Campagne profonde et Internet, quand se connecter devient une option envisageable
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C’est avec une certaine émotion comparable aux sentiments éprouvés lorsque l’homme foula pour la première fois le sol lunaire que je vous fais partager mon expérience de connectivité depuis ce que l’on appelle pudiquement une "zone blanche".
L’objet de ce billet n’est toutefois pas de me plaindre. On m’a trop souvent reproché de vouloir le beurre et l’argent du beurre, qu’on ne pouvait pas prétendre à l’air pur et à la modernité, comme si la réunion des deux était impossible, voire tabou. Au contraire, ce billet a pour ambition de vous fournir quelques conseils simples et de base pour garder un contact minimal avec vos habitudes Internet issues de la ville.
La modernité et la technologie n’évoluent pas au même rythme en milieu urbain et rural, entre les pays dits du Nord et ceux dits du Sud. La "fracture numérique" demeure un concept hélas valide. Or, mon tempérament ne prévoit pas l’abandon ni la résignation. Je me suis donc mis à étudier toutes les options à ma disposition pour tenter de rester connecté, mais pas que coûte que coûte !
Voici les options envisageables :
ADSL/Câble
Les petites villes ou gros bourgs régionaux peuvent se situer fortuitement sur une dorsale Internet. Il n’est pas rare que l’ADSL y soit disponible. Ces bourgades sont fréquemment dans des zones non dégroupées. Cela signifie que vous n’aurez pas forcément un vaste choix d’opérateurs concurrents. Pour bénéficier du haut débit ADSL de façon fluide, il faut être situé disons à environ 2,5 km de ce que l’on appelle le NRA (noeud de raccordement d’abonnés). Vous pouvez effectuer un test de compatibilité de votre ligne téléphonique avec l’ADSL ici : http://www.linternaute.com/adsl/ .
De façon générale, cette notion de distance n’est pas l’unique critère à prendre en compte. On peut très bien avoir du haut débit au-delà des 3 km, mais il est clair que cela sera la plupart du temps plus problématique et avec des services en moins (TV ADSL, téléchargements intensifs et tous les services habituellement fournis par ce que l’on appelle l’ADSL 2+, à titre d’exemple). D’autres caractéristiques entrent également en jeu telles le modem, l’équipement informatique, l’état général de la ligne téléphonique (côté France Telecom) ainsi que celui de votre installation téléphonique (chez vous cette fois-ci). Dites-vous bien que si vous vous situez à plus de 5 km d’un NRA, dans un hameau ou une ferme isolée, il vaut mieux étudier les solutions suivantes.
Satellite uni- et bidirectionnel
Ces solutions permettent de se connecter à Internet via une antenne parabolique pointée sur un satellite de communication. Il existe deux voies. L’unidirectionnelle permet uniquement de recevoir ce qu’on appelle le flux descendant : de l’Internet vers soi (en mode téléchargement et consultation de pages Web). Le flux montant (depuis votre ordinateur vers l’Internet, pour envoyer un commentaire sur un blog ou un courriel, par exemple) est lui assuré par une ligne téléphonique classique, RNIS voire le mobile (GPRS). La bidirectionnelle, quant à elle, permet de se connecter dans les deux modes, descendant et montant, avec le même dispositif satellitaire sans nécessité de passer par une ligne téléphonique.
Les solutions satellitaires ne permettent pas d’avoir des débits (8 à 20 Mo) et tarifs comparables (15 à 35 euros/mois) à ceux proposés par l’ADSL ou le câble. En revanche, le satellite vous proposera un débit honorable pour un usage Internet courant (navigation Web, blogging, courriers électroniques, messagerie instantanée...). Les débits (descendants) proposés vont de 512 jusqu’à 4 ou 8 voire 24 Mo ! Du côté des tarifs, c’est déjà plus compliqué.
Si vous optez pour de l’unidirectionnel, vous trouverez des offres de base à 9,90 euros TTC/mois auxquels il est nécessaire d’ajouter des frais fixes pour l’antenne et le boîtier, du matériel informatique additionnel (carte PCI)... Les offres satellitaires de base sont limitées à un volume de données allant de 500 à 3 Mo. Et si vous voulez passer à de l’illimité cela vous sera facturé 19,90 euros TTC / mois. Cette étude tarifaire est basée sur l’opérateur SkyDSL. Il suffit de comparer avec d’autres opérateurs pour avoir une vision plus précise. Je n’ai pas encore réalisé d’intercomparaison entre les différents prestataires satellites mais c’est prévu. A cela il ne faut pas oublier d’ajouter les abonnements et/ou la consommation pour le trafic montant ("upload") relayé par un autre mode que le satellite. Dans ce cas, c’est un opérateur téléphonique soit filaire soit mobile qui assure cette fonction. Au final, vous devrez tabler sur une facture Internet mensuelle globale satellite unidirectionnel + opérateur téléphonique entre 30 et 70 euros selon les formules choisies.
Si vous optez pour du satellite bidirectionnel, c’est l’idéal en termes de convivialité. Un seul dispositif pour utiliser sereinement la plupart des services de l’Internet. Mais là où le bât blesse, par rapport à l’unidirectionnel, c’est le prix exorbitant de l’installation puis du service. Jugez par vous-même :
- Frais d’installation : 2000 à 3000 euros TTC
- Abonnement mensuel incluant le matériel pour un trafic illimité : 944 euros TTC/mois pour 1024 kb/s en débit montant et 2048 kb/s en débit descendant et 544 euros TTC/mois (512 kb/s en débit montant et 1024 kb/s en débit descendant).
Ces données tarifaires sont basées sur l’opérateur i-sat qui communique ses tarifs en toute transparence en les affichant sur son site Web. L’opérateur Sat2Way propose un abonnement mensuel à 319 euros TTC/mois pour 512 kb/s en débit montant et 1024 kb/s en débit descendant. On voit bien que la solution bidirectionnelle n’est pas une option intéressante pour un particulier vivant en situation isolée.
Même si vous vous mutualisez avec dix autres foyers grâce à un dispositif WiFi dans le hameau, chacun paiera sa part de connexion entre 35 et 90 euros pour des performances à partager donc entre tous les membres.
Autres prérequis : pouvoir installer une antenne satellite côté Sud de votre habitation et disposer pour le flux montant soit d’une ligne téléphonique analogique, soit numérique, soit cellulaire (GPRS ou UMTS).
Certaines de ces solutions ont été mises en oeuvre de façon remarquable et courageuse dans des lieux déséspérément à l’écart de toute infrastructure. Chapeau bas, d’autant plus que ces projets sont souvent initiés ou portés par des individus enthousiastes. Vous trouverez quelques liens menant à des retours d’expérience en bas de note.
RTC
C’est hélas le choix la plus immédiat pour accéder à l’Internet mais à bas débit : 56 K ! (Soit un débit de 100 à 400 inférieur à l’ADSL). Orange (France Telecom), Club-Internet, AOL et quelques autres opérateurs se tirent la bourre avec des offres bas débit de 10 à 29,90 euros/mois (le 90 centimes a l’air important pour tous ces opérateurs) pour 35 à 100 heures de communication incluses. Les offres sont difficilement comparables entre elles car chaque opérateur propose un tarif par rapport à un forfait d’heure spécifique. Il faut noter que Free propose un tarif unique tout inclus de 29,90 euros en zone non dégroupée avec engagement de souscrire à l’offre ADSL dès que celle-ci sera disponible, si jamais elle l’est un jour !
Processus de choix
En attendant la généralisation du haut débit par ondes de type WiMax, chacun devra étudier la solution la plus accessible et la moins coûteuse pour se connecter à Internet en zone blanche. Voici comment j’ai décidé de raisonner. Vu que je réside à 6,4 km du NRA, je ne puis opter pour l’ADSL. Par ailleurs, n’ayant pas de ligne téléphonique, je ne puis pas non plus opter pour une offre satellite unidirectionnelle.
Mon choix se restreint donc considérablement. J’ai le choix d’ouvrir une ligne téléphonique France Telecom pour n’avoir que du bas débit là où, pour le même tarif, les autres "en ville" obtiendront de l’ADSL. Je ne peux pas envisager cette option qui me semble profondément injuste.
Alors que me reste-t-il dans mon escarcelle ? Le satellite bidirectionnel ? Trop cher, je ne peux tout simplement pas payer de 319 à 944 euros/mois pour un accès Internet même à très haut débit ! De plus, je ne peux pas entrer dans un schéma de mutualisation avec les habitants du hameau puisque j’habite à environ un demi-kilomètre de mon premier voisin dans un lieu entouré de végétation. Je ne m’en plains pas, d’ailleurs ! Cependant, je suis d’accord pour m’engager sur un tel projet avec les villageois pour le principe et l’expérience. On a déjà évoqué ce besoin avec les plus jeunes, juste quelques "Et si" ! Quelques idées en l’air quand on s’invite les uns chez les autres.
Il me reste donc deux solutions. Et ces solutions viennent du monde de la téléphonie mobile.
GSM
Il est possible de trouver encore plus bas que le bas débit. Le bas débit à 56 kbps, c’est du passé ! Le présent est au bas débit GSM à 9,6 kbps. Eh oui, vous pouvez vous servir de votre téléphone mobile comme d’un modem. Vous reliez votre téléphone mobile soit par câble, soit en infrarouge ou Bluetooth à votre ordinateur, vous paramétrez une nouvelle connexion et cela vous permet juste de récupérer vos messages électroniques (sans les pièces attachées toutefois). N’espérez pas naviguer sur la toile. Cela vous prendrait tout simplement 17 minutes pour afficher la page d’accueil de votre blog. Cette option n’est vraiment intéressante que pour le "fun" ! J’ai testé, c’est quasiment inexploitable. Alors existe-t-il une solution miraculeuse ?
GPRS
Aujourd’hui, la plupart des opérateurs de mobiles en France proposent un réseau soit GPRS (ou EDGE), soit UMTS. Dans mon cas, j’ai accès au GPRS. Le débit du GPRS n’est pas formidable, de 20 à 30 kbps, mais il est suffisant pour rédiger et recevoir son courrier électronique. Pour exploiter au maximum les possibilités du GPRS, il est préférable d’avoir un téléphone mobile ayant une classe "chiffre" de 10 ou 12. Il s’agit des canaux ascendants et descendants disponibles sur le téléphone et permettant de gérer les communications et d’affecter les canaux pour un usage optimal. C’est un peu technique, j’admets. Pour cela, je vous recommande la lecture du lien "Comprendre les classes GPRS" de ZDnet.
Il faut savoir que, selon Bouygues, 91% de la population peut accéder au haut débit mobile de type GPRS. Attention, 91% de la population couverte ne signifie pas 91% du territoire ! Les densités de population sont ce qu’elles sont, fortement urbaines. Vérifiez auprès de votre opérateur actuel si vous êtes en zone GPRS ou EDGE, voire UMTS. Normalement, si tel est le cas, votre téléphone mobile affiche une petite icône "E" ou l’acronyme "GPRS".
Je suis donc en mesure aujourd’hui de consulter et d’envoyer des messages électroniques directement depuis mon nouveau téléphone mobile de marque Samsung SGH-X700 (classe 10). Pour moi, vu le contexte dans lequel je me suis fourré, cela représente une véritable révolution technologique. Il y a cinq ans, pour pouvoir communiquer avec mon mobile, je devais aller au fond du jardin, qu’il pleuve ou qu’il vente, ou me contorsionner devant la fenêtre de la cuisine pour entretenir une brève conversation. Inutile de vous préciser que la conversation s’interrompait sans crier gare une fois sur deux. De ce point de vue-là, il y a eu un certain effort de développement en couverture comme en qualité.
Cependant, depuis peu sont apparues sur le marché des offres haut débit mobile pour les PC et disponibles également pour les particuliers. Peut-être que ces offres vont changer la nature du problème des "zones blanches" que connaissent certaines régions.
Le haut débit mobile
Jusque-là, ces offres "PC Data" étaient dédiées aux professionnels. Il s’agit de cartes PCMCIA munies d’une antenne qu’on enfiche dans son ordinateur portable et promettant d’obtenir des vitesses de six à dix fois supérieures à celles du GPRS (soit, si on est fort en calcul, de 120 à 300 kbps). Enfin, ces indications apparaissent dans un communiqué de presse de Bouygues. Il semble que ces performances s’appuient sur les protocoles EDGE voire sur un mélange de protocoles. Ne voyez pas un tropisme commercial exagéré à l’endroit de Bouygues. Je ne connais pas bien les offres des autres opérateurs. Orange semble proposer une offre comparable appelée Mobile PC Card (24 euros/mois pour trois heures de connexion). SFR aussi propose une solution carte (Vodafone Mobile Connect Card) mais il semble qu’elle soit dédiée aux entreprises. Chez Bouygues, cette toute nouvelle offre grand public s’intitule carte Internet Haut Débit Mobile 100Mo+100Mo. Vos commentaires pour élargir la vision sur les offres disponibles seront les bienvenus. Vos retours d’expérience sur le côté pratique de l’affaire également. Avant de franchir le pas et de m’engager dans un abonnement (supplémentaire) de 29,90 euros par mois pendant 24 mois, je dois être certain que ma PC Card captera le haut débit mobile. Pour cela, une négociation avec le service commercial de l’opérateur mobile devra avoir lieu, afin de voir dans quelle mesure une résiliation de l’abonnement pourrait intervenir si le service promis ne fonctionne pas dans le lieu où l’on souhaite le mettre en oeuvre.
Conclusion
Lorsque l’on vit en milieu isolé (je le répète, dans mon cas, c’est par choix, d’autres n’ont tout simplement pas le choix), et que l’on souhaite rester connecté, il est nécessaire de bien suivre toutes les innovations disponibles dans ce domaine. Il est utile d’avoir une démarche de veille et de ne pas hésiter à s’inscrire à des fils d’informations, et de mobiliser ses relations pour qu’elles scrutent et transmettent les bonnes nouvelles en provenance du monde passionnant des technologies. Cela passe aussi par de l’expérimentation et de la mutualisation. Dans certains villages, la population s’est mobilisée pour monter un projet d’Internet par satellite redistribué ensuite dans les foyers par des bornes WiFi montées sur des clochers d’église !
Il est également utile de savoir quel prix vous êtes prêt à mettre pour satisfaire votre besoin de connectivité Internet. Avec un peu de recul, on constate aujourd’hui que le poste communication d’un grand nombre de Français(es), disons par foyer, se compose grosso modo ainsi :
- Téléphonie mobile : 30 à 50 euros par mois
- Internet haut débit voire bas débit : 15 à 35 euros par mois
- Parfois, on peut ajouter à cela la ligne téléphonique non dégroupée qui aura été conservée : 14 euros par mois d’abonnement auxquels il faut ajouter le coût des appels téléphoniques...
A la campagne, il doit être possible de ne pas trop dépasser ce budget. En revanche, vous paierez le même prix qu’en ville pour un service moindre (moins de débit) ou une bande passante limitée.
Bien évidemment, j’ai conscience qu’il existe une part importante de la population qui n’accède pas à ce "bouquet" d’informations et de communication soit pour des raisons de prix, soit pour des raisons de couverture. Mon opinion est qu’il devrait y avoir un service public TIC à prix modique pour que chacun en France puisse accéder d’une manière ou d’une autre au savoir, à la culture et à la communication en ligne. Cela doit être techniquement possible. Je ne dis pas si ce service doit être étatique ou privé. A la limite peu m’importe. On capte bien la télé (presque) partout avec une bonne antenne ! Pourtant, la télévision, c’est à la fois du privé et du public. La télévision draîne aujourd’hui de colossales ressources, notamment publicitaires.
Sachant qu’il y a tout lieu de croire que la consommation sur Internet va aller croissant, ne serait-il pas opportun de s’inspirer de la télévison et d’imaginer un modèle économique consistant à généraliser l’Internet haut-débit sur tout le territoire ? Quittes à ce que le réseau haut débit trouve ses propres financements à travers un modèle publicitaire assorti d’un abonnement modique pour la population. En gros, on fournit les moyens d’accès pour pas cher et le modèle se développe et se rentabilise globalement grâce aux revenus publicitaires, transactionnels et par des abonnements en fonction des ressources du foyer. Un tel modèle économique vaut la peine d’être étudié afin qu’il n’y ait plus de fracture numérique. Je ne tire pas la couverture à moi, je pense surtout à une vaste minorité de la population qui soit a des ressources limitées, soit est numériquement enclavée. Alors, opérateurs de tous bords, pourquoi ne pas mettre de côté vos pulsions de concurrence le temps de bâtir un vaste réseau haut débit sur tout le territoire dans un esprit de coopération ? Vous ferez la compétition dans un second temps sur les services et/ou sur le contenu. Et pourquoi l’Etat n’y mettrait-il pas non plus du sien pour encourager une sorte de cause nationale sur ce thème ? Même si je suis satisfait du calme rural et de la proximité de la nature, rester connecter à la toile demeure un besoin fort, et en même temps un défi de taille que je souhaite relever à ma petite échelle locale, que mes rêves démesurés d’un modèle économique se réalisent ou pas, d’ailleurs. On peut être certes un ermite, mais un ermite branché !
ADSL, Distances des NRA
Exemple d’offres satellite uni-directionnelle SkyDSL
Exemple d’offres satellite bi-directionnelle i-Sat et sat2way
Comparaison des offres satellites (étude un peu ancienne datant de 2003)
Comparatif des offres satellite de l’Ariase
Débits de l’UMTS et du GPRS
Comprendre les classes GPRS
L’offre Haut-Débit Mobile de SFR
L’offre Haut-Débit mobile d’Orange
L’offre Haut-Débit de Bouygues (particuliers)
Expérimentation "Pomeys sans fil" (Rhône)
"Vercors Haut-débit"
Technologies Alternatives (FING)
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