Ce que fut la colonisation : L’oeuvre positive de l’Algérie envers la France
« Lorsqu'on voit ce que l'occupation allemande a fait comme ravage dans l'esprit français, on peut deviner ce que l'occupation française a pu faire en cent trente ans en Algérie. »
Jean Daniel « Le temps qui reste » 1972
Cette phrase résume à elle seule la tragédie de la colonisation. En réponse au négationnisme des « nostalgériques » quant à la clochardisation de la société algérienne, pour reprendre une expression de Germaine Tillon, nous voulons dans cette contribution, rapporter en honnête courtier, montrer que la colonisation française ne fut pas un long fleuve tranquille. Nous allons dans un premier temps décrire l'apport de l'Algérie pour le rayonnement des occupants pendant plus de deux mille ans.
Tout au long de ces 132 ans, l'oeuvre coloniale ne fut pas positive car le fameux bréviaire décliné de toutes les façons possibles - Mise en valeur des territoires, diffusion de l'enseignement, fondation d'une médecine moderne, créations d'institutions administratives et juridiques, bref, les traces de cette oeuvre incontestable à laquelle la présence française a contribué - eurent lieu certes, mais ne profitèrent objectivement qu'à la population européenne et à la métropole, car il faut savoir que pour son malheur, l'Algérie n'eut pas d'industrie, elle fut pourvoyeuse de matières premières (blé, agrumes, liège, minerais, alfa, vin, dattes...) et bien plus tard en pétrole qui a financé une partie des frais de la « pacification » en Algérie à partir de la mise en production de Hassi Messaoud.
Certes, nous l'avons écrit, à titre individuel des instituteurs, des médecins, des Européens admirables tentèrent d'alléger les souffrances des Algériens, mais ils furent, en petit nombre. Nous leur serons à jamais reconnaissants. Les rares Algériens instruits furent selon la belle expression de Jean El Mouhoub Amrouche, des voleurs de feu. Moins d'un millier d'Algériens formés en 132 ans, cela explique, les errements de l'Algérie après 1962.
L'oeuvre positive de l'Algérie à travers l'histoire
Tout au long de son histoire, l'Algérie eut affaire à des envahisseurs successifs qu'elle a successivement boutés ou absorbés. Ce fut le cas des Phéniciens qui établirent sur les côtes et qui furent des marchands entretenant le commerce avec les autochtones et ceci pendant près de sept siècles après que Didon ait foulé le sol de l'Afrique à Carthage. Ce fut ensuite la période romaine. L'oeuvre « positive » de la colonisation romaine dura six siècles depuis la troisième guerre punique en 148 avant J.-C. Réciproquement, l'Algérie contribua au rayonnement d'abord par ses hommes de théâtre (Apulée, Lactance, Fronton...Térence) et ses hommes d'Eglise avec plus de 700 évêchés entre ceux des Donatistes et ceux de l'Eglise officielle représentée par l'un des pères de l'Eglise que fut saint Augustin. Pour le Christianisme, l'apport de saint Augustin dans la mise en place du canon romain. C'est dire si cette oeuvre ne fut pas positive pour la chrétienté.
De plus, Rome fit de l'Algérie son grenier à blé que le colonisateur français n'eut aucune peine à exploiter... Au bout de six siècles, la présence romaine est de nos jours attestée par l'architecture libyco-romaine qui a une spécificité. Elle est encore toujours actuelle, fait l'objet d'un tourisme plus de 16 siècles après. Les autres invasions subies par l'Algérie n'eurent pas autant de dégâts que l'invasion coloniale du fait peut-être de sa proximité.
Après l'arrivée des Arabes et l'islamisation de l'Algérie, des royaumes aux fortunes diverses virent le jour. L'avènement des Turcs, dont la présence se fit sur plus de trois siècles, il faut attester que les Turcs - exception faite de Kheïr Eddine qui fut à des degrés divers le fondateur de l'Etat algérien moderne en affermissant ses frontières à l'est et à l'ouest- ne furent pas des bâtisseurs, exception faite de la construction de mosquées qui furent de fait, des catalyseurs voire des stabilisateurs de leur occupation. Ils se contentaient de collecter l'impôt avec des modus vivendi avec les tribus rebelles, notamment en Kabylie.
La seule grande réalisation à ma connaissance, outre quelques palais pour les deys, les beys, fut la construction du pont de Constantine sous le règne de Salah Bey. L'Algérie -
Le devoir d'inventaire de la reconnaissance de l’œuvre algérienne pour
Après la conquête brutale, la politique du talon de fer du sabre, et avant celle du goupillon, ce fut la curée, imaginez
Dans le même ordre du voyeurisme, il a fallu plus d'un siècle et demi grâce à la détermination de Nelson Mandela pour que
Nous allons brièvement rappeler quelques faits indéniables connus et insuffisamment reconnus voire niés par
« Longtemps occultée, la participation des populations coloniales aux efforts de guerre de
Pour l'histoire, des Algériens furent recrutés dans les troupes françaises depuis 1837 (les fameux turcos) on parle justement de ces zouaouas (Berbères) recrutés par tous les moyens - la famine, la peur-) que l'on appela les zouaves au point que la statue du zouave du pont de l'Alma indique les crues de
Après le cauchemar de Verdun et du Chemin des dames, des milliers d'Algériens y laissèrent leur vie. Du fait de la conscription obligatoire, pratiquement chaque famille eut un soldat engagé, qui mourut ou qui revint gazé ou traumatisé à vie. (2)
Moins de dix ans plus tard, ces Algériens se retrouvèrent à guerroyer dans le Rif pour combattre d'autres musulmans, notamment les troupes de l'émir Abdelkrim. Lors de
On fit appel, une fois de plus, aux troupes coloniales françaises constituées de tirailleurs algériens et marocains. Elles défoncèrent, au prix de pertes très lourdes, les lignes allemandes le 22 mai 1944. Par la suite, sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, 260.000 soldats, majoritairement nord-africains, débarquent en Provence et libèrent Toulon et Marseille le 15 août 1944. Il y eut 140.000 soldats algériens. Il y eut 14.000 morts et 42.000 blessés. Ce sont, en partie, ces soldats qui revinrent ensuite au pays, pour voir leurs familles massacrées un jour de mai 1945... Ensuite, les Algériens, à leur corps défendant, partirent en Extrême-Orient, en Indochine combattre pour l'Empire et là encore ils payèrent tribut. Il a fallu le film « Indigènes » pour que le président Jacques Chirac, touché par la sincérité du film, annonce une revalorisation des pensions des combattants. Ces pensions étaient cristallisées dit-on depuis près de cinquante ans.
« A l'assaut des tranchées adverses, écrit René Naba, ployant sous un déluge d'obus, suffoquant sous l'effet des gaz mortels sur les champs de bataille brumeux et venteux du nord-est de
Les Algériens qui ont sauvé les Français de confession juive
Un fait ignoré à dessein et l’apport des Algériens à la résistance française à une époque où des Français abandonnèrent leurs concitoyens de confession juive. Que dire en effet, de ces émigrés qui, malgré leurs conditions sociales désastreuses, eurent le courage de risquer leur vie pour sauver des Français juifs abandonnés par tous du fait de la répression allemande. Le tract suivant résume mieux que cent discours l'empathie de ces, « Justes ». Nous lisons « Hier à l'aube, les juifs de Paris ont été arrêtés. Les vieux, les femmes et les enfants. En exil comme nous, travailleurs comme nous. Ils sont nos frères.
Leurs enfants sont comme nos propres enfants - « Ammarach nagh » -. Celui qui rencontre un de ces enfants doit lui donner un abri et la protection des enfants aussi longtemps que le malheur - ou le chagrin - durera. Oh, l'homme de mon pays, votre coeur est généreux. » Ce tract rédigé en tamazigh circulait parmi les émigrés algériens kabyles lors de la rafle des juifs le 16 juillet 1942 à Paris. Ainsi, les émigrés algériens - sous-prolétariat français - pendant la colonisation, avaient décidé d'aider les Juifs à s'enfuir et les ont cachés. « Ammarache nagh », « Ce sont comme nos enfants » traduisant par là le sacrifice à faire pour sauver des enfants juifs...qui sont comme nos enfants !
On se souvient, en effet, qu'il y a vingt ans, dans un documentaire de 29 minutes intitulé
Qu’en conclure ?
L'apport de l'Algérie à la défense de « la mère patrie » avec notamment les régiments tirailleurs algériens, les sacrifices pendant l'occupation allemande, la participation décisive à l'oeuvre de reconstruction de
Ce plaidoyer n’avait pas pour but de faire dans la concurrence des mémoires, mais seulement pour informer en honnêtes courtiers sur ce que fut le compagnonnage de l’Algérie et de
Si on ajoute un autre accélérateur de l’anomie , l’OAS qui a contribué d’une façon décisve à élargir le fossé, les ingrédients de l’explosion étaient réunies et comme l’écrit si bien Mouloud Mammeri : « Quand trop de sécheresse brûle les cœurs. Quand la faim tord trop d’entrailles. Quand on rentre trop de larmes. Quand on bâillonne trop de rêves. C’est comme quand on ajoute bois sur bois, sur le bûcher à la fin, Il suffit du bout de bois d’un esclave pour faire Dans le ciel de Dieu, et dans le coeur des hommes. Le plus inextinguible incendie »
A bien des égards, les perturbations existentielles qui nous occupent, sont des répliques d'un tremblement de terre qui a eu lieu le 5 juillet 1830... Notre société, qui a été profondément déstructurée, n'a pas pu participer en son temps au mouvement de l'histoire et de la première révolution industrielle. Qui sait si nous n'aurions pas évolué d'une façon plus positive, s'il n'y avait pas eu l'invasion ! A bien des égards, notre gap technologique vient de notre état de colonisé pendant plus d'un siècle et trente ans. Nos interrogations sur le choix de société, pendant que les autres vont à la conquête de la science, nous vient du retard accumulé. Qui sait si nous n'aurions pas évolué comme les nations actuelles dites développées, si nous n'avions pas subi la colonisation inhumaine ! Il est immoral que
Les Algériens peuvent pardonner, il faut leur rendre justice que la colonisation- encore une fois indépendamment de l’œuvre admirable des Français d’Algérie, qui se disent à juste titre Algériens –ne fut pas positive pour l’immense majorité des Algériens notamment pendant les cinquante premières années de l’invasion, où ils subirent tour à tour, le sabre, le goupillon la curée pour les déposséder de leur terre,- vingt mille colons possédaient 40% des terres- il n’est que de se souvenir de la loi Warnier et enfin le tragique code de l’indigénat véritable précurseur de l’apartheid sud africain. Ce qui a fait dire à Pierre Bourdieu que
1. Emmanuel Blanchard. Les tirailleurs, bras armé de
2. Chems Eddine. Chitour L'Expression - Jeudi 12 octobre 2006
3.René Naba : Ce que
4. Chibanis : Les tirailleurs du béton oubliés par hypocrisie. millebabords.org 27 06 2006.
5.http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur chitour/139978-lesmusulmans-qui-ont-sauve-les-juifs.html
6.Aurélie Champagne : http://www.rue89. com/2011/09/27/les-hommes-libres-lhistoire-oubliee-des-arabes-occupes-22366527/09/2011
Pr. Emér. Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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