en sa capacité de répondre à cette (toute simple) exigence.
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