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Accueil du site > Tribune Libre > Bien plus et bien pire qu’une simple réforme des rythmes scolaires, (...)

Bien plus et bien pire qu’une simple réforme des rythmes scolaires, de la maternelle à l’Université tout est menacé

Il est difficile de comprendre l'ampleur de la mobilisation contre la Réforme Peillon, en pensant que son seul enjeu est de savoir si nos enfants auront cours ou non le Mercredi matin.

En réalité, cette réforme s'inscrit dans un dispositif d'ensemble, celui de la Refondation de l'école et de l'Acte III de la décentralisation, dispositif qui ne vise à rien de moins qu'à la destruction de tous les fondements de l'institution scolaire, depuis l'école primaire jusqu'à l'Université.

Il appartiendra à chacun de juger, à partir des quelques informations données dans cet article, de juger de la légitimité de la résistance des enseignants et de leur combat pour la défense de l'école républicaine contre ses fossoyeurs.

Ainsi, lors du CSE du 7 février, le Ministre a inscrit à l'ordre du jour 'un "référentiel de compétences des enseignants" qui entraînera un bouleversement complet de la profession, ces fameuses compétences selon lesquelles les enseignants sont appelés à évaluer les élèves sont étendues aux professeurs.

Concernant le collège, il est clair que la volonté de mettre en place des travaux et des services "inter-degrés", l'organisation des Projets Éducatifs Territoriaux et l'implication grandissante des autorités locales, prévues par l'acte III de la décentralisation, se traduiront par l'application, à l'enseignement secondaire, du décret sur les rythmes scolaires et par l'intrusion des « acteurs locaux » dans l'élaboration du contenu des enseignements.

La volonté, affirmée par le ministre, d'accroître la "pause méridienne" impliquera une augmentation du temps de présence des personnels au sein des établissements ainsi qu'une réduction programmée des congés d'été.

 

Au lycée, le projet de "continuum bac- 3/bac+ 3", qui vise essentiellement à remettre en cause le baccalauréat comme examen terminal et à envoyer les professeurs agrégés à l'université, où le service est annualisé, conduira à des bouleversements similaires.

Tous les niveaux de l'enseignement public sont donc concernés par un projet de pseudo-refondation qui n'a d'autre finalité que de dégrader massivement les conditions de travail des personnels de l'éducation, d'augmenter leur temps de travail, en un cadre où la politique d'austérité se traduira par une nouvelle dégradation du pouvoir d'achat.

 

Concernant l'organisation de l'enseignement des langues vivantes

L'évaluation des élèves apparaît comme une anticipation destiné à être généralisée à toutes les disciplines

Avec tout simplement la généralisation du contrôle en cours de formation pour toutes les épreuves : « A partir de la session 2013, le baccalauréat, quelle que soit sa nature, contrôlera non seulement des connaissances mais également des compétences. ».

Pour les compétences, plus besoin d’examen national, ponctuel et anonyme !

Des épreuves organisées n’importe comment.

Des professeurs réquisitionnés.

Des enseignants de langue qui se retrouvent à faire passer des épreuves pour plus de 100 élèves.

Absence de rémunération.

Pas de banque de sujets, ce qui oblige les personnels à inventer au moins deux sujets, sur leur temps libre, sans rémunération, là non plus.

Des professeurs qui se voient contraints à augmenter considérablement leur temps de travail

Les horaires de cours des élèves amputés.

Des épreuves qui se passent différemment d’un établissement à l’autre, d’une commune à l’autre…

Des enseignants d’autres disciplines réquisitionnés…

 

Et le processus de mutualisation des épreuves avec passage tout au long de l’année ne risque pas de s’arrêter !

Monsieur Peillon propose de « rapprocher les trois lycées  » (lycée général, technologique et professionnel). Va-t-on vers le lycée unique ? Ce qui est d’ailleurs inscrit dans les mesures d’impact de la loi : « Prendre en compte l’expression, commune aux trois baccalauréats, des objectifs de formation et d’évaluation sous forme de compétences et de connaissances. » « Renforcer l’égalité de statut des trois baccalauréats

 

Pour tous les professeurs en lycée, c’est demain pour tout le monde !

Pour tous les personnels des autres disciplines qui découvrent le problème avec les professeurs de LV, ils savent bien que demain, c'est pour eux.

Des épreuves sur le temps d’enseignement, des journées de travail en plus non rémunérées,

Le ministère a organisé une réunion d’information le 23 janvier 2013 sur la nouvelle maquette « générique » des concours à partir de 2014.

La rénovation des maquettes de concours de recrutement passe par la mise en place de Masters métiers de « l’enseignement, de l’éducation et de la formation », et la création des ESPE.

Professeurs des écoles, certifiés, PLP, CPE, feront tous le même « métier » interchangeable, teinté d’une vague spécialisation, de la maternelle à la terminale. Quant à l’agrégation, le ministère s’est refusé, en réponse aux interpellations de la FNEC FP-FO, à confirmer son maintien en l’état au-delà de 2013-14.

 

La feuille de route de la réforme signée par la CPU (conférence des présidents d’université), la ministre de l’enseignement supérieur, le ministre de l’Éducation nationale, le 24 janvier, confirme l’objectif : « l’émergence d’une culture commune aux étudiants se destinant à l’enseignement  ». Dans ce cadre, la recherche dans la discipline faite jusqu’ici au sein du Master, très présente notamment dans la formation des futurs certifiés et agrégés, disparaîtrait.

Les étudiants auraient à justifier de l’acquisition de six « compétences » sans rapport avec les connaissances disciplinaires, ceci tout au long des deux années de Master.

La maquette « générique » proposée met en place des concours avec 2 épreuves écrites d’admissibilité et 2 épreuves orales d’admission. Les épreuves d’admission doivent valider la pré-professionnalisation des admissibles. La pré-professionnalisation représenterait environ 2/3 des coefficients.

Dans la maquette « générique », le concours, même placé en fin de M1, maintient le cadre de la mastérisation et confirme le remplacement des concours disciplinaires par des concours de compétences axées sur le socle.

La place extrêmement marginale du disciplinaire est lourde de sens, il s’agit bien de caler ces nouveaux concours sur les « référentiels de compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation. » présentés au CSE le 7 février.

 

En conclusion, chacun peut mesurer la cohérence profonde de toutes ces mesures qui semblent avoir comme finalité commune de mettre fin à tout ce qui assurait l'unité de notre école républicaine, le statut de ses personnels et le caractère national des enseignements et des diplômes.

Chacune de ces mesures va appauvrir le contenu de nos enseignements, la transmission des connaissances laissera la place à des 'compétences' dont nul ne sait, élève ou professeur, si c'est du lard ou du cochon.

Enfin, cette réforme parvient à cet exploit de combiner la réduction des apprentissages et l'alourdissement du temps de présence dans les écoles, collèges et lycées, plus de temps pour moins apprendre, le changement prend parfois des chemins inattendus et en tous cas loin des espoirs de chacun.

Tel est l'enjeu de la grève du 12 Février et de cette résistance qui ne fait que commencer, sauver notre école et nos universités, interdire l'enseignement de l'ignorance et sauver une génération d'un sacrifice annoncé.

 

Documents joints

refondation de l'école,les textes officiels

les maquettes des concours de recrutement

référentiel de compétences,déclaration du snfolc

Réforme des rythmes scolaires ,tous concernés


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4 réactions à cet article    


  • Krokodilo Krokodilo 11 février 2013 11:02

    Je suis d’accord avec certaines choses, la lutte contre le jargon « compétences » qui cache souvent le vide et rajoute des montagnes de paperasserie. Mais l’article semble dire qu’on passe de la perfection à la destruction ; or, il s’en faut de beaucoup. l’enseignement des langues est depuis longtemps un bazar. Les profs et les syndicats ont laissé imposer l’anglais officieusement au primaire et en 6e (disparition du choix), sans se rendre compte qu’ils se tiraient une balle dans le pied . résultat : toutes les autres langues ont régressé au collège et au lycée. jamais ils n’ont soutenu la vraie liberté de choix des langues, jamais ils n’ont contesté la spécialisation au primaire, alors qu’une initiation linguistique au CM2 serait largement suffisante .

    Le Bac ? Tout le monde sait qu’il serait possible de le remplacer par l’évaluation continue, sans que cela change quoi que ce soit à la trajectoire personnelle de chaque élève. C’est un reliquat du passé, de l’époque où ce diplôme national avait une grande valeur (et même le certificat d’études était quelque chose, diplôme que mes parents ont gardé dans son grand cadre). Ce diplôme national n’est même pas rélllement objectif, surtout dans certaines matières comme français, philo, histoire, où il est parfois nécessaire de pondérer toutes les copies d’un examinateur...
    Travailler le mercredi, pourquoi pas ? Il faut regarder les autres pays, voir ce qui marche ou pas, essayer de petites modifications, sans toujours vouloir faire la grande réforrme de la décennie - sauf en langues où tout est à revoir ! 
    Il est regrettable aussi qu’il n’y ait pas une forme d’évaluation ou d’échange parents-profs, un retour d’information, car la petite minorité de profs lamentables est indéboulonnables, et considèrent que les parents et les élèves n’ont pas qualité pour juger de leur pédagogie, vraien théorie mais aussi très bonne excuse pour quelques-uns que. les élèves doivent subir - rappelons qu’on choisit son garagiste ou son dentiste, mais pas les profs de nos enfants... J’ai lu que les chefs d’établissements savent quels sont les profs incompétents qu’il ne faut surtout pas mettre dans les années charnières, 3e et terminale...

    • Tristan Valmour 11 février 2013 13:53

      Cher Rakotsky

      La société humaine est technologique. Les automates remplacent l’être humain. Par conséquent, l’être humain est de moins en moins nécessaire, et il est même perçu comme parasite, au moins les plus faibles d’entre eux.

      La société humaine est gagnée par la culture anglo-saxonne tournée vers la performance directement exploitable sur le plan économique et éducatif ; vers l’aristocratie sur le plan politique. Sur le plan de l’éducation, la culture latine est traditionnellement tournée vers la connaissance, pas la compétence. L’école académique avait, dans ce cadre, pour mission l’élévation personnelle, non une performance exploitable par un tiers. Vision humaniste latine contre vision utilitariste anglo-saxonne.

      Eduquer a un coût que les véritables dirigeants ne veulent pas assumer. A quoi bon offrir une éducation de qualité à une majorité d’individus qui n’aura pour fonction que d’appliquer dans leurs professions respectives un arbre de décision ? On ne leur demande pas de réfléchir.

      Pire, l’accès à la connaissance qui entraîne la réflexion peut provoquer chez l’individu une frustration nuisible au fonctionnement des systèmes complexes (Etats et grands organismes). Si on réfléchit au sens (connaissance) d’appuyer sur un bouton (compétence), on peut peut-être ne plus appuyer sur le bouton.

      Ce qui se passe, c’est une destruction de l’école humaniste au profit de l’école utilitariste dans l’objectif de former des personnes compétentes à assister les automates qui deviennent des extensions de l’individu.

      Pour détruire l’école humaniste, rien de mieux que les évaluations internationales (PISA, PIRLS, etc.) dont les items mesurent la performance des compétences (comme savoir lire un e-mail et non plus Victor Hugo), et non la connaissance. Ces évaluations internationales, biaisées par nature (comment comparer les systèmes asiatiques où la quasi-totalité des élèves de 15 ans suit des cours supplémentaires jusque tard le soir, avec les systèmes latins ; comment comparer des pays où à 15 ans on est dans un établissement de campagne avec les pays où à 15 ans, on est dans un établissement urbain, etc.), permettent aux politiques de faire passer leurs réformes qui ont pour objet final l’uniformisation des systèmes éducatifs, accompagnée d’une privation de certains services d’éducation.

      Pour détruire l’école humaniste, rien de mieux que de supprimer des heures d’enseignement dans les matières fondamentales dont découlent toutes les autres, au profit de matières où l’on exige davantage de compétence (savoir utiliser excel) que de connaissance (comment on est venu à fabriquer excel).

      A côté de ce secteur public d’éducation dédié à la plèbe dont certains services sont privatisés, on trouve des établissements pour l’élite, où on continuera à assurer une mission de sensibilisation à la connaissance. C’est ainsi que dans les écoles Waldorf aux Etats-Unis, fréquentée par l’élite de la Silicon Valley (pour la Waldorf de Californie bien sûr) l’usage de la calculatrice est interdit.

      Maintenant, que pouvez-vous faire ?
      -  rassembler les vieux livres et faire l’école à vos enfants
      -  se taire et accepter ce futur
      -  la révolution


      • glattering 11 février 2013 20:00

        Le but est de privatiser l’education. Pour cela, il faut d’abord rendre le service publique de l’education couteux et inefficace pour ensuite justifier le fait de le supprimer. A ce moment l’education privee aura deja pris la releve et la transition aura ete en « douceur » (dqns les esprits, car pour le porte monnaie, ca sera different).

        Je vois que nos dirigeants mettent du coeur a l’ouvrage...


        • Krokodilo Krokodilo 12 février 2013 10:45

          J’ai oublié les profs absents pendant qu’ils vont se promener à Londres en séjour linguistique... Les autres classes n’ont pas cours d’anglais ! 

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