Bécassine Le Pen est-elle une Ségolène bis ?

Si la poussée actuelle du Front est indéniable il faut cependant garder la tête froide et surtout, ne pas sombrer dans un triomphalisme de mauvais aloi : par le passé certains scores obtenus en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont largement dépassé les derniers résultats. Mais l’on voit où cela nous a mené : nulle part, c’est-à-dire à l’arrivée à la tête de l’État d’un liquidateur, d’un hargneux syndic de faillite. En toute logique, la déferlante bleu marine ne devrait pas être une success story à la française mais plus sûrement une grosse déception à venir. Car au fond, le sondage grandeur nature qui donne 15% au Front sur 75% des cantons renouvelables où il était présent devrait se traduire par environ 19% d’intentions… or nous sommes là assez loin des 24% précédemment annoncés. Un étiage qui certes dépasse effectivement une majorité présidentielle réduite à la portion congrue : 17%. Le danger est donc bien réel pour elle et c’est pur calcul si M. Copé, secrétaire général de l’UMP, tente de rejouer la scène rabâchée du Front républicain. Non par simple collusion avec la gauche socialiste mais par un calcul cynique : barrer à tout prix la route à la droite nationale au nom des « valeurs » (et nul ne sait vraiment lesquelles) afin de l’éliminer tout de suite de la compétition. On restera par ailleurs sceptique quant à l’intention de Mme Le Pen de vouloir diriger un « parti comme les autres ». Face au tsunami mondialiste, le Front national sera en effet un parti de rupture, autrement dit un parti révolutionnaire, ou ne sera pas ! Car les Français authentiques, sans remettre en cause le principe de la Res publica, ne parviendront à inverser la tendance – celle qui les fait glisser sans bruit dans un statut de citoyenneté de seconde zone – qu’au prix d’une Révolution nationale. Chose évidemment impossible dans le contexte et par le truchement d’un système électoral truqué de A à Z et d’une partitocratie vérolée jusqu’à la moelle.
Il ne s’agit évidemment pas de dénigrer le Front national mais d’exercer un légitime droit de critique constructive. Parce que si nous voulons avoir une chance de pouvoir un jour – le moins éloigné possible et avant qu’il ne soit définitivement trop tard – réhabiliter ce pays, nous devons, nous, gens de France, ne pas prendre nos désirs pour des réalités et au contraire, nous armer d’une dure exigence de réalisme politique. Cette exigence commence par s’exercer à l’égard de ceux ou de celles qui prétendent porter nos couleurs, ayant été par le passé trop souvent trompés sur l’aptitude à remporter des victoires de ceux de nos représentants au verbe haut qui prétendaient nous mener à la reconquête de nos libertés et à la maîtrise de notre destin. L’éloquence et le charisme sont certes au nombre des attributs du talent politique mais en soi ne sont rien s’ils ne sont servis par une féroce volonté de vaincre.
Dix jours de recul sur les résultats des cantonales confirment ainsi ce que la première intuition donnait pour évident : les sondages plaçant Mme Le Pen en tête au premier tour des présidentielles sont une manipulation relativement grossière avec pour seul objectif de propulser la candidature Strauss-Kahn en réduisant au silence ses rivaux.
Le tsunami de sympathies qui permettrait à MLP de recueillir en 2012 un quart des voix (à comparer au suffrage de seulement 2,45% des inscrits aux européennes de juin 2009), n’est bien entendu qu’un raz-de-marée virtuel. Mais plus la ficelle est grosse moins elle est visible puisque ce sont les émotions - la peur des uns, l’espoir des autres - qui gouvernent la vie politique et tiennent lieu de raison au commun des mortels.
Sur le site Rue89, Jacques Le Bohec, spécialiste ès comm avait été l’un des premiers à dénier toute valeur à ces sondages qualifiés d’insignifiants parce que démesurément éloignés de la date du scrutin et dont les réponses obtenues ne pouvaient être que « ludiques, de défiance ou de protestation ». Des résultats d’autant plus biaisés qu’affectés d’un coefficient multiplicateur de 1,5 destiné à corriger une supposée réticence de la part des sondés - d’ailleurs rémunérés - à exprimer leur préférence vraie. Conséquence loin des 24% annoncés, les intentions de vote devaient probablement tourner autour de 16%. Compte tenu des derniers résultats l’estimation n’était pas absurde surtout au vu du taux record d’abstentions : 55,63% ! Une arithmétique élémentaire qui a le mérite de montrer à quel point la démocratie est dévoyée et récupérée au profit exclusif des marchands de sable et d’opinion. Pour conclure Le Bohec dévoilait le pot aux roses : « Ne devrait-on pas, avant de balancer n’importe quels chiffres en pâture, être sûr que les réponses soient sincères, que l’échantillon soit représentatif et que l’on doive le redresser ? À moins qu’il ne s’agisse d’une opération fumeuse destinée à rendre Strauss-Kahn indispensable ? ».
En faisant grimper artificiellement la cote de popularité de MLP, il s’agissait de relancer la haine viscérale que la classe politique cultive avec autant d’amour que de hargne, à savoir le « populisme ». En vérité, par-delà la comédie des fausses frayeurs à destination du public, la composante nationalitaire de la France plurielle, en tant que repoussoir et paria politique, constitue à l’évidence un merveilleux instrument aux mains de ses pires ennemis. Un moyen qui a largement fait ses preuves. Déplorons alors que Mme Le Pen semble se prêter encore à ce drôle de jeu en ne le dénonçant pas avec la virulence qui conviendrait. Parce qu’au fond cette manipulation éhontée de l’opinion, qui n’est rien d’autre que tromperie, escroquerie morale, devrait naturellement tomber sous le coup de la loi !
Alors qu’une tragédie sans pareil frappait l’archipel nippon, l’exploitation commerciale de ce déplorable montage médiatique se poursuivait sans vergogne et au moment où les écologistes affublés de la défroque des antinucléaires en profitaient pour monter au créneau afin de semer la panique à l’approche du scrutin cantonal, Mme Le Pen, elle, ne trouvait rien de mieux que d’aller faire son bébête show à Lampedusa. Comme si, nouvelle Ste Geneviève, elle allait de son corps faire barrage au tsunami humain qui menace la vieille Europe !
Il est vrai que 500 pauvres hères y débarquent chaque jour, pourtant ce n’est pas la politique spectacle qui résoudra ce fléau mais plutôt une offensive en règle contre les immigrationistes de Bruxelles, contre l’Union européenne (à ne pas confondre avec l’Europe réelle, celle des peuples) et son projet implicite de submersion démographique du Nord par le Sud. Nous attendons Mme Le Pen au pied du mur et qu’au lieu de se pavaner à contretemps devant une poignée de journaleux, qu’elle brandisse haut, à Strasbourg et ailleurs, l’étendard de la révolte contre la dictature européiste. Rien ne l’empêchait non plus d’aller là où on ne l’attendait pas, à Tokyo, en ambassadrice de la France ce qui eut pu lui conférer une authentique stature internationale. Mais pour cela encore faut-il voir plus loin que le bout de son nez…
Répétons-le, la volonté de vaincre exclut de s’appuyer sur une politique de communication à la petite semaine ou sur des manipulations de l’info dont l’effet ne peut être finalement que négatif (nous parlons toujours des sondages bidons d’Harris Interactive pris comme exemple du piège médiatique où ne pas tomber). Faut-il imaginer que Mme Le Pen est consentante ? Et qu’en se pliant aux règles tacites du jeu de la politique spectacle, elle s’accommode en fait des manipulations de son image qui la servent peut-être mais à court terme. Accéder aux premières marches du pouvoir est une chose, ne pas en dégringoler, une autre.
De sorte qu’il s’agirait de l’habituelle partie de poker menteur dont l’enjeu ne serait pas la victoire finale mais une « reconnaissance » cousue de marchandages, d’éternels compromis, de renvois d’ascenseur et de passe-moi la rhubarbe je te donnerais le séné… Cependant il ne saurait y avoir de restauration nationale véritable hors d’une stratégie de « rupture » d’avec la tyrannie consensuelle et le terrorisme intellectuel qui l’accompagne. Ou le Front national se soumet aux soi-disant valeurs républicaines (et l’on sait ce que cela veut dire) afin de devenir « comme les autres », ou bien il déclare la guerre politique totale à ce que Chirac, bien inspiré sur son lit d’hôpital, avait le 6 décembre 1978 dans son Appel de Cochin, désigné comme le « parti de l’étranger », autrement dit Bruxelles, Londres, New-York, Tel-Aviv, toutes les places fortes du mondialisme ravageur.
Dans cet ordre d’idée - la cause franco-française étant entendue et la candidature Strauss-Kahn pour la gauche réunie ne faisant aucun doute - notons que le fournisseur de sondages sur mesure Harris Interactive est en effet commandité par le parti de l’étranger… De la même façon que Mme Royal avait servi de faire-valoir à M. Sarkozy avec l’aide des communicants anglo-américains d’Ogilvy, de même MLP se voit lancée au Zénith de la presse hexagonale par la filiale d’une transnationale américaine de la communication dirigée par Mme Kimberly Till. Curieusement celle-ci serait membre du Council on Foreign Relations (l’un des groupes de pression les plus influents de Washington), laquelle aurait également partie liée avec l’Administration fédérale, notamment le FBI où elle a exercé les fonctions de conseiller spécial du Directeur… Ne faut-il voir là que pur hasard ou encore une forme de relation de cause à effet assortie d’une ingérence à peine déguisée de Washington dans les Affaires de la République et l’élection du prochain chef de l’État ?
Force est de constater que depuis 1965 et la candidature à la présidence de Jean Lecanuet - un atlantiste ouvertement soutenu par les É-U - contre de Gaulle qu’il contribua à mettre en ballotage, le Département d’État n’a eu de cesse de contrer tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à une politique française autonome héritée ou non du gaullisme. C’est d’ailleurs en 1966, un an après sa difficile réélection, que de Gaulle retire la France du commandement intégré de l’Otan. Giron atlantiste dans lequel M. Sarkozy, fidéicommis de ses patrons d’outre-Atlantique, la fait rentrer en avril 2009. Or la Maison-Blanche, qu’il s’agisse des présidents Bush ou Obama, fait tout pour éviter la répétition de l’épisode de 2003, soit le refus franco-allemand de suivre l’Amérique dans son aventure sanglante en Irak.
On observera qu’à propos de la Lybie aujourd’hui, en poussant à l’intervention, M. Sarkozy ne fait qu’obéir aux ordres de Washington qui pilote cette nouvelle guerre depuis le quartier général de sa diplomatie armée pour l’Afrique, l’Africom basé à Stuttgart. Quant à l’opinion publique, elle reste persuadée que le vote au Nations Unies de la Résolution autorisant l’instauration d’une zone d’interdiction aérienne sur la Lybie est due à la seule initiative française. Quelle rigolade !
À partir de 1981 et l’arrivée des socialistes au pouvoir, les É-U ont complètement mis la main sur la politique extérieure française : n’est-ce pas le socialo-trotskyste Jospin qui au printemps 1999, sans mandat des Nations Unies et encore moins du Parlement français, engage la France dans la guerre américaine contre la Fédération yougoslave ? Hormis le fugace épisode chiraquien, l’homme de Jarnac comprend dès 1984, après la percée du Front national aux élections européennes, quel parti il peut tirer de l’électorat national comme outil politique - que l’on dope médiatiquement ou que l’on diabolise selon les besoins - pour casser la droite libérale post gaulliste.
La suite de l’histoire est connue, le Front n’a pas su ou n’a pas voulu sortir du rôle utilitaire qui lui a été assigné voici vingt-sept ans ; cela entre autres parce qu’il eut fallu s’arracher une fois pour toutes à la paresse des figures imposées de la politique politicienne et jouer avec audace son propre jeu.
Baste du mortel consensus ! Le temps de la grande rupture est arrivé : la politique nationale sera celle du rejet de tout compromis, ou ne sera qu’un simulacre de plus… Souhaitons maintenant que Mme le Pen ne s’égare pas sur les chemins tortueux des contre-allées du pouvoir, lesquelles pourraient la conduire, craignons-le, de Lampedusa à Yad Vashem…
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