Black monday ! L’Europe sans famille
Il faudrait être sur la planète Mars, et encore, pour ne pas avoir été informé que lundi ne fut pas le meilleur jour boursier du millénaire. De Gaulle disait que la politique ne se faisait pas à la corbeille, ces derniers jours démontrent que si elle ne s’y fait pas, elle s’y trouve embarquée. Un des effets collatéraux de cette crise tertiaire - l’originelle étant les subprimes suivie par la financière par effet domino - est la désunion européenne.

Nous sommes dans un monde d’images et d’émotion. Il suffit de suivre ce qui s’est passé depuis plus d’un an pour se rendre compte que nos grands argentiers et nos politiques se sont laissés aveugler par la nécessité de faire croire qu’ils dirigeaient les événements et ont doré la pilule pour ne pas se faire fesser par leurs électeurs. On remarque que la crise des subprimes qui a plus de 14 mois, qui a mis sur le carreau des centaines de milliers de familles a fait lever un sourcil, un peu de commisération, mais pas plus. En parallèle, cette crise a eu d’évidentes conséquences économiques avec pour le moins un ralentissement économique en commençant par l’immobilier. Toujours en parallèle - il suffit pour cela de regarder la courbe de l’indice du CAC 40 mis en vignette pour - à part être demeuré - se rendre compte que cela va mal depuis de longs mois. Cela fait penser à cette image qui compare une grenouille que l’on met dans une casserole d’eau dont on monte progressivement la température et qui se laisse cuire et cette autre qui va réagir si on la plonge dans de l’eau déjà chauffée. Cette longue agonie de la bourse permettait de dire que ce n’était en quelque sorte qu’un mal nécessaire, mais que demain - oui, demain - cela allait remonter. La preuve en était aux bénéfices records des sociétés. Las, si une partie non négligeable de la population se trouve sur le carreau un jour ou l’autre cela rejaillit sur l’économie. Si les banques se trouvent dans l’obligation de monter ses taux et de prêter moins, cela englue l’économie et renchérit les dettes. Donc, nous ne sommes pas sortis de l’auberge d’autant que notre dette à nous, Français, va doublement exploser : les déficits budgétaires se creusent et les taux d’intérêts augmentent. De plus avec toutes les annoncent faites et les sorties massives de l’argent des caisses de l’Etat, nous creusons notre tombe avec les dents. Ainsi pendant plus d’un an et demi la bourse s’est-elle enfoncée avec trois chutes vertigineuses, les esprits, les beaux esprits, et notre magnifique gouvernement, répétaient à l’envi que la crise était dernière nous. Comme DSK qui vient faire un cours d’économie maintenant alors qu’à la tête du FMI il avait depuis un an la possibilité d’agir. Il y a à peine un mois, il nous disait que l’Europe serait épargnée. Il y a une chose en tout cas que l’on ne nous dit pas, c’est comment se portent les banques de pays comme la Chine (dont 4 banques sont dans les 10 premières au monde), le Japon, l’Inde, en fait à part savoir que les bourses asiatiques n’en finissent pas de plonger, on n’a que peu d’échos sur l’état de santé de leurs banques. Il serait intéressant de se préoccuper des banques chinoises, d’autant que c’est la Chine qui a en main une bonne partie des cartes financières puisqu’elle finance en grande partie le déficit américain.
Comme je ne suis pas économiste, mes théories peuvent être particulièrement fumeuses, mais comme les économistes disent n’importe quoi, je m’autorise à penser tout haut. La clé de tout semble être la confiance. Si on se réfère à l’Histoire et aux graphiques que l’on a entre les mains on peut se dire que c’est temporaire et qu’il faut faire le gros dos. On peut se dire aussi que cette crise boursière est pour l’instant moins grave que celle qui avait commencé avant le 11-Septembre et été accélérée par l’attentat des Twin Towers. Si, en toute objectivité, on regarde le montant global et la quantité de banques et d’assurances qui ont dû être secourues depuis un an, c’est, si ce n’est négligeable dans l’ensemble du monde bancaire, du moins parfaitement gérable. Le problème principal est donc la confiance. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle est loin d’être là et encore moins récupérable à court terme.
La crise de 29 avait amené dans un premier temps qui a duré une réglementation de protection bancaire, mais le système financier dont les thuriféraires ont été les Américains qui reposaient sur deux pieds malsains : le gain spéculatif et la déréglementation, a montré ses dangers. Peu à peu les Américains, pour assouvir ce qu’ils pensent être le summum de la réussite : la vénération de l’accumulation de l’argent, dans un monde où la liberté d’agir est, selon eux, le seul moyen de prouver la valeur par la libre concurrence sans entraves, ont dérégulé le monde pré (courtiers) et post (investment bank) bancaire. On a vu s’enrichir de façon inimaginable ceux qui sont à la tête des banques et établissements financiers qui ont fait partie ou propagé la crise. Dans le même temps, des chefs d’entreprise soit par des parachutes dorés, soit par des rémunérations indécentes alors que leurs entreprises ne faisaient des étincelles que par les pertes qu’elles engrangeaient. Il est d’évidence incompréhensible pour qui que ce soit, du moins inacceptable, que ce soit les contribuables qui payent les errements de ces hommes-là. Ceci met dans le même panier ceux qui sont responsables directement ainsi que les politiques par leurs comportements et les lois qu’ils ont fait voter.
En résumé c’est le système lui-même qui est à mettre au pilori et à réinventer. Les incantations punitives sont inappropriées et dégagent la responsabilité, non celle des lampistes car elle est quand même engagée, mais des politiques et du système. Cette attaque facile ressemble aux procès de Moscou : on accuse des personnes pour retarder le procès du système. On nous dit en gros : ce n’est pas le mécanisme qui est en jeu, mais les hommes. Staline n’est pas mort. Or, s’il est vrai qu’au tout début la spéculation qui a été initié à Chicago, sur le marché des céréales, avait un objectif économique sain : permettre à un agriculteur de financer ses cultures en achetant à l’avance sa récolte, le spéculateur prenant le risque que le prix à terme du blé s’effondre ou au contraire monte, permettait le financement de la culture, ce système à objectif économique et à partage de risque a été dévoyé par les spéculateurs qui ont joué sur tout ce qui pouvait s’acheter et se vendre. Il y a eu ainsi la crise du sucre, il y a celle du pétrole, il y a eu celle de la livre anglaise où Georges Soros a gagné 1 milliard de livres, et il y avait eu celles de junk bunds et maintenant celle de la titrisation des subprimes. Les deux mamelles de cette crise sont : la spéculation dévoyée dès son origine et la rémunération des traders, le tout sous-tendu par la non-réglementation de pans entiers de l’économie financière américaine. On pourrait traduire cela par l’appât du gain. La spéculation n’est plus au service de l’économie, ce pour quoi elle a été mise en place, mais pour le seul but de l’enrichissement rapide et indécent de golden boys et de patrons de banque d’investissement qui ne reposait sur aucun talent et sur un risque supporté par d’autres. C’est évidemment tout cela qui est à revoir.
Dans ce contexte, la confiance va peiner à se retrouver. Comment accepter que des hommes se soient enrichis de façon si astronomique par des mécanismes malsains et ensuite de faire payer les pots cassés par l’ensemble des populations où se trouvent tant de personnes qui usent leur santé à juste survivre ? D’évidence, ce ne sont pas les politiques qui peuvent rétablir la confiance, du moins pas ceux qui ont permis par leurs lois et leurs attitudes. Et cette confiance, malheureusement, va avoir du mal à surgir de notre Europe qui est de plus en plus mal en point. Il y a quelque temps, j’avais écrit que Sarkozy coulait l’Europe. A ce jour, les Français semblent très partagés quant à l’action de notre mamouchi. Ce communicant a joué de cette crise pour faire endosser au monde ses hérésies et ceci assaisonné d’un discours qui ne peut que prendre : en période de crise, serrons-nous les coudes. Et là il piège les opposants. Et pourtant la vraie voie en cas de crise c’est de se réunir pour discuter, c’est reconnaître ses erreurs et c’est de bâtir un projet en commun. Ce n’est en aucun cas de se taper sur le torse, d’accuser tout le monde et de demander non de réfléchir ensemble, mais d’applaudir et de suivre le diktat législativo-financier de notre Minimo. Un des plus beaux exemples est celui des parachutes dorés. En juillet 2007, il avait fait de belles et profondes déclarations. Résultat : on recommence en septembre 2008. Mais ceci n’est que la pointe de l’iceberg, c’est l’os à jeter aux chiens, ce n’est pas résoudre la crise. Sarkozy a vanté sans relâche le système américain. L’argent roi. Aujourd’hui, il stigmatise ici et là quelques boucs émissaires sans remettre en cause le système. Dans cette crise financière, non seulement il réagit très tard, mais en plus il réagit mal. Pour rétablir la confiance, il a échoué. Sa réunion à quatre dont il s’est glorifié et que la presse a encensé a été brutalement désavouée par la bourse. Dans sa réunion à quatre, il convoque l’Angleterre qui n’appartient pas au système euro et oublie l’Espagne. Double erreur. La crise débute le 13 septembre avec une forte chute boursière et le 14 par la faillite de Lehmann Brothers. Sarkozy lui a passé une petite nuit et attend 12 jours pour intervenir. Sarkozy aura une immense responsabilité dans cette crise et dans une plus grande désunion de l’Europe. Tout d’abord sachant que la France prendrait la présidence tournante du Conseil européen, il se devait d’étudier avec la présidence précédente tous les dossiers brûlants dont au moins deux : la Géorgie et la crise financière internationale. Ni l’une ni l’autre n’ont été préparées. Alors qu’il a fait le cacou devant 43 chefs d’Etat qu’il a su réunir pour une opération de promotion personnelle sans urgence et alors que le processus de Barcelone existait, il ne prend pas les deux décisions qui s’imposent dès le début de la crise :
- réunir au plus vite dans un premier temps au moins tous les présidents et Premiers ministres des pays de la zone euro. Réfléchir ensemble et créer une véritable union et étendre cette réunion aux 27 pays membres.
- réunir d’une part tous les leaders du monde politique dans un premier temps et ensuite associer le monde économique et syndical. Et lui qui avait demandé que la Constitution l’autorise à parler devant les assemblées, pour le coup, montrer et démontrer une véritable union nationale dans un discours historique.
Comme Sarkozy n’est qu’une outre pleine de vent, et qu’il n’est que dans le discours toujours emphatique, mensonger et incantatoire, la réalité est fort différente du film qu’il nous présente. L’Europe qui s’est déjà désunie pour la Géorgie démontre tout son égoïsme. Et s’il n’était pas sûr qu’une réunion au sommet le plus rapidement possible eut pu obtenir union et un début de rétablissement de la confiance, les faits prouvent d’eux-mêmes que ce qu’a fait notre Phare illuminant est au contraire un véritable fiasco. Les désaveux se succèdent. Alors qu’il a rencontré Sarkozy la veille, le Premier ministre irlandais tire tout seul dans son coin garantissant par une idée absurde 400 milliards d’euros, le double du PIB irlandais. Ce qui a pour conséquence une fuite de capitaux anglais vers l’Irlande et donc un double risque de fragilisation des banques anglaises et une demande accrue de la garantie par l’Irlande car, les capitaux augmentant, la garantie se doit de suivre. Cette non-concertation a entraîné des discours contradictoires comme ce fameux fonds européen dont ne veut pas l’Allemagne. On a même entendu des discours surréalistes, comme quoi on jubilait car l’Allemagne devrait se joindre à la bonne idée française. On est toujours dans la com. Et de plus, la vérité est ailleurs. Lorsque Sarkozy, pitoyable, veut faire une déclaration solennelle des 27 pays, il est seul et il dit dans un même discours ce qui paraît pour tous non une preuve d’union, mais une preuve d’égoïsme de plus. Il nous certifie qu’enfin l’union était faite, mais que chacun dans son pays réglera seul son problème. Cette seconde assertion est en fait la principale. C’est un échec absolu. Les marchés eux ne font plus confiance à ce genre de discours. C’est le sauve-qui-peut et vive le nationalisme financier égoïste. Dans cette même démarche, que veut dire une réunion de seulement quatre pays pour une déclaration qui sera contredite quelques heures à peine après par les faits ? Quel intérêt alors que cela vexe des pays comme l’Espagne et que cela donne du poids à un pays comme la Grande-Bretagne dont le système est calqué sur celui des Etats-Unis, système qui est responsable des maux actuels ?
Le plus grand risque actuel est le retrait massif par les particuliers des banques. Pour l’éviter, seule la confiance le pourra. Quant à avoir si on en prend le chemin, l’attitude de l’Europe et la comparaison avec les indécentes rémunérations des leaders économiques de sociétés directement responsables de la crise ou de sociétés en pertes colossales ne sont pas là pour nous rassurer.
14 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON