En prétendant être invité par un ami pour passer des vacances, il ne fait que renforcer cette inévitable suspicion de collusion entre pouvoir, média et argent copieusement dénoncée, durant toute la campagne présidentielle, par François Bayrou.
Plutôt que d’en prendre acte, Nicolas Sarkozy acceptera dès son élection un séjour sur l’île de Malte avec voyage en jet privé à la clé et yacht de luxe à l’arrivée offert par Vincent Bolloré, le puissant patron de Havas, un groupe de communication d’envergure mondiale.
Aujourd’hui encore ses vacances dans le New Hampshire, aux Etats Unis, dans une immense maison située au bord d’un lac non loin de Boston, ne sont pas moins fastes ou luxueuses... Comme dans le cas de Malte, les vacances sont offertes par un "ami".
L’argument est léger, surtout pour le juriste qu’il est. A 20 000 € la semaine pour une location offerte, on est en droit de se poser des questions.
L’argument "C’est mon pote qui m’invite" est donc contestable, car même s’il n’existe aucun code éthique régissant la profession de président de la République, on ne peut négliger l’impact d’un épisode pareil qui, même s’il est mineur, peut littéralement ruiner une image au point de compromettre une réélection.
L’histoire des diamants de Giscard est à ce titre un cas d’école. Alors ministre des Finances sous Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing avait accepté de la part du président Centrafricain de l’époque, le très célèbre Jean Bedel Bokassa, un cadeau sous forme de plaquette échantillon de diamants produits par une école de taille de pierres précieuses à Bangui (évaluée à 16 000 € environ).
Ce cadeau avait fait les choux gras de la presse satirique de l’époque. Le Canard enchaîné en tête qui avait levé le lièvre suivi par la presse traditionnelle comme Le Monde à qui VGE ne pardonnera jamais... Il ne sera pas réélu en 1981, ses explications contradictoires sur le sujet avaient lourdement pesé dans la balance durant la campagne.
Mais ce n’est pas la non-réélection de Sarkozy qui m’inquiète, bien au contraire... mais plutôt cette absence de code éthique, ou tout autre texte à visée déontologique à l’adresse des présidents de la République, qui rend difficile la remise en cause de telles pratiques sur des bases légales et leur reprocher de se faire inviter par n’importe qui.
Pour les médecins, chirurgiens, pharmaciens et dentistes, les choses sont tout autres... Le législateur a été bien plus regardant et un peu plus strict. Les rapports entre l’industrie pharmaceutique et les professionnels de santé sont balisés de manière très claire.
Impossible de se faire inviter de la sorte sans que cela fasse l’objet d’une demande préalable et que ce soit consigné au Conseil de l’ordre. Les principes généraux et critères ordinaux d’application de l’article L 4113-6 du Code de santé publique sont d’ailleurs très restrictifs dans ce domaine... Tout médecin qui bénéficie d’une rémunération ou même d’un avantage en nature (voyage ou séjour) de la part d’un laboratoire doit en faire état et le justifier. Ce qui est plutôt normal...
Ainsi, tout professionnel qui se voit inviter à un congrès ou séminaire par un labo doit le déclarer au Conseil de l’ordre qui soumet la demande auprès d’une commission ad hoc...
Fini donc les congrès aux Seychelles pour cardiologues par ci ou séminaires à Biarritz pour chirurgiens par là... et c’est appliqué de manière assez stricte
Que Rachida Dati puisse faire une balade dans une embarcation en vraie people et non en simple boat people est en revanche assez réjouissant en soit. Quelle belle revanche que cette fille issue de l’immigration puisse partager la balade d’un président de la République en personne accompagnée de molosses pour la protéger plutôt que pour une reconduite aux frontières...
Et qu’importe que Brice Hortefeux tire la tronche !
Donc plutôt que de s’interroger sur la présence de Rachida Dati sur un bateau de plaisance et s’inquiéter de savoir si l’argent du contribuable est éventuellement engagé en son nom par l’Etat (ce qui me paraît plus sain), il serait plus judicieux que la classe politique s’inquiète des services directs ou indirects que ces cadeaux pourraient exiger en retour...
Et puis, plus terre à terre, un président d’un pays aussi grand que la France ne pourrait-il pas avoir un minimum de fierté et se payer ses vacances lui-même ? Ou, à défaut, s’il n’en a pas les moyens, une nation aussi fière que la France ne pourrait-elle pas tout simplement lui en offrir pour éviter d’engager le pays dans je ne sais quelle direction sans que ça fasse un tollé ?
Car le plus grave, ce n’est pas que le contribuable paye, mais que ces voyages puissent un jour ou l’autre interférer avec les affaires de l’Etat, "les affaires" en cours ou "les affaires" à venir. C’est cela qui devrait poser question.
En clair, il faut savoir ce qui est le mieux pour les citoyens. Nous avons donc à choisir s’il n’est pas plus simple et d’un moindre mal de rendre notre président redevable envers le peuple qui l’a porté au pouvoir plutôt que redevable envers d’autres personnalités qui pourraient solliciter son pouvoir pour défendre leurs intérêts en contrepartie de voyages.
Voilà le vrai débat !