Charognards et revanchards
Escalade verbale à la Cour présidentielle. La très délicate Nadine Morano en recherche de grâces auprès du chef de l’Etat a qualifié de “charognards et revanchards” l’appel à la vigilance républicaine de 17 personnalités politiques publié le 14 février dans les colonnes de l’hebdomadaire Marianne.
Du côté des signataires, c’était bien essayé. Tenter de surfer sur la vague de mécontentement à l’égard de Nicolas Sarkozy. La critique en partie fondée est toutefois sans doute un peu précipitée. C’est sans doute le seul reproche à adresser aux “vigilants”. Il ne s’agit pourtant que d’un appel à être particulièrement attentif face à des signes qui ne peuvent que susciter des poussées d’urticaire à des républicains bon teint.
Plus que la personnalisation du pouvoir qui n’est au fond que l’application dévergondée des travers de la Ve république, l’inquiétant c’est la dévalorisation de la fonction présidentielle. Si la magistrature suprême n’inspire plus le respect, non tant à l’égard de la personne que des électeurs qui l’ont choisie, qu’en sera-t-il pour les autres mandats électifs moins prestigieux ? C’est ça le paradoxe français, avoir tranché quelques têtes couronnées et s’abandonner à une monarchie élective. L’expression est lâchée. Elle avait ainsi que son auteur, Laurent Joffrin, été raillée par le monarque en personne lors d’un show-press plutôt qu’une véritable conférence de presse. Elle revient aujourd’hui au galop, admise par tous.
Dans son palais de l’Elysée, Nicolas Sarkozy a instauré un mode de gouvernance, perfide mélange entre berlusconisation et grimaldisation. Pour meilleure preuve, les attaques se règlent plus à l’aide de photos ou de SMS volés que d’une opposition politique structurée. Les pages glacées se sont substituées aux bancs de l’Assemblée pour accueillir débats et polémiques. Pas étonnant dans ce contexte que Nadine Morano s’adresse à une opposition multipolaire qui tente de jouer groupée comme à de vulgaires paparazzi. Elle conforte ce qu’elle dénonce. Il est légitime même si ce n’est pas toujours approprié que l’opposition appuie là où ça fait mal. Il est sain et normal qu’une opposition aspire à gouverner. Dans une démocratie, c’est ce qu’on appelle l’alternance.
L’opposition, toujours en démocratie, ça se respecte, ça ne se méprise pas. Pas en Sarkozie où l’on affiche le plus grand mépris pour les perdants. Nadine Morano qui est la porte-parole de l’UMP l’a rappelé : “Je me suis demandé si c’était pour faire la promotion du magazine Marianne ou pour faire la promo de ceux qui n’ont rien à dire et qui ont envie d’exister”. “C’est un peu le syndicat des battus (...) S’il y a un appel à lancer aux Français c’est surtout de la vigilance par rapport au néant qu’il y a en face.”
Bernard Accoyer, président d’une Assemblée nationale ramenée plus que jamais à un simple rôle de chambre d’enregistrement a lui aussi vivement dénoncé l’appel publié par l’hebdomadaire Marianne, une “initiative grandiloquente et pathétique de personnalités coalisées par leur opposition systématique ou leur déception personnelle”.
Face à l’indignation organisée des “suppôts du président” Ségolène Royal et Bertrand Delanoë ont justifié lundi leur signature de l’appel à la “vigilance républicaine”.“Je ne vois pas ce qu’il y a de répréhensible à dénoncer, à mettre en garde les Français sur l’exercice d’un pouvoir personnel que tout le monde constate”. “C’est un appel pour la République”. L’appel est “parfaitement serein, calme. Il n’y a aucune attaque personnelle. Le président de la République n’est jamais cité”, a fait valoir la présidente de Poitou-Charentes, avant de railler les “vieilles ficelles politiques qui consistent à victimiser celui que l’opposition pointe du doigt”. “Lorsque les principes du fonctionnement républicain sont fragilisés il faut le dire vite”.
Pour le maire de Paris, “c’est surtout une prise de position d’amour de la République, d’amour de la démocratie”. Le texte est le signe d’une “adhésion à une manière de faire de la politique où on respecte les différences et on évite les excès du pouvoir personnel (...) qui sont en train de faire dévier le débat démocratique”. Aujourd’hui, “il y a une accélération, des prises de position précipitées, pas réfléchies. Il y a effectivement une tendance du président de la République à tout ramener à lui pour occuper les médias toutes les cinq minutes”, a insisté Bertrand Delanoë.
Dans une coquetterie puérile, François Hollande a estimé dimanche que le débat gauche/droite devait “dominer et pas l’anti-sarkozysme primaire”. Une position qui s’explique sans doute par le fait qu’on ne lui a pas proposé de signer le texte. Julien Dray, candidat désormais déclaré au poste de premier secrétaire du PS, a expliqué de son côté qu’il n’aurait pas signé l’appel du 14 février. La nostalgie sans doute de la proposition formulée par Nicolas Sarkozy d’entrer au gouvernement.
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