Blue Bayou , l’arroseur arrosé.....le combat des (v)empires ...
Un rapport chinois trace un portrait désastreux des Droits de l’Homme aux Etats-Unis
par Patrick Martin
Les présidents américain et chinois, Barack Obama et Hu Jintao,
lors d’une rencontre en Chine le 17 novembre 2009. Photo : AFP.
Le
13 mars, le Bureau de l’information chinois du Conseil d’État publiait
un rapport intitulé : « Le dossier des Droits de l’Homme aux États-Unis
en 2009 ».
Ce document
était clairement destiné à réfuter le rapport annuel du département
d’État américain sur le respect des Droits de l’Homme pour 2009, publié
deux jours plus tôt.
Le rapport
chinois souligne légitimement que le gouvernement des Etats-Unis
« publie année après année des rapports sur les droits de l’homme pour
accuser d’autres pays, et utilise la question des droits de l’homme à
des fins politiques pour s’ingérer dans les affaires internes des
autres pays, diffamer leur image et avancer ses propres intérêts
stratégiques. Cela expose complètement son double standard en matière
de droits de l’homme… »
Administrer au
gouvernement des Etats-Unis une dose bien méritée de sa propre médecine
n’absout pas pour autant le régime chinois de ses violations flagrantes
des droits de l’homme. Il gouverne de manière autocratique sur une
population de 1,3 milliard de personnes, la plupart étant des paysans
désespérément pauvres et des travailleurs très exploités.
Ceci étant dit,
le rapport chinois est un document révélateur –sobre, parfois même
subtil, basé sur des faits tirés entièrement de source gouvernementale
et médiatique des Etats-Unis, chaque élément étant soigneusement
documenté. Il donne un portrait des Etats-Unis du 21e siècle conforme à
celui vu par la plupart du monde, un portrait contrastant de façon
éclatante avec la mythologie officielle et la propagande médiatique
américaine.
C’est sans
surprise que ce rapport est passé inaperçu dans les médias de masse aux
Etats-Unis. Le rapport de 14 pages est divisé en six sections
principales : la vie, la propriété et la sécurité personnelle ; les
droits civiques et politiques ; les droits économiques, sociaux et
culturels ; la discrimination raciale ; les droits des femmes et des
enfants ; la violation des droits de l’homme par les Etats-Unis contre
les autres nations. Le portrait cumulatif en est un d’une société en
profonde crise qui va en s’aggravant.
Quelques statistiques et faits cités sur la violence et la répression policière aux Etats-Unis :
-
Chaque année, 30.000 personnes meurent dans des incidents impliquant une arme à feu.
-
Il y a eu 14.180 meurtres l’an dernier.
-
Dans les dix premiers mois de
2009, 45 personnes ont été tuées en raison de l’utilisation du Taser
par la police, le total s’élevant à 389 pour la décennie.
-
L’an dernier, 315 policiers de
la ville de New York ont été soumis à une supervision interne suite à
une « utilisation incontrôlée de la violence ».
-
7,3 millions d’Américains sont sous la juridiction des autorités du système correctionnel, plus que tout autre pays.
-
60.000 prisonniers, selon les estimations, ont été violés en détention l’an dernier.
Sur les droits
démocratiques, le rapport note l’espionnage gouvernemental omniprésent
de sa population, autorisé en vertu du Patriot Act,(2) le vaste réseau de surveillance d’Internet par l’Agence de sécurité nationale (NSA),(3)
et le harcèlement policier contre les manifestants antimondialisation à
Pittsburgh l’an dernier lors du sommet du G-20. Soulignant l’hypocrisie
de la rhétorique du gouvernement des Etats-Unis sur les « droits de
l’homme », les auteurs observent que « la même conduite dans d’autres
pays aurait été dénoncée comme étant une violation des droits de
l’homme, alors qu’aux États-Unis cela est présenté comme un contrôle
nécessaire du crime ».
Le rapport ne
fait qu’effleurer le problème de la crise socioéconomique aux
Etats-Unis, notant un niveau record de chômage, de pauvreté, de famine
et de sans-abris, ainsi que 46,3 millions de personnes sans
assurance-maladie. Il offre quelques faits rarement discutés dans les
médias américains : 712 personnes ont été incinérées aux frais du
public dans la ville de Los Angeles parce que les familles étaient trop
pauvres pour payer l’enterrement. Il y a eu 5.657 morts au travail en
2007, la dernière année pour laquelle des données sont disponibles,
soit un taux de 17 décès par jours (pas un seul employeur n’a été
accusé au criminel pour ces morts). Quelque 2.266 vétérans sont morts
des conséquences d’un manque d’assurance-maladie en 2008, 14 fois le
nombre de soldats tués en Afghanistan cette année.
Le rapport
démontre l’existence d’une discrimination raciale omniprésente contre
les Noirs, les hispanophones et les Amérindiens, les sections les plus
opprimées de la classe ouvrière. Ce phénomène s’exprime aussi par un
nombre record de plaintes de discrimination raciale à l’embauche, soit
plus de 32.000. Le rapport note également le nombre croissant
d’incidents de discrimination ou de violence contre les musulmans, et
la détention de 300.000 immigrants « illégaux » chaque année, 30.000
immigrants se retrouvant dans un centre de détention chaque jour de
l’année.
Le rapport note
que l’Etat de Californie a imposé des sentences de prison à vie 18 fois
plus souvent à des noirs qu’à des blancs, et que, en 2008, lorsque la
police de New York fait usage d’une arme à feu, 75 pour cent des cibles
sont noires, 22 pour cent hispaniques et seulement 3 pour cent
blanches.
Le rapport fait
référence à la réalité bien connue de l’iniquité salariale pour les
femmes, avec un salaire médian à seulement 77 pour cent de celui des
hommes, par rapport à 78 pour cent en 2007. Selon le rapport, 70 pour
cent des femmes en âge de travailler n’ont pas d’assurance-maladie, ou
ont une couverture inadéquate, des factures ou des dettes élevées
reliées à des questions de santé.
Les enfants
sont de loin les plus durement touchés par la misère économique, 16,7
millions d’enfants ayant manqué de nourriture à un certain moment
durant l’année 2008, et 3,5 millions d’enfants de moins de 5 ans
souffrant de la faim et de la malnutrition, soit 17 pour cent au total.
La faim chez les enfants est combinée à un autre phénomène malsain,
celui du travail endémique des enfants dans l’agriculture : quelque
400.000 enfants font du travail de cueillette. Les Etats-Unis sont
également les premiers au monde dans l’emprisonnement des enfants et
des mineurs, et le seul pays qui n’offre pas de liberté conditionnelle
aux contrevenants juvéniles.
La politique
étrangère américaine est également l’objet de critiques justifiées. Un
pays avec autant de pauvres et d’affamés compte pour près de 42 pour
cent du total des dépenses militaires mondiales, un colossal 607
milliards de dollars, et il est le premier marchand d’armes mondial,
avec des ventes internationales de 37,8 milliards de dollars en 2008,
une augmentation de près de 50 pour cent par rapport à l’année
précédente.
Le rapport
chinois mentionne également les preuves documentées de la torture des
prisonniers en Afghanistan, en Irak et a Guantanamo Bay, le réseau
mondial de bases militaires américaines, l’embargo américain de Cuba
(opposé par l’Assemblée générale de l’ONU par un vote de 187 contre 3),
et l’espionnage systématique du globe par les Etats-Unis avec le
système d’interception NSA « ECHELON », aussi bien que le monopole
américain sur serveurs Internet responsables de la gestion du trafic.
Le rapport
souligne aussi les violations délibérées par les Etats-Unis des
conventions internationales sur les droits de l’homme. Washington a
soit signé et non ratifié ou refusé de signer quatre conventions
majeures des Nations unies : sur les droits économiques, sociaux et
culturels ; sur les droits des femmes ; sur les droits des personnes
handicapés ; et sur les droits des peuples autochtones.
Le rapport ne
discute pas des causes de la dégénérescence des conditions sociales aux
États-Unis — il ne fallait d’ailleurs pas s’y attendre, puisque cela
nécessiterait une explication du lien causal entre la pauvreté, la
répression et la discrimination et le fonctionnement du système de
profit capitaliste, une explication que Beijing peut difficilement
entreprendre.
Article original en anglais, WSWS, paru le 19 mars 2010