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Accueil du site > Tribune Libre > Ça déménage au Louvre

Ça déménage au Louvre

Le monde de la culture est sur les dents ces temps-ci. Avec les projets de création de musées « Louvre » à Abou-Dhabi, « Centre Pompidou » à Shanghaï, c’est toute la conception actuelle des musées qu’on pense voir - à tort ou à raison - remise en cause.

Depuis la publication dans les colonnes "tribune" du journal Le Monde, le 13 décembre dernier, d’un papier signé notamment par Françoise Cachin, directrice honoraire des musées de France, ancienne directrice du Musée d’Orsay, le tout-Paris impliqué dans la culture et l’art bruisse de rumeurs, débats passionnés, pétitions. Les articles se multiplient dans la presse nationale généraliste et nous voyons poindre le début d’un nouveau "vrai scandale" dans le monde de l’art.

Petit rappel des faits

Le ministère de la Culture et le Musée du Louvre, établissement public, sont actuellement en phase ultime de négociations pour la création d’un musée à Abou Dhabi. Ce musée ne serait pas une extension du Musée du Louvre. Pour autant, il pourrait en porter le nom pendant vingt ans. Dans le cadre de cette création, le musée français apporterait ses compétences en matière scientifique, muséographique, de gestion, de conservation des oeuvres, etc. Le musée serait aussi mis à contribution, ainsi que d’autres musées de France, pour organiser l’exposition d’oeuvres dans ces nouveaux locaux, tandis qu’y seraient constituées des collections propres.

Le projet fait bondir ce que le milieu français compte de conservateurs -retraités ou en fonctions -, étudiants, directeurs d’établissements. Comment, on oserait brader la culture française, le patrimoine national ? On louerait - ou pire, vendrait - à l’encan ce que nos aïeux ont mis tant de temps à acquérir ? Non, décidément, non, on ne vendra pas La Joconde...

A contrario, vous avez des aficionados qui crient au génie, professent que la propriété des oeuvres va au genre humain et non à une nation, qu’une oeuvre ne vit que si elle bouge. Que, si ce n’est pas le Louvre qui s’implante dans cette future enclave dédiée au tourisme de luxe, d’autres musées se feront un plaisir de ramasser les morceaux que les Français, ces grands imbéciles arrogants, auront dédaignés.

Après ce bref - trop bref - résumé de la situation, j’aimerais siffler un temps mort. Allez, s’il vous plaît. Calmez-vous un instant. Laissez-moi vous rappeler une chose. Pour le moment, tout ce dont je viens de vous parler est au... conditionnel.

A l’heure actuelle, rien ou presque n’a filtré de la rue de Valois, siège du ministère de la Culture. Le contrat n’est pas finalisé, il est encore l’objet de discussions entre les autorités de l’Emirat et la France. A vrai dire, beaucoup de personnes parlent actuellement de quelque chose qu’elles ne connaissent même pas.

Pour être franc, je ne sais pas trop que penser du fond du sujet. Difficile de me prononcer, alors même que je ne sais pas ce que le contrat imposera, ou pas. En revanche, je suis inquiet sur plusieurs points.

1/ Les négociations en cours, quelle que soit leur confidentialité, doivent commencer à laisser filtrer un certain nombre de points acquis. Le sujet ne peut pas rester hors du domaine public, tant le sujet est d’importance. Les réactions épidermiques, l’attachement des Français au patrimoine, l’importance de ce dernier dans la première place de la France comme destination touristique vont interdire rapidement la discrétion sur les discussions en cours.

2/ Le ministère de la Culture se doit de replacer tout ceci dans le cadre plus vaste de la place de la culture, des arts et des grands musées. Nous sommes les propriétaires de ce patrimoine fabuleux. La moindre des choses est de nous tenir au courant de ce qui se prépare et de nous consulter sur les évolutions possibles. Un vrai travail de pédagogie politique est indispensable.

3/ L’importance même des évolutions qui sous-tendent ce contrat me fait m’interroger sur l’opportunité de la période de négociations. Nous sommes en campagne présidentielle. Dans trois mois se déroulera le premier tour de l’élection. Avant l’été, nous aurons changé aussi le parlement. Nouveau mandat présidentiel, nouvelle assemblée, nouveau gouvernement. Est-ce à un ministre sur le départ de mener à bien une telle négociation ? Est-ce à un gouvernement déjà dans les cartons de prendre de telles décisions ?

J’aimerais que nous cessions - pour un temps - de nous chamailler sur ce que nous pensons qu’il va arriver au Louvre, pour réclamer tous ensemble dans la cour du Palais Royal que Renaud Donnedieu de Vabre, ministre de la Culture, fasse son travail et vienne rendre compte au peuple de l’avancement de ses projets. Il sera toujours temps, après, de nous déchirer sur des bases solides, et non sur des fantasmes, fussent-ils si médiatiquement chics.


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14 réactions à cet article    


  • Mateo (---.---.228.253) 19 janvier 2007 13:30

    Salut,

    Je ne vois dans cette affaire des musées que le commencement d’une façon de gérer les affaires publiques en général et le budget de la culture en particulier... mais les autres suivront. C’est l’une des premières conséquences de ce que l’on appelle la LOLF (loi organique sur les lois de finances) : loi préparée par DSK, que Fabius à fait voter en 2001, et qui a été mise en place par les gouvernemants que l’on subit depuis (pour ce qui est du vote, les communistes se sont abstenus à l’AN, ont voté contre au Sénat ; le PS et l’UDF l’ont voté, le RPR s’étant abstenu je crois pour des raisons purement politique puisquil était d’accord avec le principe). Je ne suis pas opposé par principe aux locations de tableaux mais c’est l’arbre qui cache la forêt. La LOLF met en place un système où le fonctionnement se fait par agence comme pour l’agence régional de l’hospitalisation. Un budget global est fixé tant pour le fonctionnement que pour les investissements, après c’est chaque établissement publique qui doit gérer l’argent sous sa responsabilité propre.

    Si par exemple, il arrive à économiser sur le fonctionnement, il pourra faire des investissements. S’il économise sur les investissements, l’EPIC ou l’EPA pourra améliorer le fonctionnement. Mais ensuite il se démerde pour trouver de l’argent en plus : il en découle que les biens artistiques publics serviront logiquement à compléter , voir à remplacer le budget des musées ou autres, par leur location. Ce fonctionnement de nature « privé » est parfaitement assumé par JF Copé lors d’une conférence de presse sur la mise en place de la LOLF en juin 2006 ou 2005. Cela ne favorisera pas du tout l’emploi car il y a un fameux principe dit de la fongibilité asysmétriques des crédits : les emplois sont prévus au budget pour un montant d’équivalent temps plein. Si l’etablissement arrive a faire des économies sur les crédits de personnel, il peut investir ou améliorer le fonctionnement. Mais les économies faites sur les investissements ou le fonctionnement ne peuvent pas servir à payé un emploi... Le louvre,a mon avis, ne fait qu’appliquer ces principes sous couverts d’opération commerciale de prestige.

    Mathieu (34).


    • pierrem (---.---.99.200) 21 janvier 2007 19:20

      Très bon résumé de la réalité...


    • Didier Rykner (---.---.226.66) 19 janvier 2007 18:07

      Ayant lancé la pétition, je ne peux que vous approuver entièrement. La chose la plus scandaleuse dans cette affaire est bien d’une part le secret qui l’entourait et l’entoure toujours, le ministre refusant toujours de s’expliquer, si ce n’est que pour tenir des propos lénifiants, d’autre part qu’un gouvernement sur le départ engage pour vingt ans, sur des points essentiels, notre patrimoine commun sans que l’esquisse d’un débat ait lieu. Je suis opposé à ces opérations (et la plupart des professionnels des musées ou de l’histoire également) pour des raisons objectives, qu’on peut et qu’on doit débattre, dans la sérénité. Si cette pétition n’avait pas été lancée, tout cela serait passé comme une lettre à la poste, et nous aurions été placé devant le fait accompli. Est-cela, la démocratie ?


      • Ad (---.---.230.7) 19 janvier 2007 21:55

        Je n’ai vu que des fragments de la pétition sur le site de la Tribune de l’art, c’est dommage.

        En ce qui concerne le secret qui entoure la négociation, on doit admettre que vu l’enjeu pour les 2 parties on peut difficilement faire cela en public. Est ce qu’il faut pour autant crier à la grande braderie du patrimoine national ?

        L’autre jour j’ai vu à la tv une interview du directeur du musée du Quai Branly sur ce sujet. Il se disait au courant des négociations.

        Je vous cite ce que j’en ai retenu :

        • Le nom du musée d’Abou Dhabi ne sera pas simplement « Louvre », ce sera « Louvre Abou Dhabi ». Au bout de 20 ans, le musée devra porter un autre nom
        • Les collections seront prêtées pour une durée limitée, une oeuvre ne restant sur place pas plus de 18 mois
        • Il y aura chaque année un nombre défini à l’avance d’expositions. Le contenu des expositions sera décidé par un comité de spécialistes français, Abou Dhabi aura un droit de regard limité sur leur contenu y compris sur des sujets qui peuvent poser problème dans un émirat du golfe Persique (Nus, etc...)
        • Les oeuvres concernées ne sont pas uniquement celles de la collection du Louvre, plusieurs autres musées français sont partie prenante. Le centre Pompidou fait partie de la liste, et à l’heure actuelle seule une petite minorité de sa collection est exposée
        • La compensation financière qui sera perçue par la France sera au titre de l’assistance technique offerte dans le cadre du démarrage de ce nouvel établissement, et pour l’organisation de la logistique des oeuvres (transport, assurance)

        Si le contenu de l’accord est bien celui là, je ne vois rien de choquant. Au contraire cela me semble une belle opportunité de faire connaitre les oeuvres françaises ailleurs dans le monde. En plus c’est une opération de prestige non négligeable puisque c’est la reconnaissance internationale du savoir faire et de la richesse du patrimoine français.

        Pour finir la compensation financière reçue par les musée pourrait être employée utilement à améliorer la diffusion de la culture en France.

        Il me semble que ce genre d’accord est gagnant pour tout le monde, alors où est le problème ?




         


      • Marie sallantin (---.---.250.127) 19 janvier 2007 22:33

        Je suis d’accord avec cet article « pour réclamer tous ensemble dans la cour du palais Royal que Renaud Donnedieu de Vabre, ministre de la Culture, fasse son travail et vienne rendre compte au peuple de l’avancement de ses projets ». Si le monde de la culture est sur les dents, mettons-le sur les fesses et faisons une pause tout autour de la pyramide. Chic et sympa, non ?


        • chakmed (---.---.250.106) 20 janvier 2007 06:17

          le patrimoine du louvre vient des artistes de la planete entiere et parfois arrache au pays d’origine dans des conditions speciales (detournement,vols,colonisation ect ect) le fait de creer une succursale du louvres hors de la Paris n’est en soi qu’un retour naturel des choses

          les autres ont le droit de se cultiver aussi et de partager avec les nations dites civilisees le bonheur visuel des objets et oeuvres d’art

          allons mesdames et messieurs un peu moins d’occidentalocentrisme et d’egoisme vous ferez le plus grand bien

          et puis un projet amenage par le louvre vaudrait mieux qu’un concocte par le british museum cet autre empire ex colonial celebre par son appauvrissement des pays qu’il occupat et pilla allegremment.


          • mosca (---.---.161.29) 20 janvier 2007 13:06

            Que l’on commençe a en faire profiter la province ,avant de vider les tiroirs du patrimoine français.Dans les musés provinciaux des recettes seraient possible egalement et au moins les français contribuables en profiteraient.Les depots dans les caves sont une honte.Mais le pillage des biens collectifs continu sans vergogne.


          • amateurdartpublic (---.---.184.118) 20 janvier 2007 07:28

            Selon Les Echos de vendredi, le musée de Tolède vend aux enchères publiques chez Sotheby’s « L’Annonciation » du Gréco. C’est le 25 janvier, dépêchez-vous, il n’y en aura pas pour tout le monde.


            • amateurdartpublic (---.---.190.218) 6 février 2007 08:00

              Je me rends compte que j’ai manqué de précision et que mon post peut prêter à confusion. Il ne s’agit pas d’un musée en Espagne, mais d’un musée important des Etats unis, le Toledo Museum.


            • Hubert (---.---.247.207) 21 janvier 2007 19:19

              Tout ça n’a rien de révolutionnaire, qu’un pays riche lointain veuille imiter un autre pays riche, qui lui-même s’est inspiré du précédent, lui-même influencé par d’autres..etc..etc... me semble être dans la logique de l’évolution du mercantilisme des pays dominants en matière d’art. Bref, ça sent un peu le renfermé tout ça. En revanche, ce qui aurait été une véritable surprise c’est la restitution d’oeuvres volées aux pays pauvres, pour qu’ils aient eux aussi leurs « Louvres » et quelque chose à mettre dedans ! A ce propos le dernier pillage en date est celui de L’Irak qui a vu ses musées dévalisés et dont on retrouve le butin dans les collections privées, les musées et autres coffres-forts des pays riches, à commencer par les USA, bien sûr. Alors, que les pays gavés se broutent la laine sur le dos entre eux par oeuvres d’art interposées, me fait plus penser à une partie de bridge entre copines qu’à un réel problème de fond, le fond étant l’Art avec un grand A.


              • moebius (---.---.21.71) 21 janvier 2007 21:13

                N’importe quoi


                • Vinalys (---.---.46.90) 22 janvier 2007 06:35

                  De mon cote je trouve ceci une excellente idee que des musees se construisent, et le fait qu’ils portent le meme nom devrait plutot etre percu comme un hommage, ils ne donneraient pas ce nom simplement pour emm##### les francais (je m’auto-censure). Cela dit il y a en effet un certain manque d’information, les esprits s’echauffent alors qu’au final nous, on ne sait pas grand chose de cette histoire. Wait & see.


                  • Pierre (---.---.150.51) 22 janvier 2007 07:31

                    La France d’ici peu n’aura plus d’Industries de production sur son Sol ! Si en plus nous nous refusons - sur des prétextes « idéologiques » à rentabiliser des prestations de services, même dans le domaine de la Culture, ou va-t-on ? La propriété des oeuvres restant bien entendu la propriété de la France ! Ceci est un faux débat, lancé sur des mensonges et des manipulations ...tout cela dans un contexte pré-électoral ... Dommage que la Gauche sous prétexte de combat idéologique veuille systématiquement tuer dans l’oeuf toute bonne initiative sans même vouloir objectivement l’envisager ou même l’analyser. La Gauche est en train inconsciemment de paupériser la France, en avortant toute initiative créative de croissance et d’emploi en ponctionnant toujours la classe travailleuse par des impôts directs et indirects croissants !


                    • (---.---.124.152) 24 janvier 2007 10:13

                      Comme pour le nuage de tchernobyl, les problèmes de Santé Publique ,la culture s’ est mise dans les mains de ce que je nomme « des énarques » .C’est à dire de gugus qui se permettent et prétendent même réfléchir à la place et pour/contre le peuple français,considéré par eux comme étant composé de débiles ,incapables de pouvoir accéder à certaines informations : j’ai entendu ces propos sur l’exposé de ce que l’on devait faire ,en cas de problèmes à la centrale nucléaire ,sur 10 km autour ! Pourtant, quand on constate le déficit de notre pays géré par eux depuis les années 1975 -1980,il faut se rendre compte que leur très grande intelligence est très loin d’être pratique . Je dirais même qu’elle est destructrice car incomplète.

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