Bernard-Henri Levy en plein flagrant délit d’imposture intellectuelle
Dans la lignée de la position d’Israël ainsi que de nombre d’autres nations, Bernard-Henri Levy dans une interview donnée sur France Info se prononce pour le boycott de la conférence Durban II qui débute ce lundi 20 avril 2009 à Genève. Libre à lui de se positionner ainsi, et d’utiliser le levier de l’appel au boycott de cette conférence afin d’en dénoncer les éventuels dérapages, si par ailleurs, ce dernier n’avait pas déclaré le 6 janvier 2003 devant l’université de Jussieu : « pas de boycott ! Pas la honte du boycott ! ». Certes, me direz-vous, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, même si nous sommes plutôt enclins à penser que notre philosophe national représente, en l’espèce, l’exception qui confirme la règle.
Il fallait s’en douter, la conférence dite "Durban II" sur le racisme qui vient de débuter aujourd’hui sous le haut patronage de l’ONU suscite déjà la polémique alors qu’une myriade de nations, au rang desquelles les États-Unis, avaient annoncé leur volonté de boycotter cette rencontre internationale pourtant porteuse d’un thème essentiel au regard du devenir de l’humanité.
Ainsi, saisissant la balle au rebond, ne pouvant s’empêcher de prendre la parole, Bernard-Henri Levy, celui qui n’a du philosophe que la posture, sans en avoir la dimension, a fait une déclaration tonitruante sur les ondes d’une grande radio nationale (afin d’être certain que le plus grand nombre entende son cri offusqué), appelant au boycott de cette conférence sur le racisme, et cela dans les mêmes termes que ceux employés par Israël qui dénonce « la mascarade de Durban II » [1]. Nous assistons donc à un revirement de jurisprudence personnelle de l’immense penseur médiatique puisque ce dernier s’était littéralement enflammé en 2003 en déclarant « pas de boycott ! Pas la honte du boycott », fustigeant de son courroux théâtralisé ce moyen d’action radical qui allait à l’encontre de sa posture bien connue, par ailleurs parfaitement démontée par Guy Hocquenghem [2], de maître chanteur professionnel à l’antisémitisme. A l’époque, pour mémoire, notre Tartuffe amoureux de sagesse s’était élevé contre la position défendue par l’Université de Paris VI en faveur du sort peu envieux réservé au peuple palestinien en remettant en cause les moyens budgétaires alloués aux universités israéliennes par l’Union Européenne. Le débat avait été houleux comme le rappelle avec justesse Olivier Esteves dans son ouvrage intitulé Une histoire populaire du boycott [3]. Dés lors, il était impossible de ne pas rappeler cela à Bernard-Henri Levy tant il sait être constant quant à l’instrumentalisation perpétuelle de sa notoriété au profit d’une pensée toujours hémianopsique située aux antipodes de la posture saine de l’honnête philosophe. Mais il n’est point philosophe, me direz-vous, il n’en possède que les habits et non les outils indispensables, ni même les lettres de noblesse, qui permettent de creuser les méandres infinis de la pensée profonde, apportant au monde des idées une quelconque plus value avérée. Hier diabolisant le boycott, aujourd’hui parfait apôtre médiatique de cette pratique, le voilà sorti avec vivacité de sa tanière pour, tel un loup qui arbore le pelage soyeux de celui qui est bien repu, hurler avec convulsions ses convictions à jamais orientées dans le sens de ses propres doctrines. Tel un malvoyant de l’Histoire à l’esprit un brin perturbé par une certaine paranoïa, il ne perçoit que l’antisémitisme qu’il sous tend en permanence chez son alter ego (si tant est qu’il en ait), ramenant en permanence à lui la couverture d’une posture dés plus malsaine. Et si ce n’est cela, le voilà en pourfendeur invétéré de l’islam, cette religion qu’il n’a de cesse de diaboliser, n’hésitant pas à remiser aux oubliettes de sa conscience tous les apports fondamentaux de la civilisation arabo-musulmane, tel un véritable négationniste en creux. Jamais, nous ne l’avons entendu stigmatiser les versants intégristes du judaïsme, jamais nous ne l’avons entendu vociférer à l’encontre des fondamentalistes juifs et autres fascistes israéliens, faisant au contraire toujours preuve d’une indignation à sens unique, sans cesse prompt à amener de l’eau au moulin de son idéologie intérieure. Non content de cela, sans complexe aucun, il se permet aujourd’hui de s’endimancher des habits du boycotteur qu’il vomissait il y a pourtant peu. S’il fallait une preuve supplémentaire pour démontrer toute l’incurie de ce donneur de leçon bien médiocre, la voici, incontestable, et même au prix d’un sophisme improbable, Bernard- Henri Levy aura le plus grand mal à se justifier quant à cette pirouette de girouette.
Concernant le déroulement de cette conférence, s’il avait été le philosophe qu’il prétend, il aurait dû, au contraire de sa posture fausse, profiter de sa présence en Suisse [4], ce pays qu’il connaît si bien, pour occuper le banc des auditeurs afin d’écouter, de scruter, puis éventuellement contester les propos qui pourraient être en contradiction avec les objectifs fixés par cette réunion deuxième du genre. Il aurait pu gratifier l’assistance de sa présence, éclairer de son aura lumineuse les débats, illuminer de son savoir sans commune démesure l’inculture dénoncée de certains participants. En lieu et place de cela, il aura préféré se dénier, se faire mentir, se ridiculiser une fois de plus, et prêter le flan à une critique qu’il ne manquera pas de qualifier d’antisémite. A l’instar de l’antisionisme qu’il ne manque jamais de définir comme un antisémitisme déguisé - précisons que les arabes appartiennent au groupe des peuples sémites - , ce dernier travestit volontiers son islamophobie derrière son combat récurrent contre la barbarie de certains intégristes musulmans, dont l’exemple le plus abouti n’est autre que son ouvrage très vivement contesté consacré au destin tragique de Daniel Pearl [5]. De fait, il incarne ce qu’il dénonce, il est ce trompeur invétéré, cette figure immuable de l’escroc de la pensée, il n’est donc pas le philosophe qu’il prétend. Pour clore le débat, rappelons aux mémoires, toujours sélectives, les propos énoncés avec acuité par Gilles Deleuze au sujet des nouveaux philosophes : « Plus le contenu de pensée est faible, plus le penseur prend de l’importance, plus le sujet d’énonciation se donne de l’importance par rapport aux énoncés vides... ». S’il convient de ne rien ajouter à cela, demandons toutefois au philosophe à la chemise blanche de méditer la formule avancée par le maître [6], de s’en inspirer afin de corriger les travers qui composent son personnage tant de fois décrié.
Enfin, au-delà du fait dénoncé ici, concernant le déroulement de Durban II, on peut se demander si la présence de toutes les nations du monde n’aurait pas été préférable au boycott proposé, afin justement de s’essayer à faire consensus sur ce sujet d’une importance ô combien cruciale pour l’ensemble de cette humanité qui aura subi les plus graves outrages tout au long de son Histoire du fait notamment de cet archaïsme nommé racisme. Malheureusement il n’en est rien, et cette conférence de s’avérer le triste reflet de l’état de notre monde, toujours si profondément divisé au point de susciter moult inquiétudes quant à son avenir immédiat.
[1] Bloc notes du 05/03/2009de BHL sur lepoint.fr
[2] Guy Hocquemghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Marseille, Agone, 2003.
[3] Olivier Esteves, Une histoire populaire du boycott, tome I, l’Harmattan 2008.
[4] Il prononçait ce-jour l’allocution finale devant l’ONU sur la commémoration de la Shoah.
[5] Bernard Henri Levy, Qui a tué Daniel Pearl ?, Grasset, 2003.
[6] Gilles Deleuze, À propos des nouveaux philosophes et d’un problème plus général, In supplément de la revue Minuit, Juin 1977.
Illustration : Laurent Blachier parue à la une de Politis
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