Chavez, Castro, Ahmadinejad... et Mélenchon
Au-delà des apparences, lorsque l’on dépasse ma droititude immaculée, se cachent de dangereux travers. Il m’arrive parfois de ressentir de curieux élans d’affection (citoyenne, s’entend) pour des gens de gauche, qui par leur engagement, leur caractère entier, attirent en moi la sympathie que leur refuserait spontanément ma vision politique du monde.
De ceux-là fait partie Jean-Luc Mélenchon. Je lis son blog régulièrement, et si je suis relativement imperméable à son analyse sociétale et économique de la France, j’apprécie son acharnement à vouloir changer les choses, à dénoncer les manœuvres d’appareil, à souhaiter une cohérence plus flagrante pour le PS. Jusqu’à ce que, ce jour, je tombe sur son dernier billet, qui débute par ces mots : « Branle-bas de combat cher lecteur de ce blog. La révolution démocratique du Vénézuéla a besoin de nous. » S’en suit une longue diatribe visant à inciter le Parlement européen à ne pas voter une condamnation du régime chaviste, et ce via internet et les réseaux de la blogosphère.
Sur le fond, de quoi s’agit-il ? Tâchons de faire simple : la chaîne de télévision RCTV, qui bénéficiait d’une licence (ou concession) de vingt ans arrivant à expiration le 27 mai, a fait une demande de renouvellement. Chavez, qui reproche à la chaîne d’avoir soutenu la tentative de putsch de 2002, la lui refuse. Citons Libération, qui rapporte aussi les faits :
Des centaines de journalistes vénézuéliens ont défilé lundi à Caracas pour protester contre la fermeture d’une chaîne de télévision privée, jugée trop critique par le président Hugo Chavez. Les manifestants, rejoints par des étudiants en communication, portaient une banderole d’un kilomètre de long, sur laquelle on pouvait lire "SOS Liberté d’expression" en dix langues différentes.
Hugo Chavez a récemment annoncé son intention de ne pas renouveler la licence de la chaîne de télévision privée Radio Caracas Television (RCTV) qui expire le 27 mai. Le président socialiste lui reproche d’avoir soutenu le coup d’Etat qui l’avait délogé du pouvoir pendant deux jours il y a cinq ans.
Selon un sondage de l’institut d’opinion Datanalisis, près de 70% des Vénézuéliens désapprouvent la disparition forcée de RCTV, seule station couvrant l’ensemble du pays avec la chaîne d’Etat Venezolana de Television (VTV). Privé de RCTV, le paysage audiovisuel national ne comporterait plus qu’un seul canal proche de l’opposition, Globovision, capté seulement dans la capitale.
Mais voilà, M. Mélenchon trouverait déplacé que le Parlement européen dénonce le totalitarisme médiatique de M. Chavez. Citons ses arguments :
Pour commencer et situer le niveau, rappelons que, la chaîne RCTV a participé activement au processus de "rupture constitutionnelle" à la suite du coup d’état militaire d’avril 2002 contre le président Chavez. Ce qui signifie qu’elle a approuvé et accompagné le putch puis qu’elle a fait le travail d’appui aux décisions des putchistes. : incitations à des manifestations insurrectionnelles, appel à la démission du président élu, répétition à l’antenne de slogans anti-chavistes comme "Fuera, fuera" (dehors, dehors), "Se va, se va" (il s’en va, il s’en va), appels à la démission des nouveaux directeurs de PDVSA (compagnie du pétrole remises aux mains de la nation), diffusion des arrangues de Pedro Carmona (chef des putschistes) et de Fedecámaras (le syndicat des chefs d’entreprise), diffusion des propos d’un chef félon de la sécurité prévenant que la sécurité du palais gouvernemental ne serait pas assurée, diffusion des directives des insurgés appelant la foule à marcher sur la présidence, diffusion répétée d’images montrant des blessés, imputation au président de la responsabilité des violences mortelles, annonce (faux comme on le sait) de la démission de Chávez, puis de son arrestation en précisant qu’il devrait "payer pour les crimes commis" et "planifiés" par lui. Dans quel pays au monde une telle chaîne n’aurait pas été immédiatement suspendue après le rétablissement des autorités constitutionnelles ?
La tentation existe, à la lecture de ces lignes, de rappeler à Mélenchon (mérite-t-il encore le « monsieur » ?) qu’un tel putsch n’a pas été envisagé sur un coup de tête, et que la nature dictatoriale par essence du fils spirituel et disciple de Fidel Castro y est peut-être pour quelque chose. Mais avant que l’on en ait prononcé la première syllabe, Mélenchon assène le coup de grâce :
En supposant que qui que ce soit trouve normal d’accepter qu’une chaîne de télévision soutienne un putch, des esprits chagrins pourraient cependant encore objecter : "Vous ne citez que des délits constatés sous les gouvernements Chavez." Alors on doit répondre pour bien border notre dossier de défense. En effet, RCTV se distinguait déjà par son mépris de la loi bien avant la première élection de M. Hugo Chavez à la présidence du Venezuela en 1998. Elle fut ainsi condamnée en 1976 à trois jours de fermeture pour diffusion d’informations erronées et tendancieuses contre le président de la République ; en 1980, elle fut fermée pendant 36 heures pour programmation sensationnaliste ; en 1981, elle fut fermée pendant 24 heures pour diffusion de programme à caractère pornographique ; en 1984, elle reçut un blâme pour avoir ridiculisé le président de la République (le précédent avant Chavez) et son épouse ; en 1989, elle fut fermée pendant 24 heures pour publicité pour le tabac...
Alors là, vous conviendrez avec moi qu’il devient légitime de fermer la chaîne !!! RCTV s’est permise, en 1976 et 1984, de critiquer le président ! Elle a diffusé en 1981 un programme pornographique ! (Que le Conseil constitutionnel en prenne de la graine vis-à-vis de Canal Plus, non mais !) Et comble des combles, en 1989... publicité pour le tabac. Oui, je sais, je paraphrase, mais ceci mérite cela.
Arrêtons-nous un moment, le temps de reprendre un souffle accéléré sans doute par les indignations précédentes, sur la personnalité de Chavez et la nature de sa « révolution démocratique » si chère à Mélenchon. En juillet dernier, Libération (déjà) publiait ce compte-rendu d’un voyage de Chavez :
En visite en Iran, le président vénézuélien a assuré son homologue de son soutien inconditionnel.
Après la Biélorussie, la Russie et le Qatar, Hugo Chávez est enfin chez son « frère » Mahmoud Ahmadinejad. L’Iran et le Venezuela ont "des positions et des points de vue communs", s’est réjoui, samedi, le président iranien. Il y a quinze jours, Ahmadinejad avait comparé l’offensive d’Israël au Liban à la politique militaire de l’Allemagne nazie. La veille de son arrivée à Téhéran, Chávez l’a assimilée, lui, "aux actes de Hitler". Il a enfoncé le clou hier devant des étudiants iraniens, parlant de "fascisme israélien".
Chavez, fils spirituel de Fidel Castro, frère de Mahmoud AHMADINEJAD, ami personnel de feu Saddam Hussein... Une véritable Adams Family politique. C’est cet homme, ce régime baigné d’ambiguïtés repoussantes, que Mélenchon appelle aujourd’hui à soutenir.
Nous sommes en démocratie. Un pays qui a porté Jean-Marie Le pen au second tour d’une élection présidentielle a tout à fait le droit d’abriter les soutiens d’un dictateur assumé, ami de tout ce que le monde compte de dirigeants totalitaires et négationnistes. Je n’aurai donc qu’une exigence :
M. Mélenchon, cessez d’utiliser le mot « République » dans
l’intitulé des cercles de réflexion que vous animez. Les républicains, au Vénézuéla,
on les réduit au silence, avec votre bénédiction désormais.
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