Bébé trisomique refusé : suite et démenti
L’affaire du bébé refusé par ses parents adoptifs australiens fait des vagues. Sur les réseaux sociaux une quête a été lancée pour opérer le petit garçon, atteint d’une malformation cardiaque dont la nature n’est pas révélée. L’association qui a lancé cette quête a recueilli 140’000 euros. De quoi l’opérer et lui apporter des soins sur une longue période.
Le démenti
Les parents adoptifs, qui n’ont pris que la soeur jumelle en bonne santé, on démenti avoir eu connaissance que la petite fille avait un frère jumeau. Par le biais d’une connaissance ce couple a fait publier un communiqué de presse dans un journal de sa ville de Bunbury, proche de Perth. A la naissance il n’aurait été informé que de la maladie cardiaque du garçon.
« L'hôpital ne l'avait pas prévenu que la mère porteuse avait accouché, outre d'une petite fille, d'un garçon atteint de trisomie 21, a-t-il assuré lundi devant la presse. »
Par ailleurs :
« Gammy était très malade à la naissance. On a dit aux parents biologiques qu'il ne survivrait pas, qu'il avait au mieux un jour à vivre », écrit cette amie. L'accouchement devait par ailleurs avoir lieu dans un grand hôpital international de Thaïlande mais la mère porteuse s'est rendue dans un autre établissement, violant ainsi l'accord passé avec les parents biologiques, selon le journal Bunbury Mail.
L'accord rompu, le couple n'avait plus en principe aucun droit sur les enfants. La mère porteuse a néanmoins accepté de leur confier la fillette, ajoute le quotidien. « Les parents biologiques étaient effondrés de ne pouvoir emmener le garçon avec eux (...) mais en restant ils prenaient le risque de perdre aussi la fillette », soutient l'amie. »
Les réseaux sociaux stigmatisent le couple et parlent d’eugénisme, soit d’élimination des individus handicapés ou malades. Je rappelle ici que je considère deux sortes d’eugénisme. Celui, de sombre mémoire, qui a été pratiqué par les nazis, visant à éradiquer les faibles et favoriser les forts, et l’autre, prôné par les homéopathes, cherchant à renforcer le terrain bio-psychologique en douceur pendant la grossesse.
Le premier est le plus connu, c’est lui qui a porté cette dénomination avant tout autre, mais on ne doit pas ignorer le bon eugénisme, celui qui vise à améliorer l’immunité et qui répond à des valeurs non-excluantes. Cet eugénisme se développe d’ailleurs dans la médecine avec les projets de thérapies géniques.
Le Prénatest, qui décèle assez tôt une trisomie et qui peut être suivi d’un avortement médical, est aussi un eugénisme. En 2011, 96% des femmes françaises avortaient quand le test à la trisomie 21 était positif. L’eugénisme est là, qu’on le veuille ou non. Il faut noter que depuis peu une nouvelle orientation est constatée : de plus en plus de couples, en Suisse, gardent le foetus même si le test est positif (je n’ai plus le lien à cet article).
Il y a donc une réflexion à porter sur l’eugénisme, mais aussi sur la vie des personnes trisomiques et de leurs parents. Dans la nature animale, un enfant faible ne survit pas. Chez les humains, il survit. L’importance donnée à la vie et à l’humain commande nos comportements. De plus certaines personnes trisomiques vivent de manière relativement autonome. L’une d’elle a même obtenu le bac avec mention assez bien au Maroc. Son père, journaliste, a fait passer ce message :
« Yasmine a intégré le cursus scolaire normal. Elle a toujours eu des notes qui la classent parmi les bons élèves, aux alentours de 14/20 de moyenne. Mais elle travaille deux fois plus depuis le primaire, et bénéficie de cours de soutien. Cette année, nous n'avons pas eu un seul week-end en famille. La récompense, la réussite de Yasmine n'en est que plus belle. » Et d'ajouter : « Si je vous en parle, c'est parce que les parents d'enfants handicapés sombrent souvent dans la sinistrose, alors qu'avec des efforts, beaucoup d'efforts tous les espoirs sont permis. »
Toutes les situations ne sont pas si roses car il y a différents degrés dans la maladie. L’eugénisme « éradiquant » est-il bienvenu ici ? Ne faut-il pas plutôt faire avancer les recherches dans le sens d’une thérapie génique in utero ? Et si l’on refuse l’eugénisme « éradiquant », que penser de l’avortement ? S’il n’est pas pratiqué pour les mêmes raisons de santé, il est néanmoins théorisé, favorisé et revendiqué comme un droit et une liberté fondamentale. Ce qui me laisse toujours mal à l’aise. Car pourquoi ne pas y voir l’éradication de ce qui nous dérange ? Avorter d’un foetus porteur d’une grave maladie génétique est-il plus répréhensible moralement qu’avorter qu’un foetus en bonne santé ? A l’extrême, n’y a-t-il pas là une discrimination et une inversion des valeurs : sacrifier le fort et préserver le faible ?
Je n’ai pas de réponse à cela, seulement des questions.
Revenons plus généralement à la PMA et la GPA. Ici la mère porteuse thaïlandaise a dit que l’argent obtenu servira à éduquer ses autres enfants et à rembourser ses dettes. Il s’agit donc bien plus qu’un montant d’entretien de la grossesse. C’est un marché, un échange commercial, et donc une marchandisation de l’enfant. Au même titre que l’homme qui vend son sperme.
Cet aspect éthique est loin d’être bien réfléchi et encadré. Mais la liberté individuelle prime.
De plus, le bébé est issu d’un ovocyte d’une donneuse thaïlandaise et du sperme du père adoptif australien. La mère porteuse n’est donc pas la mère et n’aurait logiquement aucun droit ni responsabilité sur ces enfants. Mais le père adoptif ? L'argument de la rupture de contrat mentionnée plus haut n'est-elle pas une manière de refuser une part de sa responsabilité ? Il est aussi le père biologique du garçon trisomique. La situation juridique semble loin d’être simple.
Enfin les parents adoptifs on pu quitter la Thaïlande et rentrer en Australie avec la soeur jumelle : avec quel passeport ou déclaration de parentalité, puisque la Grossesse Pour Autrui est interdite dans les deux pays ?
23 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON