C’est au remède de s’adapter au malade
C’est en substance ce que dit le microbiologiste marseillais Didier Raoult lors d’une récente interview et on ne peut s’empêcher de penser qu’en quinze jours de pandémie de grippe les néophytes auront appris davantage sur le monde secret de la recherche médicale que les citoyens en quarante ans de dogme économique néolibéral, confinement oblige.

Le parallèle entre les deux mondes est synthétisé à merveille dans un documentaire, diffusé le 11 janvier 2019 par la chaîne de télévision « France 24 », propriété de l’état français, chaîne qu’on ne peut guère accuser de complotisme, sous le titre évocateur « Malaria, la médecine naturelle contre le business », sur les effets thérapeutiques d’une plante médicinale, originaire de Chine, cela ne s’invente pas, du nom de « Artemisia annua ».
En introduction, le présentateur nous apprend que le Paludisme, ou Malaria, cause 500'000 morts dans le monde chaque année, surtout des enfants, principalement en Afrique. Les parasites ayant réussi, avec le temps, de développer des résistances, les molécules antipaludiques conventionnels des laboratoires industriels pharmaceutiques auraient perdu leur efficacité, et, côté prévention, aucun vaccin n’est disponible pour l’heure.
« On n’est jamais mieux servi que par soi-même », ont dû se dire les habitants de Madagascar qui cultivent, depuis quelque temps, une plante médicinale, l’armoise annuelle ou absinthe chinoise, Artemisia annua, efficace contre les parasites du genre « Plasmodium falciparum », agents du « Paludisme » (Wikipedia). On apprend également, sur Wikipedia, que « les grandes différences de teneur en artémisinine en fonction du sol, de la période et des conditions de récolte, de séchage et de stockage rendent difficile la standardisation et donc la garantie d’efficacité de la plante, utilisée en tisane ».
Serait-ce une des raisons, « la difficulté de standardisation », la condition « sine qua non » pour la commercialisation rentable et efficace d’un produit dans un monde globalisé, pour lesquelles l’utilisation de cette plante à des fins thérapeutiques est « fortement déconseillée par l’OMS », « interdite dans de nombreux pays » et proscrite par l’« Académie nationale de médecine » (France) qui, de son côté, avertit que Artemisia annua, dont le principe actif est utilisé dans les médicaments anti-paludisme, « ne doit pas être utilisée seule, en poudre, ou en tisane » dénonçant des « allégations scientifiquement incertaines et irresponsables de ceux qui promeuvent cette phytothérapie ».
L’institution française critique « la méthodologie d’une étude publiée en décembre 2018 par la revue « Phytomédecine », qui prétend démontrer la supériorité de l’Artemisia par rapport au CTA, traitement classique, pointant « un lien d’intérêt évident » et « de nombreuses insuffisances méthodologiques » (Sciences et avenir), le même argument qu’on entend ces jours dans le contexte de la crise du « coronavirus », argument couplé avec celui de « l’automédication des citoyens irresponsables ».
Pourtant, Il va de soi que n’importe quel médicament, naturel ou de synthèse, doit être prescrit par un médecin, puisque c’est la dose qui fait le poison. La ressemblance avec la polémique actuelle autour du principe actif d’une autre plante médicinale, le « quinquina », un arbuste, originaire d’Amérique du Sud, dont on avait réussi à extraire la « quinine », un « alcaloïde », dont l’industrie pharmaceutique se sert depuis le XIXème siècle pour la synthèse chimique, donnant naissance à la « chloroquine », est frappante.
Depuis 2005, la société française « Bionexx » achète, chaque année, à 10'000 paysans malgaches, 1'800 tonnes de feuilles séchées d’Artemisia annua, à prix fixe, un revenu complémentaire bienvenu pour les agriculteurs, feuilles dont elle extrait mensuellement 1,8 tonnes du principe actif, l’artémisinine, vendu principalement au groupe pharmaceutique suisse « Novartis », ou l’équivalent de 140'000 traitements quotidiens. (Ouest France)
Seulement, leurs récoltes étant destinées à l’exportation, certains cultivateurs malgaches et leurs familles avaient commencé à consommer les feuilles séchées de la plante sous forme d’infusion, constatant une nette amélioration de leur état de santé en peu de temps, raison pour laquelle, malgré la mise en garde de l’OMS, des centaines de chercheurs africains travaillent actuellement sur l’Artemisia, avec des résultats probants.
Evoquant le « principe de précaution » l’industrie pharmaceutique est silencieuse quand il s’agit d’effets secondaires indésirables, voire dangereuses, de médicaments pourtant approuvés par les autorités sanitaires, tel que, par exemple, le principe actif « Lariam » du médicament « Méfloquine » du laboratoire « Roche », dont le chanteur belge « Stromae » avait fait les frais.
Le Dr. Jérôme Munyang, médecin chercheur congolais, termina sa maîtrise universitaire « ès sciences » dans une université parisienne où il présenta les résultats de ses analyses à son professeur qui les qualifia de « bombe » suggérant « d’arrêter immédiatement les recherches », « refusant catégoriquement toute publication qui pourrait avoir une incidence négative sur les subventions que le laboratoire obtient des compagnies pharmaceutiques, confisquant les résultats des recherches sur le champ ».
Exclu de l’université et privé de bourse, le Dr. Munyang continua tout de même ses recherches et décida de monter une étude randomisée de mille personnes, aux normes de l’OMS, avec l’orthodontiste française Lucile Cornet-Vernet au Congo. Alors que le médicament ACT (artemisinin based combination therapy), une association de deux molécules, une molécule semi-synthétique, dérivée de l’artémisinine, et une molécule synthétique, censée retarder l’apparition de résistances est jugé efficace à 80%, la tisane affiche un score de 97%, sans effets secondaires, contrairement au médicament ACT qui lui produit des effets secondaires. Avec un prix de la tisane cinq fois inférieur à celui de l’ACT, les ventes du dernier commençaient à dégringoler.
Au « Worcester Polytechnic Institute » à Boston la chercheuse Pamela Wheaters étudie l’Artemisia annua depuis 25 ans. Au début, elle n’étudiait que le principe actif « artémisinine » (synthétisé par les laboratoires pharmaceutiques ndlr), mais « aujourd’hui, nous savons que l’ensemble de la plante favorise la pénétration de l’artémisinine dans le corps et nous avons vu qu’elle (la plante ndrl) contient beaucoup d’autres composantes anti-malaria. Résultat, nous adoptons dorénavant une approche plus « holistique », approche que, par ailleurs, l’encyclopédie Wikipedia appelle « pseudo médecine ».
A part le « sacro-saint » principe de précaution, les adversaires avancent l’argument selon lequel l’utilisation de l’Artemisia annua sous forme d’infusion à grande échelle risquerait de générer des résistances, or cette plante est cultivée et consommée en Chine depuis 2'000 ans, sans développer des résistances.
Le principal frein à son utilisation généralisée est l’OMS (Organisation mondiale de la santé) car, comme le remarque Germàn Velàsquez, son ancien directeur, « Il y a 25 ans, plus de 50% du budget de l’OMS était assuré par les contributions publics des pays membres. Actuellement, les contributions publiques représentent encore 20% du budget, tandis que les fondations privées telles que la « Fondation Bill et Melinda Gates » ont pris le contrôle de l’organisation. »
« Les premiers 50 ans de son existence l’industrie pharmaceutique développait des médicaments qui guérissait des maladies, depuis une vingtaine d’années celle-ci produit des médicaments pour traiter les maladies mais non pour les guérir. Peut-être c’est plus rentable d’avoir le malade en tant que client. » Ce n’est donc pas pour rien que la « Fondation Bill et Melinda Gates » promet d’investir 4 milliards d’euros pour l’éradication de la malaria.
Contactée par l’émission de « France 24 » pour une prise de position au sujet de l’utilisation de la plante Artemisia annua à des fins thérapeutiques, la « Fédération internationale de l’industrie du médicament » IFPMA répond par e-mail : « Nous ne sommes malheureusement pas en mesure d’intervenir dans votre documentaire, car nous n’avons pas trouvé d’experts disponibles pour témoigner sur ce sujet. » La réponse de l’OMS est encore plus laconique : « Nous ne pouvons pas répondre à vos questions concernant la médecine alternative. »
On peut reprocher à la médecine moderne ce qu’on peut reprocher à la science économique « moderne », la validation du principe de l’économie de marché, ou, comme disait l’économiste américano-canadien, John Kenneth Galbraith (1908 – 2006), « dans le monde de l’économie néo-classique ce sont les entreprises qui imposent des produits aux consommateurs, or cela devrait être l’inverse. »
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