Bye-bye, actionnaires
Serge July quitte Libération, c’est officiel, tandis qu’Alain Genestar, le directeur général de la rédaction de Paris-Match regarde vers la porte. Pourquoi ? Encore une fois parce que l’actionnaire majoritaire a décidé de prendre le pas sur le destin d’une rédaction de presse.
Dans ces conditions, comment peut-on encore parler de liberté de la presse ?
Cette liberté fondamentale n’existe pas, lorsqu’Arnaud Lagardère réagit, certes, avec un peu de retard, au coup de fil de l’un de ses grands amis, Nicolas Sarkozy, qui n’a pas supporté de voir sa femme au bras de son amant à la une de Match le 25 août dernier. Non que ce soit toujours grandiose, Match. C’est du people haut de gamme, avec des photographes roués au scoop qui gardent des airs de paparazzi. Mais on s’en moque. Le problème est ailleurs. Que l’on puisse faire virer un directeur sous prétexte qu’une photo a déplu, voilà qui interpelle, consterne, étrangle. Que l’homme qui s’est senti blessé se nomme Sarkozy n’y change rien, au contraire.
Cet homme-là, candidat en 2007, devrait donner l’exemple en acceptant les règles du jeu démocratique de la presse, et en ne cherchant pas à faire pression par tous les moyens à sa disposition (et Dieu sait qu’il en a) pour se venger. Quel bel exemple de civisme que celui de la vendetta, Monsieur Nicolas Sarkozy, vous êtes héroïque ! Outre que vous défendez sournoisement un modèle de société anti-démocratique dans lequel la presse serait muselée plus encore qu’au temps de l’ORTF, vous ne jouez décidément pas le jeu. On n’utilise pas impunément son image quand on est homme politique et arrivé à ce niveau de responsabilités étatiques. On ne décide pas, sans en prévoir toutes les conséquences, y compris les plus fâcheuses, de projeter son couple sous les flashs de la presse, décidant de donner à la France l’image d’un Bruce Willis (en moins sexy) marié à une femme d’affaires glamour. On ne s’étonne pas, à ce jeu-là, que Demi Moore puisse filer le guilledou avec quelqu’un d’autre, et que cela se sache. Quand on fait tout pour être super-over-médiatisé jusqu’à la nausée, il y a des retombées. Ces retombées, vous ne le savez pas encore, c’est que jamais la France ne vous élira en 2007.
Et que ce soient les soldes à l’Elysée comme au Printemps ; qu’à Matignon, votre ministre de l’Intérieur, dans votre propre parti, joue à « Adieu, je reste » ; ou que Lionel Jospin sorte du bois encore une fois, tout cela n’y changera rien. Que DSK, Lang, Fabius et la plus plébiscitée, et en un sens légitime, malgré ses bourdes, Ségolène Royal, se livrent à une guerre de cent semaines pour agrandir le domaine royal n’infléchit pas ma certitude. Vous ne passerez pas.
En dépit de ce dépeçage en règle auquel se livrent vos adversaires, la France ne vous élira pas. Non, jamais, Monsieur Sarkozy, et certainement pas les journalistes, ou alors, ceux du Figaro.
Dans ce climat, dans ce climat où le citoyen est oublié, où la démocratie est bafouée, où la presse est entravée, j’ai une grande envie de croire toujours et encore à mon métier, la presse, mais aussi à l’intégrité de la politique. Je le ferai en criant, dénuée de tout soupçon d’obédience gauchiste vindicative et sympathique mais si peu pragmatique : bye-bye, actionnaires...
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