Blandine et le miracle des loups syndicaux
L’animal politique flamboyant se découvre une âme de héraut et n’hésite pas à proclamer l’aube de la transition énergétique levée sur la civilisation. Subjugués par la véhémence parlementaire de sa profession de foi, ou feignant opportunément de l’être, Henri Proglio et Luc Oursel saluent l’entame équilibrée de son admirable mission, dans le silence complice des personnels d’EDF et d’Areva. L’envoutement des deux populations semble avoir gagné les autres énergéticiens français et avoir inspiré à toute la communauté une paix des braves que la fronde anti éoliennes qualifie déjà de transaction scélérate.
On ne reconnaît plus les irascibles hussards colbertistes qui, à l’initiative de Marcel Paul, tiennent d’une main de fer le secteur électro énergétique français, depuis la libération. L’hypnotisme qu’exerce la mythique ministre sur le microcosme médiatico politique de la bien-pensance est-il en train d’agir aussi efficacement sur eux que sur une gauche sonnée par l’incompétence avérée de ses cadres et par la vanité de ses projets ? En tout cas, que notre écologique Evita ne prenne pas trop vite la veulerie syndicale des électriciens pour une séduction définitive : leur apparente complaisance ne survivra pas longtemps à un instinct corporatiste inscrit dans le code génétique de l’entreprise publique.
Cet instinct peut souffler à tout moment un accès de lucidité à la communauté EDF-GDF-Suez, susceptible de la mettre sur le pied de guerre sans sommation. Au demeurant, un salut socio économique insoupçonné, que la Nation croyait définitivement hors de portée, pourrait bien venir de ce réflexe collectif qu’on n’attendait plus ; douchant les espoirs de ceux qui, prenant leurs désirs pour des réalités, croient voir l’union sacrée du productivisme et de l’écologisme dans l’apparente allégeance des électriciens, voire la célébration du grand soir de la sobriété consumériste d’où il paraît que doit émerger le plein emploi. Tandis que les apôtres en chantent déjà l’avènement, des Français triviaux, lucides et/ou familiers de l’entreprise publique s’étonnent que ledit réflexe corporatiste ne se soit pas encore manifesté !
Comment les EDF-GDF-Suez ne voient-ils pas, en effet, que le projet de loi socialo écologiste en gestation ne structure rien moins que la diabolique mécanique de renchérissement et de raréfaction continus d’une énergie électrique de moins en moins nucléaire ? Partant, les électriciens et leurs fédérations syndicales commettraient une erreur d’appréciation tragique en croyant les promoteurs de cette loi, leurs affidés et leurs obligés statutaires des grands corps industriels de l’Etat encore longtemps disposés à tolérer la quasi gratuité d’une denrée condamnée à se raréfier et à devenir hors de prix : les kWh électriques et gaziers.
Demain, le pouvoir voudrait-il maintenir contre vents et marées ce privilège accordé en 1946 aux actifs et aux retraités des opérateurs historiques, que l’impact physique et économique d’un tel avantage en nature sera devenu intenable... Un peu comme la présence croissante de billets de train gratuits dans le chiffre d’affaire d’un parc ferroviaire durablement figé par une politique d’austérité.
Mais l’on peut être assuré que, le moment venu, ces syndicats et ce personnel ne manqueront pas de montrer à la France entière l’étendue de leur détermination à défendre coûte que coûte « l’intérêt général », surtout à dévoiler une fois pour toute la conception qu’ils ont toujours eue de cette défense et des seuls motifs « légitimes » à l’engager dans un conflit total...
À laisser passivement se renforcer l’idée d’une vassalité aux nouveaux directeurs de la conscience collective, ces syndicats et ce personnel en posture d’homologation du paradigme de la frugalité sociale doivent bien garder à l’esprit qu’on ne peut pas avoir la femme soûle et la barrique pleine ! En d’autres termes, collaborer allègrement à l’organisation de la pénurie, sans prévoir de se l’appliquer à soi même, aura quelque chose d’indécent lorsqu’il n’y aura plus rien à partager... Dans ces conditions, on s’explique mal l’étrange assoupissement d’une communauté professionnelle habituellement aussi bouillante : pour une fois que, dans un secteur économique vital, on aimerait la voir faire preuve de la vigilance et de la réactivité indécentes observées chez son homologue de la SNCM, pour ne citer qu’elle...
La lucidité et l’instinct syndical fassent en tout cas que cette communauté se ressaisisse sans tarder et engage la défense précoce, farouche et percutante de ses intérêts catégoriels... Peu importe que, ce faisant, elle mesure ou non à quel point défendre l’abondance d’une richesse aussi essentielle que l’énergie électrique véhicule – une fois n’est pas coutume – la défense de l’intérêt général.
Or, qu’électriciens et gaziers ne s’y trompent pas : cette abondance est aujourd’hui bel et bien compromise par un projet de loi qui semble les laisser indifférents. Ce dernier se révèle en effet, de plus en plus clairement, le pendant énergétique de la calamiteuse loi ALUR portée par Cécile Duflot, l’autre prophète de l’ordre nouveau, ex bras armé de la justice écolo sociale. En faisant de l’idéologie le moteur de son économie immobilière administrée, l’éphémère ministre a réussi l’exploit de sinistrer le secteur du logement en seulement quelques mois. Les mises en garde de tout ce que la France compte de professionnels, de spécialistes et d’experts du domaine, contre les perversités de cette loi, n’avaient pourtant pas manqué. En vain : chez nous, le dogme semble plus que jamais au pouvoir.
Les mêmes causes objectives et prévisibles produisant les mêmes effets, notre pays s’achemine vers un juin 40 de l’énergie avec une inconscience et une désinvolture qui laissent pantois. Une fois encore, il se dispose à dissiper ses chiches ressources dans une illusoire défense passive dont le formidable appétit d’énergie de la tectonique économique mondiale en mouvement ne manquera pas d’engloutir les kWh épargnés à marche forcée (1). Aux citadelles « économies d’énergie imposées », « isolement massif et subventionné du parc immobilier » et autre « promotion assistée des bâtiments à énergie positive » de cette ruineuse ligne Maginot (1), il convient d’ajouter le renforcement du soutien (déjà colossal) à deux filières d’énergies davantage fatales, et donc subies, que renouvelables.
Personne ne semble s’émouvoir que, dans une période de disette budgétaire aussi alarmante qu’appelée à durer, un tel programme d’investissements publics prévoie d’obérer significativement les ressources de l’État. Chez la plupart des analystes sérieux, il fait pourtant de moins en moins de doute que les dispositions financées par ce programme auront à peu près la même efficacité socio économique que celles financées par la loi ALUR.
Comme toute guerre, celle de l’énergie ne peut se gagner sans l’action déterminante des forces offensives. Aussi, ignorer que le renforcement de celles-ci – ou au moins le maintien de leur potentiel – est un préalable absolu à toute confrontation constitue-t-il une authentique trahison nationale. Une trahison d’autant plus gravissime qu’investir l’essentiel des ressources disponibles dans une défense notoirement précaire équivaut à brûler ses vaisseaux et à priver le pays de toute voie de secours.
Les symptômes de l’anémie délibérément provoquée aux appareils nationaux de production électrique de plusieurs pays européens, dont la France, sont déjà flagrants. Ils témoignent que l’économie et le confort matériel de ces pays vont pâtir tout aussi immanquablement du délire « alternatif » que le logement français de la loi ALUR : Cf les liens http://www.lesoir.be/tag/blackout, http://www.lesoir.be/650024/article/actualite/belgique/elections-2014/2014-09- 10/catherine-fonck-ca-va-etre-boxon-si-on-change-plan-delestage et http://www.usinenouvelle.com/article/avec-2000-mw- de-deficit-rte-alerte-sur-les-risques-de-penurie-d-electricite.N283423#xtor=EPR-419.
Si vous ne le faites pas pour la communauté nationale, faites le au moins pour vous mêmes, a-t-on envie de dire aux Électriciens et aux Gaziers ! Que vous ayez une conscience citoyenne ou corporatiste du devoir professionnel, il devient en effet plus qu’urgent de vous mobiliser pour sauvegarder un outil industriel duquel dépend à des degrés divers la subsistance de nombreux compatriotes... dont, ne l’oubliez pas, vous faites partie. Cet outil n’est autre que notre parc électronucléaire, élément essentiel des forces énergétiques offensives mentionnées plus haut. Non seulement vous devez tout faire pour qu’on n’y touche pas, dans votre intérêt et dans l’intérêt supérieur du pays, mais, pour être cohérents, vous devez désormais œuvrer sans relâche à relancer sa dynamique de renouvellement, de développement et d’évolution technologique. Avec le bâtiment, c’est là de surcroît l’un des plus sûrs moyens de donner un coup de fouet immédiat, significatif, durable et ô combien salutaire à une croissance française dangereusement en berne.
(1) Les évolutions tendancielles souhaitables – et seulement elles – prescrites par cette loi ne peuvent tirer leur financement que des dividendes dégagés par une économie saine et efficace. Prétendre renverser l’ordre des facteurs, en faisant de ces évolutions les éléments tactiques et stratégiques d’un Gosplan, alors que l’État hyper endetté n’a plus un sous vaillant, relève de l’escroquerie... Encore et toujours ce préalable du minimum de prospérité économique, dont on ne sort pas. Or, l’actualité mondiale apporte la preuve éclatante que ce préalable a lui même un préalable : l’accès à une énergie suffisamment abondante à des coûts non prohibitifs !
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